récit ethnographique ou poétique vagabonde... chacun-e sur la forme a
laissé libre cours à la tournure de son esprit.
Brèves ou distendues, ces contributions ne sont
fondées sur nul souci de représentativité, nulle
inclination théorique, aucun esprit partisan ou
de chapelle... ce qui n'est pas une mince
gageure ! Toutes et tous se sont retrouvés
autour de la seule consigne donnée aux
contributeurs des Mélanges, "faites-lui plaisir,
faites-vous plaisir".
Et quels Mélanges ! Comment pouvait-il en être
autrement ? Comment ne pas se réjouir d'un tel
éclectisme ? Car finalement à quoi peut bien
servir une telle entreprise ? Ces contributions
originales sont l'occasion simple et sincère
d'honorer l'héritage transmis, matériel ou
immatériel, conscient ou inconscient. C'est
aussi une façon de dire que la pensée d'Anne vit
à travers chacun de ces textes, que ceci
apparaisse au lecteur ou non.
Honorer notre professeure, ou directrice de
thèse, s'adresser à la femme, saluer l'écrivain.
Anne, il faut le redire, s'est engagée comme
enseignante, militante associative, mais aussi
dans l'écriture, la poésie, le théâtre et même
la mise en scène. Hier institutrice, aujourd'hui
responsable d'institut culturel ; bien sûr la
militance continue, d'une façon ou d'une autre.
Enfin outre la variété des registres d'écriture,
du récit de vie à l'histoire sociale, en passant
par la théorisation sociologique ou les
saynètes, deux dimensions ont été transmises à
ses anciens élèves, susceptibles de reprendre le
flambeau : la forme tout d'abord, inimitable, le
phrasé et la recherche d'un vocabulaire précis,
d'une syntaxe correcte, et l'exigence d'une
orthographe irréprochable ; le fond ensuite avec
l'intérêt pour les gens de peu, les femmes du
peuple des campagnes, les milieux populaires en
général, les Bretons en particulier, même si son
parcours vagabond l'a parfois conduite bien loin
de nos rivages : l'Afrique et Madagascar dans
les années formatrices des débuts de carrière...
De cette anthropologie du détour par les terres
africaines chère à ses prédécesseurs naquirent
quelques vocations pour l'investigation en
terrain exotique, mais plus sûrement sans doute
une posture tout à la fois de proximité et de
distanciation qui fait voir le familier avec
l'œil neuf de la découverte. Proximité dans la
relation, distanciation dans l'analyse qui
définirent à la fois ce regard attentif et aigu.
Conjuguer ethnologie et sociologie, croiser
champs et approches sans se laisser enfermer
dans un académisme strict, utiliser les " chutes
" des récits recueillis pour tisser la trame de
nouvelles à l'écriture plus libre, telle a été
la démarche d'Anne pour appréhender au plus près
la réalité sociale. Inscrits au départ à
l'intersection de la sociologie rurale et de la
sociologie des rapports sociaux de sexe, ses
travaux se sont diversifiés sans abandonner ces
premiers ancrages. Qu'elle nous parle des femmes
de la terre de Mitro ou de Guiclan ou qu'elle se
penche sur le parcours de vie de Gisèle,
agricultrice léonarde que la psychanalyse a
aidée à échapper à l'emprise de l'alcool, il
s'agit encore de s'interroger sur la place
dévolue aux femmes dans un monde rural en
changement. Il s'agit aussi de transmettre
l'expérience tout à la fois sociale et
singulière de ces femmes, auxquelles il revient
de s'adapter aux mutations économiques et
sociales, sans pour autant acquérir davantage de
maîtrise dans le domaine de la production et des
échanges.
Il s'agit enfin d'analyser comment ces
assignations s'impriment dans ces corps de
femmes. Corps au travail, corps qui enfantent et
qui soignent, corps aimants et corps souffrants,
à l'instar du corps de Gisèle, travaillé de
façon pathologique par le refus de la place que
lui assigne son milieu, sa famille, son époque.
De la terre, Anne ne s'éloigne pas beaucoup
quand elle s'intéresse au territoire, à son
électrification, à la trajectoire sociale et
politique des élu-e-s qui en assurent la
gestion. Des femmes non plus d'ailleurs, car
elle accorde une attention toute particulière à
la dimension du genre, qui organise différemment
les itinéraires politiques masculins et
féminins.
Les contributions recueillies portent la trace
de cet éclectisme et rendent hommage à ses
partis pris d'écriture. Plusieurs textes mêlent
l'humain et le scientifique pour dire le bout de
chemin parcouru ensemble. La question des femmes
et du féminisme, qui lui est chère, est abordée
sous des angles variés. Celle des liens entre
sociologie et littérature également. D'autres
contributions, enfin, suivent le fil des
préoccupations scientifiques de leur auteur-e.
Une autre façon d'exprimer son amitié.
Venus "De Bretagne et d'ailleurs", ces Mélanges,
Anne, te disent donc simplement merci.
Yvonne Guichard-Claudic Philippe Lacombe
Christian Papinot
ISBN :
2-901-737-62-5
15 €
Commander en
ligne :
lestamp@lestamp.com
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