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SOCIOLOGIE DU TRAVAIL SOCIETES DE L OUEST SAINT NAZAIRE SOCIOLOGIE DES FORMES DE VIE SOCIOLOGIE DE LA PROLETARISATIION SOCIOLOGIE Du MOUVEMENT OUVRIER SOCIOLOGIE DE LA SOCIETE FRANCAISE
Construction navale XX° SIECLE XXI° siècle Gilets jaunes 2019
Les voeuxx 2022 du LESTAMP
Les ouvriers de Saint-Nazaire
ou la double vie
par Jacky REAULT,
Agrégé d'Histoire, Maître de conférence en sociologie
Agrégé d'histoire, Directeur du GIRI CNRS,
Co-fondateur du Lersco CNRS, Maître de conférence en sociologie à l'Université de Nantes LERSCO 1992 Habiter PIPS, EA 4287 Université de Picardie Jules Verne, Lestamp-Association
Article de référence sur la sociohistoire de temps long, y compris actuel, sur les ouvriers de Saint-Nazaire, depuis sa première édition papier en 1991, épuisée puis réédité en 2006 surwww.sociologie-cultures.com
Revu et très largement complété, à partir de 2008- 2010. tant sur les luttes sociales que sur le municipalisme et l'intégration à l'estuaire culturel et politique d'une réféodalisation du maire de Nantes et de son ministre à vie des des esprits et des mémoires.
Hégélienne serait l'histoire ouvrière nazairienne ? A chaque grand moment, chaque marée d’industrialisation, domine l’esprit d’un des trois peuples ouvriers qui la constituent, se référant en frontières mouvantes à deux grands blocs culturels sous l’égide arbitrale d’un centre autoritaire personnalisé, la magistrature singulière du maire de Saint-Nazaire entre coutume et institution (en voie d'obsolescence cependant, aboli dans l'estuaire de l'hégémonie nantaise 2011). La survie culturelle de chaque peuple alors que son moment de scène historique est passé, leurs conjonctions en mobilisations unitaires ou polarisées, constituent sur fond territorial d’intense insularité mentale, la spécificité nazairienne. Son milieu intelligible n’est pas la ville qui en constitue la scène mais un "pays" invisible manifesté en gestes épiques dans l'après-guerre, que résume la conquête d'une toison d'or en été 1955, pays, ou plutôt marqueterie de "pagi" que nous redécouvrons statistiquement en 1977 comme aire d’emploi, au tournant récessif des Trente Glorieuses engendrant la mondialisation.
L'espace temps du
Saint-Nazaire
d'aujourd'hui, plus
agrippé que jamais à ce
que les soumis du
consensus de 1983-4
laissent subsister de
République française,
est celui de la
grande crise explosée à
l'automne 2008, celle de
la mondialisation même
et de son ventre mou
l'Europe de la
désouverainisation des
peuples par les
financiers et leur
multiplicateur l'euro
allemand, du retour
violent induit de la
prolétarisation de par
la cruauté sociale
conjuguée de
l'ajustement structurel
(2013) et de la
normalisation verte. A
L'ordre du jour
l'expropriation
tendancielle, de la
propriété populaire.
Penser les ouvriers nazairiens exclut d’entrée de penser simple ; nous n’offrirons ici aucune munition pour aucun camp ! Trop d’idées toutes faites trop d’histoires de convention très contrôlées assaillent. Trop de mémoires heureusement communes, plurielles mais surtout vivantes : ni 1984, scission de la gauche et de la nation de 1789 ni 1991 implosion ici indolore de l'URSS, ne sont ici fin de le l'histoire !
Certes c’est par la ville site de ses géants chantiers[2a]
qu’on les nomme ; elle fut leur seule "scène nationale", leur matrice unificatrice. C’est dans ses rues qu’affluent et dans ses places que se concentrent, visiblement et cycliquement, les multitudes ouvrières qu’attirent encore en 2009, ( quand se rue au galop le fléau prédateur de la crise des crise), ses doubles chantiers de l’air, de l’eau... Celui du feu de la forge est mort à Trignac en janvier 1932 mais il engendra ce feu humain qui brule encore «marche (dite) de la faim » des ouvriers nazairiens qui, le 23 janvier 1933[2b], atteint sans gagner, Nantes, - vu d'ici, trop ou trop peu "chef"-lieu de cette pourtant si populaire république des départements de 1789. Ne fallut-il pas six mois pour qu'arrive la commande d'un nouveau navire. Et tant qu'il y aura une république française un tant soi peu souveraine un nouveau navire viendra encore. La crise en cours sera de ce point de vue le moment de vérité.
Régulièrement Nicolas Sarkozy soi-même croit devoir venir y réaffirmer l'antique contrat. C’est dans la ville que siègent, longtemps et encore temple de la République, la Mairie arbitrale, la Bourse du Travail, les Unions Locales, centres de conquête de l’aire et un, -devenu si improbable en 2008- encore Centre de culture populaire
toujours géré par des militants syndicalistes que la dite Deuxième gauche
n'a pu libéraliser ?.Certes il fallut deux générations pour que le tissu urbain reconstruit à la soviétique et tournant le dos à la mer retrouve quelque peu une vie urbaine charnelle et dense quoique les cafés populaires aient en grande partie laissé place aux espaces neutralisés et musicalement mondialisés de la moyenne jeunesse urbaine.
C’est là cependant qu’une monadique mais encore
classe ouvrière, comme séparée d'une société qui l'a reléguée au musée social, ordinairement virtuelle hors l’usine ou le chantier, se donne brusquement à voir en immenses messes unitaires de rue, - réassurance rituelle face à l’Etat, au patron à l’hydre des sous-traitants, à la mondialisation - ; mais elle sait encore s’y ranger aussi en ordre de batailles, épopées de rue et d’usines où excellent (aient ?) des multitudes viriles : Culture de fierté et de force chez les hommes assemblés dans cet Ouest de la dispersion bocagère : précieuse survivance ! C’est par définition la ville-commune, peut-être pourrait-on dire la commune ville, espace du rassemblement comme le fut si longtemps l'Eglise, pour la dispersion bocagère des hameaux de l'ouest (Ch. Tilly,
The Vendée), qui permit l’institution de cette fonction municipaliste, sans doute plus corporatiste que tribunitienne, du maire-notable populaire du temps du bordereau[3a] et peut-être encore par réminiscence sourde, de la mairie mutante d’aujourd’hui, fascinée par Nantes, la dépopularisée[3b].
Mais la mairie s'abolirait-elle dans l'estuaire
cultureux d'une agglomération néo-féodale "européenne", que l'espace de la ville resterait, les jours de manifestation, le propre des peuples de l'aire. Le propre c'est, ici comme partout où subsiste, (à l'encontre d'un nomadisme de grands urbains
mondialisés), le lien de collectifs travailleurs, de groupes domestiques et lignagers et de territoires, pour des politiques du peuple ( R. Dupuy), voire pour cette étonnante et multiséculaire culture historique de la rébellion française (J. Nicolas), une victoire du lieu sur le temps
(Michel de Certeau, cité par J Deniot&J Réault, Préface à
Espaces, temps et territoires. Lestamp-Edition Nantes mai 2010.)
C’est pourtant de plus large que de cette ville très moyenne mais jamais médiocre que l’on va parler ici et que résume joliment un vocable identifiant emprunté à l’espace on l’on battait le blé,*
l’Aire
l'aire de la force féconde entre l'aigle et le blé, et non le bassin (de vie d'emploi) dont on suit la pente vers le bas, formule qui l'a emporté en un temps où la culture est plutôt hantée par Big Mother (M Schneider). Le syntagme aire d’emploi est né d’un temps historiquement unique (l’apogée des Trente Glorieuses) où le travailleur libre[4]
se sait encore par définition « précaire » ce qui n'est pas forcément triste, c'est l'attribut ambivalent du salariat, mais il se sait peut-être plus encore ici
empaysé (J R 2004). Il éprouve donc contradictoirement que sa liberté est l’unité tenue de tout un complexe de déterminations à la fois organiques et séparées. La première est évidemment le salariat même, son fragile lien (d’emploi) y compris sa capacité de le délier lui même en licenciant son patron, en détail les jours de grève ou en gros quand joue dans le haut des cycles Kondratieff, et à son avantage, la tension du marché du travail.
La seconde est la paradoxale garantie d'un Etat à la fois combattu (l'anarchisme de l’ambivalent « bocage mental » de l'ouest) et toujours sollicité pour civiliser les contrats léonins par un plus ou moins quasi-droit. La troisième, irréductible à l’idéologie marxiste ( sauf à y introduire l'anthropologie braudélienne de Claude Meillassoux), est l'assurance palpable, quand il le peut, d'un patrimoine familial et lignager sauvegardé ou reconquis dans des emboitements de territoires qui font pays. Le "prolétaire" aussi réel qu’ inachevable a beaucoup de patries contrairement à son congénère idéel du Manifeste communiste. Tout cela fait beaucoup de réels mêlés pour les manuels prémâchés d'une pseudo Science Economique et Sociale.
Cette dense réalité là est décidément insupportable et globalement hors d'atteinte même d'une authentique sociologie devenue disciplinaire et "undercontrol" de quelques clans au savoir achevé. Les travailleurs libres d'ici pratiquent sans fin ces contradictions qui sont la dynamique même de leur vie et du rapport de leur vie à leur travail. Pas étonnant qu’ils se divisent en plusieurs pensées et qu’il se divisent eux-mêmes et parfois contre eux mêmes, pour ne se retrouver que dans d’exceptionnelles mais si puissantes
retrouvailles collectives !
Ce n’est pas la ville qui les a seule engendrés par quelque parthénogénèse mais ces pays si divers entre terre mer et fleuve, Presqu’île guérandaise, Pays de Retz, confins de Nantes aux bords du sillon de Bretagne ; c’est de là que sourd (ent) la vie (les vies) diverse (s) qui les ont modelés. La ville-scène-de-jour, ne les connaît que comme un vaste chœur qui ne serait même plus la métonymie du démos mais sa seule réalisation cyclique et rituelle, d’où la tentation d’insularité mentale que cultive encore la forte sous-culture, aristocratique, celle-là, de l'anarcho-syndicalisme en ses métamorphoses contemporaines. Et pourtant, si la « ville ouvrière », « la capitale (avec Nantes alors) de la contestation sociale », fut promue scène nationale des luttes sociales des années 50 et 70 n’est-ce pourtant pas surtout par la geste fondatrice (1955) de bataillons juvéniles en vies et solidarités villageoises encore vivantes[5], les soudeurs ruraux, arrivés de la dernière pluie.
Les ouvriers nazairiens d’aujourd’hui toujours nombreux - tout l'ouest de "l'accumulation primitive continue" (Meillassoux 1975) a vu croître le nombre d'ouvriers du temps même de la mondialisation - baignant toujours, fait exceptionnel en France à cette échelle, dans leurs propres traditions et cultivant leurs propres mémoires. Ils travaillent et surtout vivent plus que jamais dans la dispersion, entre Pontchâteau, Donges et Paimbœuf. Moins urbains par le travail, ils habitent toujours moins la ville même mais toujours plus ses périphéries. D’origine Saint-Nazaire est habituée à mourir un peu chaque soir, mais désormais, à l’ère de la mondialisation, et comme toutes les autres, la ville tend toujours plus à refouler ses peuples hors ses murs à l'instar des media qui les refoulent dans le néant et des oligarchies continentales et mondiales qui prétendent les abolir comme mode, avec leurs femmes "employées" du peuple social et comme producteurs directs de biens et services, noyau dur avec les paysans et les artisans, d'une nation souveraine.
Au moins Saint-Nazaire-ville si enracinée dans un bout du monde si matériellement présent de mer de fleuve et de roc, restée industrielle et ouvrière, échappe encore à l’insupportable arrogance des bobos[6]
déterritorialisés qui se sont appropriés les capitales y compris celle des Pays de Loire[7], même si les derniers infléchissements de la mairie donnent l’impression d’un affadissement d’une imitation de l’exemple nantais qui tendrait à ne plus proposer d’identification collective que celle très déréalisée que se donnent partout les hauteurs des "classes culturelles" (E. Todd, L'illusion économique, PUF 1997) qui restent maîtresses des centres villes. A Saint-Nazaire l’heure est cependant loin d’être venue où la vie publique et les respirations de l'imaginaire, pourraient ignorer qu’elles doivent toujours compter avec les « politiques de peuples »[8a]
toujours latentes et prêtes à resurgir parmi ces derniers créateurs d'univers que sont les constructeurs de maisons de bateaux et d'avions.
Dans les moments de crise intense, telle celle qu'a engendré le carnage de la passerelle du Queen Mary II le 15 novembre 2003, par l'unité et la coloration de l'émotion qui entoure les gens de la navale, c'est empiriquement un bloc populaire, social et sociétal (accrochant au noyau travailleur les valeurs communes) qui s'affirme, comme d'ailleurs quand revient la très grande crise et l'extrême péril en janvier et mars 2009[8b]. Capitale de cette aire salariée ouvrière et rurale, Saint-Nazaire ne deviendra pas si facilement cette Saint-Nazaire sur mer, ilot "branché" de l'archipel d'un déclinant mais prédateur Etat culturel
asservi à l'idéologie de la mondialisation.
La navale au cœur
La Navale nazairienne, cette industrie par excellence, celle qui engendre le seul monde complet autosuffisant à l'exception de la planète, le navire, et que célébrait l'ouvrage aussi immédiatement référentiel que vite enterré par les notables - Saint-Nazaire et la construction navale- où s'inscrit à son origine cet essai, symboliserait leur unité ? Mais quelle assemblée de peuples désassortis que le soir disperse entre Vilaine et Vendée au delà des deux ponts si beaux et qui enjambent si large qu’on est, les ayant franchis, dans des au-delà qu’aucune annexion ne menace, construits qu’ils sont entre mythe et histoire dans l’imaginaire[9]!
Quelle armée ouvrière fut plus divisée contre elle-même, inégalitaire, si peu citadine, quoiqu'elle ait fait récemment, et ceci contradictoirement aussi grâce à son ambivalent dernier maire, d'évidents progrès : L’usine de la ville, celle des producteurs citadins désormais si intriqués de l’économie du savoir, ingénieurs techniciens ouvriers, c’est l’aviation, l’actuelle Airbus industrie avatar provisoire de la virtuelle Europe[10], mais si enracinée aussi dans la ville, le territoire et l’État français.
Reste que si les effectifs de la Navale fondent lentement, ni le pétrole ni la chimie ou même l’Aérospatiale ne modèlent toujours en 2008 aussi large territoire de vie quand le travailleur rentre chez lui. Le salarié modal résiste à la lénifiante et confuse "tertiarisation", prêt à penser globalisant des manuels scolaires ; il reste ouvrier, et l’ouvrier modal est toujours le « métallo » masculin qualifié quoique toujours plus imprégné de sciences et de techniques[11a]. Penhoët ! Le sanctuaire du métallo est peut-être encore le Chantier naval si fortement nommé par le sonore vocable breton intégré dans ce tissu vivant, borderline entre la terre et l’eau, de la métallurgie d’après Vulcain, celle des constructeurs de mondes. Penhoët est encore le sujet historique flamboyant de 1932, 1936, 1955, 1967, etc. , où travaillent soixante pour cent encore de cette improbable classe-ouvrière-cyclique anachronique et contemporaine, si intense dans ses brusques et aléatoires renaissances quand elle se manifeste apparemment à contre histoire et se fait, ce faisant, de temps en temps, l’histoire même.[11b].
Pas plus que la forme de la ville ni même la forme utérine où naissent les navires, le seul travail ouvrier ne résume les vies ouvrières séparées et communautaires, les vraies vies qui intègrent ce travail à leurs propres fins, dessinant des territoires variés. L’expression moderne d’aire d’emploi les condense en les trahissant. L’offre d’emploi centralisée, le marché les unifièrent, mais il les voile : Sous l’aire une poignée de cantons des dizaines de communes[12a]
où les ouvriers restent, - ce qui n’est plus le cas de la ville -, majoritaires, n’en finissent pas d’exister pour eux mêmes. Sur ces fiefs ficelés par le réseau de transports, sur les travaux divers de l’industrie tant unifiant que diviseurs, une geste ouvrière historique unifiée, s’est faite mémoire, institutions, rites, identité ouvrière voire, on l’a suggéré, ouvriériste, mais en plus, pas à la place, d’autres identités. Le mode capitaliste de production n’a pas détruit leurs propres modes de reproduction.[12b]
A l’inverse, leurs manières d’être en villages, en lignages, sur leurs terres et sous leur toit colorent leurs actions de classe. Grèves, votes, appartenances, jusqu’aux ficelles des métiers ne sont déductibles de la seule usine, ou du travail salarié.
L’aire est quasi-organisme Centre et périphérie. Sur une vaste marge rurale et rurbaine, des travailleurs libres à la fois salariés et petits possédants. Doubles donc .Collectivistes et libéraux, autonomistes forcenés et nostalgiques de communautés fusionnelles. Au centre s’installe d’abord le premier, un peuple sans héritage, sans maison, sans qualification souvent, entre le port, Méan et un glacis asséché de la Brière, Trignac. En 1991, -en 2006 plus encore ?-, il reste plus dépossédé. Plus habile à l’action collective qu’aux stratégies privées, il à bien du mal à conserver simplement l’emploi. Marquée par ce premier peuple prolétarien, peu consensuel mais égalitaire, et par l’aristocratie d’hommes de métier moins consensuels encore, la ville[13a]
ne devint centre d’un consensus de classe et pas seulement de coexistence commune que tardivement quand la loi impose la trinité syndicale, emblème ici de ses trois peuples, contre l’ancien monopole des professionnels puis du bloc laïc. Le monopole municipal céda plus tard encore, il y fallut la guerre, l’occupation, la Poche…. Si elle offrit ses rues à l’intense et précaire unité de ces peuples, le sujet de l’histoire nazairienne n’est pas sous le pavé urbain mais dans les arcanes fluviaux maritimes maraichins et bocagers de toute l’aire ; c’est là qu’il faut creuser.
Cet article bat le rappel des trois formes de vie ouvrière engendrées par l'histoire industrielle moderne au sein des trois "peuples" de l'aire sous ce qui risquerait de devenir l’histoire sainte d’une seule classe. [13b] Trois peuples, trois territoires, trois fils historiques et deux blocs culturels. Voila pour tant de moments singuliers résultantes de leurs enlacements ou affrontements entre eux et avec "le temps du monde", comme avec "l'identité de la France" (Braudel et Braudel), nos clés.
-
Des hommes dépourvus de biens et de métier, des deux fois prolétaires donc, - prolétaires achevés dans notre typologie- citadins de Saint-Nazaire ou néo villageois de Trignac, de culture laïque, bleus puis rouges, puis.... voila le premier peuple, plutôt seul, le plus proche d'une classe ouvrière assimilée à un prolétariat réduit aux ressources du salaire voire, dans la vie pavillonnaire trignaçaise au travail domestique plus ou moins des deux sexes..
-
Des hommes encore, mais professionnels qualifiés citadins, laïcs aussi, bleus jamais très rouges longtemps hégémoniques, rejoints par ces briérons double possédants, entre ville et îles, du métier et de la terre : C’est le deuxième peuple, il connait la promotion scolaire et croise la militance qu'engendra l'école publique, plus peuple que classe
sauf souvent verbalement plus classe que moyen
sauf à penser comme l'essentiel du peuple sociétal, le vaste volant de pérennité que doit défendre sans fin le travail paysan puis le salaire précairement patrimonialisés..
-
Des hommes et des femmes, ruraux apparemment sans qualité, dépaysannés des années, Trente déjà mais surtout des Trente Glorieuses (1944-1974)[14], le troisième peuple encore immergé dans la terre, liée aux lignages paysans, longtemps relié par les paroisses, il s’abolirait lentement dans les précédents si son mouvement n’avait institutionnalisé une autre culture, via le syndicat « chrétien » qui aida leurs passages, introduisant en le civilisant le dualisme de l’Ouest d’après 1793 dans le mouvement ouvrier. Double dualisme de la religion et de la propriété: antithèse du premier peuple, prolétaire inachevé (?)
Et par-dessus (ou par dessous) tout ça deux socles de symboles deux blocs culturels. On dira par conventionbloc chrétien, bloc laïc,
guerre civile pacifiée en interaction devenu mutuellement, civilisatrice.
Double vie double culture
Double vie ? La vie entre deux monde, le pays le villages, le domaine domestique et productif, la logique séparée privative d’un côté ; le travail industriel concentré, la logique socialisée collective, de l’autre. Champions de la Double vie, les briérons puis les dépaysannés de l’Expansion. Simple vie ? Le premier peuple ouvrier de l’estuaire est plus moniste par sa nudité prolétarienne à Saint-Nazaire, sinon à Trignac où il redevint villageois et tardivement accédant.
Bloc
catho et bloc laïc
En 1936 encore, sous la bannière républicaine et laïque, les deux premiers peuples semblent culturellement n’en faire qu’un, s’opposant en bloc au monde paroissial et rural dont maints enfants sont déjà dans l’usine, mais un peu à l’écart. Ils sont exclus du mouvement ouvrier surtout s’ils veulent s’y intégrer à leur manière, via le syndicat chrétien, mais jusque dans les années 50 en passant sans façon mais non sans traces langagières, par les paroisses catholiques, confirmant ainsi, plus que par leurs stigmates linguistiques et comportementaux ruraux, leur soumission sur la
terre des prêtres et des marquis. L’isolat nazairien pousse à l’extrême ce dualisme de Guerre civile froide de l’Ouest post-vendéen.
La C.F.T.C. se nourrit certes du réseau paroissial mais comme à Saint-Etienne vise aussi dans l'usine même, les oubliés d'une conscience de classe sous l'hégémonie aristocratique des métiers sinon de l'avant-garde communiste: manœuvres, ruraux, soudeurs, ... jusqu’aux aux femmes, femmes de ménages ou pontonnières. Le discours du militant ouvrier chrétien, personnaliste, solidariste et par les ouvriers plus que par les employés, populaire, est en porte-à-faux avec la doctrine collaborationniste voire libérale de la confédération liée à l'Eglise. Contre le monopole de la C.G.T., et de facto souvent à côté du militant C.G.T.U. qui l'effraie mais le fascine, il intègre nolens volens, l'esprit de revendication et se frotte pratiquement à la lutte de classe. Ce vocable longtemps honni, qui prendra un goût si troublant de transgression permise lorsque entre Vatican II et la signature du Programme commun de la gauche, il sera surinvesti via la confuse autogestion, puis neutralisé. Ce sera bref.
Entre 1936 et1947, par glissement puis saut institutionnel, la C.F.T.C.. devient une forme légale, puis instituée[15]
du mouvement ouvrier et non plus son antinomie. Il lui restera à devenir légitime dans l’insurrection populaire de toute l’aire en 1955. Pour que la mutation se concrétise, il faudra que soit isolé dans le bloc laïc - la scission de F O de 1948 y aidant -, le noyau intégriste et que soit marginalisé dans la C.F.T.C.. un monde frileux d’employés bigots, selon l’expression de l’un des fondateurs nantais du mouvement Reconstruction acteur régional et national de cette mutation[16]
Le Bloc chrétien peut ainsi s’ouvrir par l’entreprise, et non plus par la paroisse, au flux de la seconde (dernière ?) industrialisation. La nouvelle culture gagne son brevet de classe en 1955, atteint le parti socialiste dans les années soixante dix s’accomplit dans l’Union de la Gauche ; en passe de devenir politiquement hégémonique saura-t-elle éviter la décomposition de son personnalisme communautaire dans l’idéologie dominante individualiste et privative et le ralliement acritique mais surtout libéral post-catholique à l’Europe ?
Ces deux blocs nés de la Révolution et de la Contre-révolution étaient bien toujours là, actifs et pertinents en 1991, à la veille de la ratification acrobatique du Traité de Maastricht ; ils ne le sont pas moins quoique autrement en 2006 et 2008, après le massif Non français de 2005 ; les trois peuples ouvriers de l’aire, urbains et ruraux ont cependant presque également et fortement voté non, en forte rupture avec la « gauche » culturelle[17]
et tertiaire supérieur de Nantes. Si la réalité se montre régulièrement ici si adéquate à son concept, il ne faut pas prendre à la lettre la dénomination commode, idéaltypique de ces deux blocs qui se réalisent en formes historiques mouvantes. La rencontre du troisième peuple et des militants du Bloc chrétien institutionnel et culturel, n’implique pas que ce dernier flux soit plus chrétien que, par exemple, privatif, égalitaire, patrimonial et en tout cas il n'est plus majoritairement sous emprise d'église.
Mais, historiquement, ce bloc fut le relais de l’acculturation douce du troisième peuple, sas entre la ferme et l’usine, accompagnateur de ses radicalisations, éclaireur de sa mutation politique, acteur de son nouvel enracinement[18a]. Il est encore la base principale de la C.F.T.C., à peine moins de la C.F.D.T. dont les militants sont cependant plus divers. [18b]
Double vie a donc un sens plus profond. Le long frottement des blocs finit par tout rendre un peu dualiste ici, du mouvement syndical au Parti socialiste dominant, des ruraux confrontés à l’usine et aux valeurs prolétariennes, aux citadins compromis avec l’Ancien Régime. Double identité partout ! Comment les actes ne seraient-ils pas à la fois ancrés dans des permanences et inattendus, en un mot, historiques. Nous survolerons l’irruption historique des trois peuples dans cette aire et cette ville, pour faire le point, ensuite, dans les groupes de la vie privée ouvrière de la prolétarisation dont l’inachèvement ou l’inversion reproduisent la double vie ; et conclurons sur le vote syndical et politique rapporté aux trois peuples, aux deux blocs.
L'unité résultante problématique de trois histoires enlacée ou délacés
Les prolétaires immobilisés, la mémoire souterrains d’un passé offensif, qui s’institua dans le communisme,
Le premier peuple, sans biens, ni lignages, ni métiers, nu déjà dans la paroisse bretonne ou plus lointaine qu’il a laissée, aménage l’estuaire, au mitan du siècle de Germinal, construit, le port, puis le chemin de fer, la ville. Terrassiers, maçons, débardeurs et autres hommes de peine puis dockers, charbonnier, manœuvres aux forges ou cheminots, ils n’intègrent le sanctuaire naval que dans les années vingt, avec des emplois d’aides, riveurs, élingueurs ou autres matelots[19], servants des hommes de métier autant que du capital.
Les ouvriers nazairiens originels ce sont eux ; installés d’entrée dans la boue et la vie vraiment précaire, entre Méan et Trignac par les villages sans églises. Leur conscience s’ancre plus qu’en un travail particulier, dans la précarité qui les poursuit. Les débuts sont terribles, morbidité, mortalité; sans eau potable, sans hygiène. Ils perdurent dans le risque et les violences du chantier avec l’alcoolisme compensatoire, le taudis, le salaire dérisoire, l’emploi rompu chaque soir ! Reste un style marquant la culture urbaine: un goût pour la prouesse violente spectaculaire à connotation virile, mais aussi un certain fatalisme, une immobilité, une clôture ouvriériste.
Leur misère frappe en 1900, les frères Pelloutier dans la Vie ouvrière en France. En 1936, au vu du recensement les choses ont peu bougé. Réduits au salaire de l’homme, démunis de tout moyen d’autoproduction, culturellement étrangers aux stratégies privées, ils restaient condamnés au collectivisme de masse.
Si leur histoire propre leur fut ravie par les professionnels stabilisés, les briérons et plus tard les ruraux plus lointains qui investissent la ville au cours du siècle, Ils ne furent pas toujours des loosers. Les luttes trignaçaises, l’appropriation de la rue, par les dockers et les charbonniers nazairiens, leurs pugnacité et leur rationalité revendicatives manifestent surtout avant 1914, un monde jeune et conquérant. Loin d’être résumés par l’ouvriers professionnel de la Navale et ses servants ruraux, l’histoire ouvrière est leur affaire jusqu’au désastre trignaçais de 1933[20], Le déclin du port, la fermeture des forges et la fin du charbon, puis la guerre, l’exode se liguent contre eux. Dès les années vingt, la culture des chantiers évince la leur. Ce sera le temps du “bordereau"[21], l’institution de la négociation collective du salaire monopolisée par les professionnels.
La C.G.T.U.., en dehors de rares professionnels sous-traitants de la chaînerie trouve ses maigres troupes du côté des riveurs et chanfreineurs, des cheminots, des dockers, des charbonniers, épousant de facto leur marginalisation ; mais la masse reste distante. Le municipalisme personnalisé fascine leur faiblesse ; leur goût de la violence immédiate se plie mal à la bolchevisation. Actifs en 1936 et 1938, l’unité les étouffe un peu mais la concentration en cités de relogement en 1945 les soude comme jamais. Le quartier d’Erbins sera une véritable base rouge[22].
En 1947, une C.G.T. nouvelle qui ne les marginalise plus, les organise et les accroche au communisme mais, réduite à leur soutien, elle passe très près de la marginalisation[23]. Ils doivent en passer par le rapprochement avec les autres refoulés sur d’autres marges, les chrétiens et ruraux, alliance vitale pour la survie de la C.G.T., selon Paul Malnoë, dirigeant historique de Force Ouvrière. Cette incongruité produit de l’histoire en 1955. La marque des prolétaires de force se mêle à une action directe violente et anti-intellectuelle propre aux jacqueries. Le lien privilégié C.G.T.-C.F.D.T.. reproduira cette conjonction jusqu’à la fin des années quatre-vingt où semblent se dessiner les prémices d’une nouvelle marginalisation.
Seul l’anticléricalisme de F.O... semblait freiner encore le changement de bord du bloc chrétien vers un bloc réformiste du salariat installé ; en 2006 la perspective de ce bloc réformiste s’est éloignée avec le reclassement de fait des choix politiques autour de la mondialisation et de son vecteur principal l’Europe libérale opposée aux acquis ouvriers nationaux. Ne va t on pas vers un rapprochement des frères ennemis de l’ex. CGT unifiée contre une CFDT toujours plus politiquement intégrée à la deuxième gauche libérale et européiste. C’est l’hypothèse que nous faisions déjà en 1995, à Nantes, lors du Colloque pour le centenaire de la CGT.
Mais il faut distinguer pour le moins trois mi-lieux prolétariens dans l'aire
- Isolés dans un tissu résidentiel qu’envahit le tourisme marchand, les pêcheurs prolétariens du Croisic
maintiennent une de ces identités résistantes qu’induit la communauté de travail affrontant une nature redoutable, sur la mer ou dans la mine, dans l’extrême dureté d’une discipline et d’un arbitraire hiérarchique d’un autre âge, mais le temps joue contre eux, qui réduit l’emploi comme le revenu, qui ferme les conserveries où leurs femmes trouvaient l’appoint irrégulier mais récurrent du salaire misérable, sinon une véritable salarisation. L’alcoolisme et l’anomie des adolescents creuseront toujours plus la précarité de leur vie et leur marginalisation sur leur propre sol par une petite bourgeoisie marchande et immobilière impitoyable et âpre au gain ? Cette typification est évidemment abusive et datée ; en 2006 rien ne permet de tenir un propos si assuré.
- Trignac, le village estuarien en amont de Méan, passe au socialisme municipal bien avant Saint-Nazaire. Un village à soi ce n’est pas rien même si c’est le triste Trignac et sa forge sauvage et ruineuse de vies puis ses irrécupérables ruines industrielles qu'aucun bobo ne tenta heureusement d'esthétiser en friches post-industrielles pour palier l'ennui des classes (en réalité "post" ) culturelles. Le village prolétarien si longtemps même sans église gère toujours son destin qu'aucun touriste morbide ne vient polluer, gardant ses fidélités politiques propres. On y conquiert (mais il s’agit d’abord de nouveaux arrivants), en nombre, la maison individuelle à la fin des Trente Glorieuses.
- Les prolétaires de la ville de Saint-Nazaire semblent, eux, ne plus rien maîtriser, trois fois dissous, par la fin des cités de relogement, l’exclusion du travail, l’obsolescence ou l’affadissement du lien communiste. Le groupe éclaté entre le surclassement acrobatique (une frange trouve in extenso, via l’Aide Personnalisée au Logement, l’aubaine de la maison individuelle et des traites ) et la marginalisation, a perdu sa cohérence socio-spatiale. Combien d’héritiers du premier peuple dans les 22 % de chômeurs du canton de Saint-Nazaire-Est en 1991? Stigmatisés par un genre de vie qui détonne dans un univers ou tout le monde, sauf eux, est maître en son domaine, privés des deux messianismes social-chrétien et communiste qui furent porteurs de fraternité et d’intégration légitime, qui dirait leur révolte et leur désespoir ? Si le Front national, (la seule alternative encore tribunicienne ( Z. Stirnhell) que s'inventèrent les ouvriers abandonnés par leurs partis ?) ne trouve pas cependant parmi eux les scores que lui donne les territoires de la désindustrialisation sauvage des années 81-86 dans le Nord et l’Est de la France, il y puise cependant des électeurs à son apogée et qui préfèrent de toute façon l'abstention consciente à la désidentificatrice soumission.
De la quasi ethnie briéronne à l’hégémonie des hommes de métier
Deuxième peuple : Tradition millénaire certes pour le bois, la Navale moderne du fer et du pétrole est seconde, la construction des navires ne se pérennise qu’au début des années 1880 ; les ouvriers du port, des forges même sont déjà là. Comme par miracle ces hommes vont renaître vers 1884 du sol Briéron où ils bricolaient leur vie avec un prodigieux patrimoine de techniques polyvalentes en se passant du Capital comme ils s’étaient passés des nobles sinon des prêtres. Ils deviendront ses salariés mais jamais exclusivement; gardant leur savoir polyvalent y compris dans le Chantier jusque dans les années soixante et sur leur terre comme dans leurs eaux si belles au soleil des matin d’hiver.[24].
Produit d'une manufacture hétérogène dirait le Marx lumineux de la Section IV du Capital, le navire requiert une armée différenciée d’hommes de métier et une marge de quasi-domestiques que la périphérie de l’aire fournit d’abord avec d’ex-vrais domestiques ruraux, âgés souvent. L’armée navale atteindra 11000 hommes à son apogée dans les années cinquante quand elle se concentre en un seul chantier, flanqué d’établissements mécaniques ou chaudronniers. Rien d’un Léviathan capitaliste faisant de petits producteurs des prolétaires achevés, isolés, hétéronomes, et sans qualité. C’est comme si les Chantiers avaient passé contrat tacite(?), voire fait alliance quasi politique avec une communauté (quasi) ethnique entière..
Au patron la plus-value née de leur savoir, pour eux la normalisation du travail, la chefferie sur les autres ouvriers ; leur force de marchandage restant leur capacité à se passer du patron en assez longue période grâce à la double activité[25]. Ils le prouvent en vivant sur leur fonds dans les temps de chômage ou de grève. Après avoir longtemps brisé les grèves des citadins, ils inventeront la grève du temps récupéré ; le salarié redevenant par elle petit producteur à son compte. Il a fallu presque un siècle pour briser dans la division du travail leur force encombrante, devenue celle de tous les professionnels de la Navale. D’autres[26]
ont décrit ce processus d’Organisation Scientifique du Travail précoce mais limitée, l’école des apprentis, la sérialisation relative des années soixante. On se limitera à l’aspect historique et anthropologique global.
Organisation du temps, hiérarchie interne et partage des tâches de l’équipe de base, formation finale - même après son amputation par l’école (patronale) des apprentis -sont un compromis bilatéral, pas une pure domination du capital. La coutume du chantier, si bien rapportée par Louis Oury, la norme de la dépense de force, la maîtrise des temps du boni , qu’imposent les professionnels pèse autant que la loi du patron.
L’exclusivisme briéron, culture de pays ethnicisée par les urbains, archaïque, hostile aux nazairiens finira par se fondre au Chantier, sinon dans les iles briéronnes, dans une caste unifiée de professionnels. L’hégémonie des professionnels, à partir de 1920, repose d’abord sur des citadins de souche, des promus du premier peuple et une minorité d’ouvriers exogènes(des gens de Montluçon sont dans les années vingt parmi les premiers semeurs communistes). Mais beaucoup de ces citadins sont des briérons plus ou moins intensément et précocement séparés du marais.
La finale loi de ce milieu fut un compromis très proche de la coutume briéronne après la fin de leur la bouderie corporatiste entre 1921 et 1933.L’idéologie du contrat, valeur culturelle centrale et commune, constituera le socle culturel de la C.G.T. confédérée et de son monopole de négociation. C’est le temps du bordereau, l’institution de la négociation collective du salaire monopolisée par les professionnels dans les années vingt.
« Le temps du bordereau » L’ensemble de l’’iconographie de l’article de 1991, ici reproduite, est l’œuvre de Thérèse Dumont (Ecomusée de Saint-Nazaire,
Saint-Nazaire et la construction navale).
Le contrat collectif précoce survivant ici à l’économie de Guerre s’ancre dans cette culture de professionnels
monopolistes de type anglo-saxon que décrit Benjamin Coriat dans l’atelier et le chronomètre.
La grève n’est qu’une figure limite. On frisera le corporatisme autoritaire excluant, les femmes, les non qualifiés, aussi bien que la lutte véritable. Le modèle organiciste et inégalitaire de l’Ouest des notables n’est pas loin. La mairie de Saint-Nazaire noue le système sous son patronage. Il faudra la conjonction de deux égalitarismes, le prolétarien et le paysan, pour le briser entre 1936 et 1955.
La C.G.T- Force Ouvrière gérera cet héritage, sur Saint-Nazaire plus qu’en Brière, sans plus pouvoir ni vouloir l’ouvrir que la C.G.T. de 1935. Les salariés garantis de la construction aéronautique, les services de l’Etat à l’exception des chemins de fer étaieront cette base dans le même esprit contractuel avare de grève, fièrement élitiste et masculin. L’effritement s’accélère dans les années quatre-vingt... C’est dans les années 60 à 80 le syndicat des pères de familles professionnels autochtones citadins ou côtiers et laïcs. Son lien au militantisme de l’école laïque fait cependant perdurer une sensibilité politique anarchisante que la montée en puissance de la deuxième gauche post-catholique a contribué à maintenir mobilisée. Une fraction du vote d’extrême gauche nazairien induit par l’éloignement des partis de gouvernement et des classes populaires y trouve toujours un vivier.
La Brière ouvrière se clivera, entre les marges encore très paysannes et le Centre, aux nombreuses générations ouvrières selon le chanoine Vince inventeur d’une analyse des espace-temps de la salarisation dans l’aire de Saint-Nazaire. Au cours des années trente, la C.F.T.C.. gagne St André-des-Eaux, Besné, Crossac sur les thèmes culturels de la mère au foyer, et dusalaire minimum indexé au nombre d’enfants. Dans le centre historique à Saint Joachim, Saint Malo-de-Guersac, voire à la Chapelle, F.O.. et la C.G.T. d’après1947 fidélisent une base à la fois possédante et revendicative. Le P.C. suit ; il y résiste encore. Dans les secteurs indépendants de la hiérarchie des métiers de la Navale, l’Aéronautique et la pétrochimie la C.G.T. et le P.C. captent entre 1936 et 1950 une seconde base. Ce sont des ouvriers qualifiés, modernes, chers aux auteurs du Manifeste, qui furent ses meilleurs zélateurs; citadins, exogènes souvent ou transfuges du premier peuple passés par l’école des apprentis puis par l’enseignement technique. D’abord non possédants, ils rejoignent, dans l’Après-guerre, la cohorte des accédants à la propriété sans pour cela changer de bord.
Le syndicalisme
nazairien est très
représentatif : des
adhérents nombreux et
une participation élevée
des salariés aux
élections
professionnelles
20 Septembre 1948 :
meeting
interprofessionnel à
ST-Nazaire.
Après
la
Libération
, un
équilibre relatif
s’instaure entre les
trois principales
organisations
syndicales
( CGT, CGT-FO et
CFTC )
La troisième vague : l’ouvrier rural sans qualification des Trente Glorieuses et l'irruption des femmes
Le troisième peuple, la Navale l’attire d’abord dans ses flancs lors de la mutation technique de la soudure au rivet à partir des années Trente, mais la gésine d’une nouvelle force sociale attendra la
Deuxième et dernière
industrialisation, étayée par le boom du Bâtiment de la Reconstruction.
Bien avant 1945 un monde ouvrier organisé par le métier, le bâtiment, perdure en entreprises dispersées de la côte bauloise et pornicaise. Il sera gonflé par la Reconstruction, le tourisme marchand, la ruée vers la maison. Les hommes de métier urbains et laïcs dominent un peuple rural de manœuvres, de compagnons, pour qui le bâtiment n’est qu’étape ou appoint et qui ne devient
visible qu’en 1955 au sein du troisième Peuple.
C’est, dès les années vingt, plus que l’organisation scientifique du travail, largement volontariste, la révolution technique de la soudure à l’arc chassant le rivet qui ouvre la Navale aux nouveaux ruraux. Le soudeur de première génération n’est pas l’homme d’une formation mais d’une maîtrise des gestes et d’une sensorialité fine aléatoirement distribuées par la nature et l’enfance. Un flux de jeunes hommes, euphorisés par la liberté du salariat au regard des dépendances rurales, supplante le manœuvre rural et soumis d’âge mur, ou le riveur urbain prolétarien. Sacrifiés d’office du temps de l’hégémonie de la C.G.T.(confédérée), ils vont être captés un peu par les
unitaires de la C.G.T.U.. par le contact au travail des jeunes prolétaires, par la C.F.T.C.surtout, au village même.
Entre 1930 et 1965, les adaptions de la Navale s’accompagnent de recrutement neufs et se doublent d’une deuxième industrialisation propre à l’Ouest Français des Trente Glorieuses mais engagée, ici comme au Mans, dès les années trente. Paimbœuf, Donges, Montoir, accueillent la chimie demandeuse de ce travail posté non qualifié, si adapté à la double-activité de l’ouvrier paysan, puis la construction métallique, le biscuit à St Michel, l’habillement etc.; La pétrochimie (étudiée par Danièle Kergoat), à côté d’un travail de haut niveau, requiert des manœuvres puisés dans les villages de Donges. Chimistes, pétroliers, femmes de l’alimentation et de l’habillement, travaillent sur place, mais le nouveau flux naval tendra à se rapprocher de l’agglomération. Les trois flux (Navale, Bâtiment, industries de process) se gonflent entre 1950 et 1955 en une cohorte massive, juvénile, impatiente, optimiste sur le changement social bousculant la tradition ouvrière de la ville.
Entre 1947 et 1962 on observe plus de 4% de progression annuelle des salariés de l’industrie, encore 3% de 1968 à 1982.En1968, 72 % des actifs de l’aire sont salariés, 83% en 1982, plus que la moyenne française. Le nombre absolu des ouvriers croît jusqu’en 1982.Rien à voir avec la France industrielle du Nord-est! La salarisation des actifs variait en 1968 de 86, 4% dans le canton de Saint-Nazaire à 37, 6% dans celui de Saint Père en Retz, en 1982 le minimum est de 63%, Saint-Nazaire atteignant 92%.
Les trente glorieuses nazairiennes*
*Sur ce thème
Persée a réédité en 2011
l'article très complémentaire paru in Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, Jacky Réault,
Les Trente glorieuses de la CGT nazairienne et les aléas de la mondialisation. Il est désormais disponible in extenso (note de l'éditeur)
Les Glorieuses, on croirait la formule faite pour eux, leur mouvement s’inscrit sur la scène nationale ou il donne le ton, dans l’ensemble plus vaste de la Basse Loire .Les livres disent Nantes-Saint-Nazaire ! Renversement d’une clôture localiste ! Les porteurs de mémoire de la nouvelle identité ouvrière unifiée qui surgit s’affirment, exceptionnels et exemplaire ! Comme ouvriers d’abord, une conscience aiguë d’être à part, et comme nazairiens.
L’isolement géopolitique nazairien est double,
finisterrien quant à l’Europe, coupé de la société française par la contre-société post-vendéenne! Si leur mouvement social rompt l’isolement en 1955, 1957, 1964, c’est par l’improbable conjonction derrière le premier et le troisième peuple, des deux universalismes, communiste et chrétien, en concurrence mimétique. L’action directe victorieuse est à la rencontre de la jacquerie paysanne, de la prouesse virile prolétarienne, et d’une capacité des professionnels à négocier. Les bornes de l’immédiateté rebelle à la stratégie sont ainsi compensées, sublimées aussi par la générosité des militants. Les chrétiens fascinés quoiqu’ils en aient par le mondialisme communiste. Les communistes, immergés dans le premier peuple habillant d’eschatologie la violence prolétarienne latente. Ainsi contraint à suivre mais feignant de précéder, le P.C. comme la C.G.T., tireront bénéfice du nouveau cours ouvrier, celui du troisième peuple et du bloc chrétien, unis même si c’est sur le mode du conflit, aux ouvriers prolétariens et à la C.G.T. Le choc de l’effondrement patronal de l’été 1955 scelle une alliance historique.
Ce bloc biculturel de la nouvelle hégémonie C.G.T.-C.F.D.T.. fait alors école dans les sociétés de l’Ouest entre 1955 et 1980, infléchit le mouvement social français. La mue de la C.F.T.C.. joue un rôle médiateur permettant de tourner le blocage de la S.F.I.O.... et de F.O.. par la naissance du courant unitaire qui aboutit au Programme Commun de 1972.
L’Avant Mai 68, a ici un an d’avance dans une incroyable grève des mensuels, à moins qu’il ne commence, et c’est notre thèse dès 1955 Mai-Juin, en Basse Loire, a la double saveur des sociétés de l’Ouest français en cours d’industrialisation, et des vieux sites industriels du Nord-est. C’est aussi la formule nationale du Mai 68 ouvrier quand le troisième peuple impose son propre style ; à Flins ou Cléon à Caen, à Sochaux, pas à Billancourt. Les militants C.G.T. locaux et chrétiens iront très loin ensemble à Saint-Nazaire. Le veto parisien du P.C. saccage tout. La C.G.T. mettra cinq ans à s’en remettre.
Quand trois poules vont au champ...La troisième va derrière. Alors que la majorité large des ouvriers devient
qualifiée entre 1962 et 1982, à l’instar de sa base historique Force Ouvrière syndicat – virtuellement majoritaire en 1947[27- semble se contenter de toujours suivre, alors qu’il tente en réalité de résister contre l’air du temps qui l’étouffe entre stalinisme et libéral-individualisme, entre 1955 et 1968. Il accueille alors les plus distants et se laisse ensuite marginaliser par l’accord C.G.T.-C.F.D.T... Stagnant d’élection en élection, il recule pour de bon, dans les années 80, a contrario de ses résultats nationaux, cible principale ici de la deuxième gauche son ennemie intime trop loin culturellement du deuxième peuple. La S.F.I.O.. reposait sur une base électorale plus vaste mais sur une base militante de même culture, il fallut qu’elle s’ouvre moins au troisième peuple
qu’aux militants du bloc chrétien et à l’Unité de la Gauche pour éviter le même déclin.
Finalement par le néochevénementisme de Joël Batteux, elle survit mieux pour avoir mieux su se métamorphoser que son syndicat nazairien frère et que son homologue politique nantais floué et digéré par le neutralisme attrape-tout du leader municipal Jean-Marc Ayrault assez habile pour faire accéder sur la scène nationale pour la première fois en position de leader un notable nantais mais cela se fait sur la base lisse du consensus euro libéral. On reviendra en dernière partie sur le détail de l’évolution actuelle de ces forces politiques et syndicales.
Dans les Trente Glorieuses, les légitimités culturelles basculent. Les nouveaux ouvriers ne sont plus des paysans d’âge mûr et faillis mais des jeunes gens dont le premier emploi est l’usine. C’est un temps de rejets quelque peu honteux, chez l’ouvrier ou
coupables, chez le mensuel, -selon les distinctions de l’ethnopsychanalyse, - des soumissions traditionnelles; à moins que cette bonne volonté d’acculturation soit encore soumission à la culture dominante d’usine. Alain Touraine la repère dès la fin des années cinquante ; au village on change plus tard, autrement, après 68 dans la famille, après 1974 pour le vote. Nombre de grèves sont des fêtes
appliquées d’intégration à un rite nouveau. Dans un article de 1968 publié dans l’ouvrage collectif Carra :
Le partage des Bénéfices (Editions de Minuit 1968), notait que la migration en ville des années soixante est l’occasion de lâchages culturels en bloc
derrière une bonne volonté anticipatrice du changement.
Prolétaires et possédants des années quatre-vingt dix
Ces deux industrialisations, ces trois peuples, constituent un tissu exceptionnel de différences avec les autres mondes ouvriers français: Extrêmes, -quel que soit le champ de la comparaison, les départements les aires d’emploi, la Loire Atlantique ou la France entière -, le taux d’ouvriers qualifiés, la masculinité, le tardif confinement domestique des femmes, les possessions dont la maison et le groupe domestique sont le centre, le maintien de ressources extra-salariales. Exceptionnelle aussi, par-dessus tout cela, mais paradoxale, une reprise aiguë de la prolétarisation qu’illustrent le taux de chômage le plus fort de France, l’isolement féminin monoparental, la délinquance, l’alcoolisme.
Deux mondes autochtones exceptionnellement, comme cloués au sol, l’un par la possession l’autre par le dénuement.: Mais combien de temps encore la classe ouvrière organisée parviendra-t-elle à intégrer, en son sein, la société dualisante. De se placer ici sur l’échelle de la prolétarisation atténue le dessin des trois peuples. A sa place, une polarisation intense et croissante entre les ouvriers les plus dépossédés et les plus possédants. Dans le syndicalisme, -c’est à dire en quelque sorte dans ce qui reste, avec l’unité locale de la Gauche tant qu'elle fera sens, une classe ouvrière historique -, perdure une configuration du deux contre un héritée des luttes offensives du temps de l’Expansion; mais l’unité défensive reste toujours actualisable ; Dans la vie séparée, en revanche, le principe organisateur est celui des deux derniers peuples s’opposant au premier.
Déjà, en appliquant à l’aire nazairienne la formule d’Immanuel Wallerstein décrivant les périphéries de l’économie-monde, le prolétariat n’est plus la classe ouvrière ; ajoutons, les ouvriers multiples ne forment quasi classe ouvrière que lors de ritualisations discontinues imposées par le temps du monde.. Le vingtième Siècle fordien, -défini par l’unité de la production de masse et de la consommation non de masse, -comme le répètent stupidement les manuels de la dite science économique-, de multitudes privatisées, effectivement garantie par le salaire indirect des Etat-Providence -, fut trinitaire ; l’avenir est-il dualiste ? La réponse est dans l'affrontement indécis des procès de re-prolétarisation qu'induit la mondialisation et les mobilisations pour l'affronter dans la vie familiale et domestique.
Aucun destin - et à plus forte raison aucune
évolution, cette anhistoricité pour bêtes à cornes et sociologues courts-, ne l'adjuge hors d'une histoire ouverte dans l'Etat-nation France, société de et dans la mondialisation, pour autant qu'elle gardera assez de souveraineté pour sauvegarder ses industries navales et aéronautiques face au centre américain ou face à l'ainsi nommée Europe. Cette histoire requiert certes des sujets collectifs qui ici sont toujours bien vivants et d'autant plus que les sujet des formes de vie connaissent et pratique depuis si longtemps l'autonomie dans le bocage ambivalent des vies séparées des sociétés l'ouest français. (J Réault, Nantes l'excès la ville .in
Philographie. Lersco 1986.)
Entre 1955 et 1965, 80%
des ouvriers nazairiens
sont devenus
propriétaires entre
écarts ruraux ou hameaux
urbains. "Relative
deprivation", difficile
à vivre pour les
restants !
La maison individuelle
c'est à dire commune à
une famille, est
conquise à Saint-Nazaire
(
photo ci-contre)
mais surtout à Trignac
et à Montoir-de-
Bretagne en 1982, 27%
seulement des ouvriers
nazairiens habitent
encore Saint-Nazaire
HLM de la Bouletterie, en construction
Mutations migrations rurbanisation
En 1982, 27% seulement des ouvriers de l’aire habitent encore la ville. La rente foncière urbaine, le recul du travail ouvrier à l’usine, le tropisme du micro-domaine autonome surtout, expliquent cette mutation. Double par définition, l’espace rurbain semble fait sur mesure pour tous, le nouveau canton de Montoir le résume. Venant de la ville et des champs, ils y sont à tous égards chez eux.
La population ouvrière ayant un emploi stable fond.. lentement, depuis les années quatre-vingt. Plus que 1700 dans le Chantier naval, encore dispersés par l’habitat.. Usine citadine, l’Aérospatiale résiste mieux mais elle est de moins en moins ouvrière. La ville aussi, moins ouvrière que sa périphérie, 37% des actifs contre 39% sur l’aire. La métallurgie dans son ensemble, tissu de la culture ouvrière, garde 13400 salariés en 1986 (16000 en 1982) mais son poids relatif recule lentement[28]
.Ces employés dont croit le nombre, voire les techniciens, vivent-ils cependant dans des univers si séparés?
Qualification une appellation moins contrôlée !
Les ouvriers nazairiens décomptés dans l’aires sont peut-être les plus qualifiées de France. L’écart persiste entre 1968 et 1982, le taux des ouvriers qualifiés passant de 51 à 71%. De la défaite des
métiers à la qualification pour tous? Bizarre! Sous la diffusion d’une classification, un rétrécissement des compétences, de l’autonomie, avec la sérialisation des modules pré construits, Aéronautique, Navale, Bâtiment, unis. La réalité, dans le travail aussi, c’est la polarisation. Le savoir ouvrier migre chez le technicien; et prolifèrent des OP1 que certains chercheurs du Cereq[29]
nommèrent spécialisés qualifiés .Qu’est donc cette qualification quadrillée par deux fois plus de contremaîtres qu’en 1968?L’autonomie module séculaire ici de la culture du travail recule. La migration des nouveaux ouvriers qualifiés de la périphérie de l’aire vers le centre semble se ralentir malgré la demande de la Navale et de l’Aéronautique. La chimie, l’alimentation, voire le bâtiment se cantonnent dans l’O.S. ou l’O.P. 1.
Les femmes au centre de la double vie
Hommes et femmes au travail
On reste dans un monde d’hommes, voire de pères de famille 11, 7% de femmes en 1982, 9, 3 en 1968; Si les ouvriers non qualifiés reculent c’est en se féminisant, 31% en 1962 contre 15 en 1968.Confinées dans l’alimentation et l’habillement, elles fournissent les cohortes de la surexploitation du travail saisonnier lié au tourisme après la disparition de la conserverie côtière. L’ouvrière est périphérique, dans les cantons de Pornic et de Saint-Gildas-des-bois. L’agglomération résiste à la féminisation du salariat, paradoxalement moindre à Saint-Nazaire qu’à Saint-Père-en-Retz et Saint Gildas. Sur trois cent quatre vingt zones d’emploi en France, la nazairienne est dans les trente plus masculines.35% de femmes seulement dans les salariés; seuls le Var, le Pas de Calais, la Corse font moins.
Un ménage mono professionnalisé rationnel ?
Pour comprendre cette situation, il faut briser le fétichisme du marché du travail. Même si prend un instant le marché pour ce qu’il se donne, l’offre
de travail sexuée et bornée n’explique pas tout. La structure de la demande compte aussi. L’offre renvoie à l’accumulation localisée du capital. Il a littéralement plu des emplois féminins non qualifiés dans tout l’Ouest entre 1950 et 1980; pourquoi pas là? La demande nous ramène à l’autonomie ouvrière dans son groupe domestique centre de vie, à la norme populaire des formes de vie. Sa base est à la fois culturelle et économique, dans des modes de reproduction. L’indicateur d’activité de la conjointe de 1982 très loin de la
normalité française résume tout, indiquant où il faut creuser: dans les groupes et les territoires de vie, sous le marché du travail.
Dans l’Ouest qui fut un monde rural où primait l’élevage bovin et intégrant séculairement le travail des femmes, l’aire se singularise par la convergence, en un écosystème de reproduction de compromis, des traits bretons moins activistes et des modèles ouvriers pluriels[30]. La civilisation briéronne lie foncièrement l’activité productrice des femmes et le sol domestique. Si l’ouvrier-paysanne se fait rare et périphérique(8) la production domestique ne disparaît pas. Les cultures prolétariennes centrales, -et cela vaut aussi pour le professionnel nazairien classique-sont attachées à la femme -disponible pour les hommes -, ostentation de leur capacité
virile à l’entretenir, mais économiquement stérile, réduite au marché des ménages et à la garde d’enfant .Plus traditionnel, mais d’une tradition activiste, le troisième peuple est plus moderne mais l’emploi précaire et sous-payé fait de la production domestique ajoutée au salaire indirect le choix le plus rationnel.
De l’avantage ambivalent au handicap double: revenu ou demi-revenu ?
La femme au foyer renforce ses échanges lignagers sur l’axe mère-fille accentuant la clôture culturelle du couple, alors que s’il est double actif, le couple
ouvrier est un peu biculturel. Employée ou paysanne la conjointe favorise une culture des mobilisations privées (scolaire ou patrimoniale) à côté(ou à l’encontre) des attentes collectives, étatiques du prolétariat où, la femme au foyer redouble le ghetto culturel[31].
Le troisième peuple culturellement activiste
(surtout au sud de la Loire), selon note typologie des formes de vie ouvrières (1989 Lersco) ajoute la salarisation des femmes à l’autoproduction, pour construire ou consommer même si c'est aux dépens de la scolarisation des enfants poussés jeunes sur le marché, trait culturel de l'ouest intérieur, relayé ici par l'ancienne hégémonie de la culture prolétarienne.
Ces modèles ne sont pas en l’air, ils font système avec les structures bien réelles, quoique secondaires et déterminées: l’offre d’emploi et la division du travail mais aussi les hauts salaires ouvriers, après 1955.Revenu central, le salaire masculin[32]
est supérieur aux salaires nantais et bien placé nationalement. Les professionnels de la Navale et de l’Aérospatiale s’entraînent mutuellement; les autres ouvriers qualifiés suivent selon les périodes, ou dans la pétrochimie, précèdent. Ces hauts salaires relatifs ont permis de retarder la salarisation des femmes d’ouvriers qualifiés de la ville non possessionnés, à plus forte raison celle des femmes de
prolétaires inachevés du centre briéron.
Si l’exigence moderne de libération (ou la course au revenu ne parviennent pas à combler le retard du travail des femmes), c’est par ce verrouillage, scellé par la reproduction culturelle de rôles sexuels anthropologiques dans la famille, dans l’enseignement privé féminin, et par les bénéfices secondaires qu’en retirent les hommes. Attirer là le Tertiaire de bon niveau qu’évoque le Comité de Bassin de Saint-Nazaire, supposerait une
demande féminine modernisée, individuée, non résignée au seul choix effectif actuel : le travail borné, sous-qualifiée, dominé voire saisonnier. L’autonomie des cultures ouvrières tourne là au cercle vicieux et approfondit l’écart inter-ouvrier. La femme d’ouvrier possédant, productive chez elle ne se déclasse tant qu'elle se protège du salariat. La femme prolétarienne dont le conjoint chôme en majorité, scelle le déclassement du ménage par son confinement.
Familialisme? [33]
précarisation et isolement
En 1982, parmi les ouvriers de Loire Atlantique, c’est l’homme ouvrier nazairien qui vit le plus en famille
nucléaire; 87 % des ménages dont la personne de référence est un ouvrier. Le couple est la règle, la famille est au centre de sa vie, sa maison bien mal dite
individuelle, est à tous égards familiale
.C’est la belle façade, illusion statistique qu’induit la polarisation sexuée des formes de vie! Le foyer monoparental, comme la vie isolée touchent d’abord les femmes-mères, ex-épouses, filles des ouvriers; mais quand elles sont actives, ces femmes sontpour l’essentiel, employées. . Sauf la petite troupe travaillant à l’usine, la femme séparée ou divorcée perd l’indexation ouvrière attachée au travail du mari. Dans un tableau statistique, la précarisation des familles ouvrières est d’abord transférée par la catégorie socioprofessionnelle employés. Si l’épouse séparéen’a pas d’emploi, elle disparaît de la visibilité sociologique accrochée aux catégories socioprofessionnelles d’actifs.
L’habituelle description de surface crée l’illusion d’une famille ouvrière stable et rassurante. Bel exemple de fétichisme statistique! Pourtant les foyers monoparentaux sont plus fréquents ici que dans l’aire nantaise plus urbaine! Les
Employé(es dans leur ensemble-et pas seulement comme face cachée des mondes ouvriers (avec les chômeurs et les femmes seules sans profession
marginalisées)-, sont exclus en majorité de la normalité familiale nucléaire vécue comme conjoint; vivant en
monoparents ou isolé(e)s ou en mineur(e)s domestiques chez leurs parents. L’effet de protection relative à l’égard de la dissolution qu’apporte au couple la propriété familiale et la ruralité, est encore visible mais s’émousse. Prolétaires et possédants tendent à se ressembler dans la nouvelle précarité, celle du couple.
Village
de
la
Brière
Eaux-fortes de J-E Laboureur, 1932
Les prolétaires inachevés nazairiens ne sont pas seulement des ouvriers que l’accumulation du capital n’a pas dépossédés jusqu’au bout ce qui les rend fréquemment éloignés de l’action de classe comme l’analyse Immanuel Wallerstein[35]; ils cumulent depuis deux générations au moins les mobilisations collectives et les mobilisations privées. Le groupe domestique n’est pas ici pure unité de consommation mais centre de mobilisation privée et de productions marginales si multiples qu’elles ne le sont plus. La maison sur son terrain, objet de tous les efforts, n’est pas seulement jouissance mais cadre et moyen de travail, cellier, lopin, garage-atelier.
Quel ouvrier nazairien non prolétarien ne travaille pas hors du travail ? Le type idéal du briéron classique est loin d’être figure du passé l’ouvrier paysan fiscal
de la périphérie reste plus fréquent dans l’aire que dans le reste du département. La forme plus légère de l’ouvrier paysan au noir, perdure près du centre rurbain, par exemple, encore en 1985, à Saint-Malo-de-Guersac. L’entourage écologique, l’héritage technique polyvalent expliquent l’importance de la pêche, de la cueillette marine, de la chasse. Sur le marais, le fleuve, la mer, une production souterraine générale et systématique, souvent marchande. Même si l’on fait abstraction des compléments monétaires marginaux de revenus, l’ensemble des autoproductions domestiques masculine ou féminine et des échanges, à l’intérieur du lignage, de biens et de services se cumulent en un massif évitements du marché. Les liquidités monétaires dégagées permettent le projet la stratégie patrimoniale ou potentiellement scolaire.
L’homme à la barque
Eaux-fortes de J-E
Laboureur, 1932
Après le petit train la
voiture ou l’autobus ont
intégré les briérons à
l’activité urbaine.
L’ouvrier petit-patrimonial,
la vallée des castors et le H L M
Le patrimoine ouvrier est d’abord hérité, d’origine paysanne ou artisane. Les pères et grands-pères agriculteurs sont plus héritiers, plus propriétaires que leurs congénères départementaux: presque vingt points de plus que ceux de l’aire de Châteaubriant. En Brière centrale, le fonds paysan, passe entier en mains ouvrières. En 1962 les ouvriers sont ici plus propriétaires que les cadres. En 1982, malgré le prolétariat central, les ouvriers et employés restent plus souvent héritiers de leur maison que les cadres supérieurs ou moyens. Mais le patrimoine c’est d’abord ici, et de tous temps, une mobilisation, pas un attribut passif.
L’extrême mobilisation pour l’accession, bénie par l’Eglise, invoquée par l’Etat, souvent induite par l’entreprise, fut d’abord familiale. Débauche de travail même si le
capital d’enracinement s’ajoute à cet effort: le réseau du lignage rural aide et prête[36]
En 1982, 45% des ménages ouvriers sont ici accédants (28% sur la France), maximum absolu sur quatre vingt quatorze départements. L’accès au micro-domaine domestique est ici le modèle même de la vie accomplie. La maison-domaine est but, la propriété moyen. 60% sont propriétaires (43% pour la France ) mais 72 % maîtres
de maison individuelle, autant que les cadres supérieurs, 94% en périphérie. En un siècle le modèle est devenu la norme. Pour tout l’Ouest de l’industrialisation des Trente Glorieuses, ce fut la vraie grande affaire ouvrière. Etonnante entrée en classe ouvrière par la propriété, pour le flux des fils de paysans souvent eux mêmes sans terre.! Mais le caractère exceptionnel de l’aire c’est le cumul de l’héritage, l’intensité de la mobilisation, et l’engagement auto constructeur. En 1990, on n’est plus que marginalement constructeur mais on reste, à vie,
transformateur[37] Le H.L.M., -moins de 11% des résidences principales représente ici, pour le chef de famille stabilisé, le stigmate spatial de la prolétarisation achevée, de la vie privée de toute autonomie... La proportion de ménages anomiques, d’isolés de femmes monoparentes y est très forte, intense la délinquance.
L’ambivalence de la possession
Haut (ou double) salaire, maison séparée, sol cultivé, construction récente, disposition minoritaire mais croissante de deux voitures voire d’une résidence secondaire... les plus avantagés, les plus mobilisés auraient-ils tout pour eux ? Trop d’écart révèle une tension intime. Nationalement l’accession corrèle avec l’alcoolisme et, dans une moindre mesure, le suicide[38]. L’invasion du temps libre par le travail immédiatement productif pour soi devient obstacle à l’investissement plus vital, la scolarisation, la formation continue. Le chômage, l’effet pervers de la désinflation sur les traites, la précarisation croissante des couples touche ce fragile équilibre. La somme de ces tensions c’est aussi l’intensité de la délinquance. Finalement la mobilisation domestique obsessionnelle peut produire ou rejoindre ce qui constitue sa négation: l’attentisme prolétarien et l’abandon aux processus économiques.
Depuis vingt ans toute cette mobilisation a modifié le paysage de l’aire. Trignac a fait un bond vers la propriété mais c’est surtout par ses nombreux immigrants récents arrivés des villages autant que de la ville; certains prolétaires anciens qui restent locataires se sentent, eux, un peu moins chez eux[39]. Quant au prolétariat de la ville de Saint-Nazaire, il reste toujours aussi oublié. Le succès des uns contribue à enfoncer les autres. L’écart à la nouvelle normalité de classe devient stigmate supplémentaire. Difficile à vivre pour les restants !
Quel quatrième âge nazarien ?
Dans toute l’aire, sur le temps long du vote social entre 1935 et 1987, l’essentiel, malgré un recul continu, c’est la force et l’équilibre relatif des syndicats; c’est aussi la rupture de cet équilibre par l’ascension du bloc chrétien : 23, 5 % de voix de l’industrie en 1935, 42, 2 en1982 mais 41 en 1987 (pour la somme C.F.T.C..-C.F.D.T..) ; le bloc laïc résistant autour de 55%.
L’ascension du bloc chrétien suit l’arrivée des
dépaysannés, s’interrompant quand cesse la création d’emplois masculins. La tertiarisation des années quatre-vingt ne modifie pas l’équilibre sauf en contribuant au recul de F.O.. gardienne du métier
masculin. L’entrée des femmes dans le salariat dessine les futurs rapports de force. Non par un clivage culturel hommes-femmes mais par l’ampleur et la rapidité de la contribution des trois peuples à ce dernier flux. Le bloc laïc, handicapé, progresse pourtant (par la C.G.T.) dans la campagne activiste.
Le maintien de la croissance chrétienne dans le centre rurbain est plus ambigu. Est-ce un renfort d’ouvriers d’un bloc laïc miné par l’accès à la propriété? L’effet patrimoine défavorise le communisme mais ne transforme que lentement les mentalités. Notre étude sur les années soixante, soixante-dix montre le lien étroit du bloc chrétien avec la propriété mais seulement dans son ancrage et sa genèse rurales, nous savons peu de choses des citadins. Le lien social du
laïc est d’abord culturel avec l’école publique, et écologique, ancré sur l’estuaire et la côte. Les gains C.F.D.T.. dans le canton de Montoir et en ville procèdent en fait des migrations et du chômage sélectif vidant les usines des voix du premier peuple.
Avec l’épuisement du vivier paysan un simple chassé-croisé spatial relaie-t-il l’ascension du bloc chrétien? La défaite de la CGT. aux Chantiers en 1990 est-elle stratégique ou simple mouvement d’humeur de fin de grève ratée? Indécidable! Mais le jeu profond des blocs ne résume pas la réalité. La perte par F.O.. de 24% de ses voix en dix ans menace la structure trinitaire de direction du mouvement social installée en 1947[40]
comme expression des trois peuples. Sans cette trinité on changerait d’ère[41].
L’aire condense intensément l’immense mutation du passage à gauche des salariés de la dernière industrialisation transférant l’unité syndicale rêvée en politique réalisée. Au vu des chiffres de premier tour, le gain parait minime (43, 7% de voix à gauche sur l’aire en 1946, 48, 1 en1978). Mais le vrai point de départ est dans les 29% de 1958 .Si la Gauche de la ville ou de Trignac ne retrouve jamais les résultats plébiscitaires qu’obtiennent leurs maires en 1946, les cantons de la périphérie changent de monde (Herbignac passe de 20% en 1946 à 49% en 1988 au premier tour). Le sud résiste davantage mais la Brière centrale tend vers l’unanimisme avec 65, 3% en 1988. Les étapes du passage sont attendues -personnalisation présidentielle du vote, Unité de la Gauche-et inattendu, le lien aux grèves extrêmes; ainsi en janvier 1956 et en Juin 1968, où, cas unique en France, le passage ne s’interrompt pas. Lebloc chrétien tire ici le mouvement de mai et renforce la S.F.I.O.. et le P.S.U...[42]
La politique ouvrière fut ici bipolaire culturellement (droite et centre droit contre Gauche ) et trinitaire du point de vue partisan (M.R.P... S.F.I.O.. P.C.).L’éviction du M.R.P.. en 1964, l’entrée du bloc chrétien dans le P.S. mènent au bipartisme apparent; mais c’est dans un P.S. devenu bipolaire qu’il faut suivre le chemin des deux blocs.
L’ultime question est aujourd’hui le maintien même du bipartisme dans une gauche survivante dévorée par une social-démocratie devenue libérale et européiste[43].
Le premier peuple lâche le P.C. qu’il a rejoint entre 1946 et 1950. Le communisme originairement faible, était resté ici conquérant (c’est la S.F.I.O.. qui reculait avant la greffe chrétienne). Il culmine à 15,3% des voix sur l’aire en 1978 date d’apogée des sites ruraux. Trignac et les cités ouvrières de Saint-Nazaire, fiefs d’un premier peuple si proche lui même de la logique de citadelle assiégée, lui donnent un étonnant maximum de guerre froide en 1951. Liées à l’ancienneté ouvrière, ou à la clôture culturelle, plus qu’à la dépossession, les voix des martin-pêcheur du Croisic et du noyau briéron culminent en janvier 1956 en Brière, dans le fil de l’épopée de 1955, ou en 1978 au Croisic.[44]
Le reflux se noue entre 1978 et 1981. Mais, paradoxe, l’effondrement vient de la ville : 7, 5% des voix en 1988 au lieu de 23 en 1978. Les prolétaires en voie de re-prolétarisation lâchentplus le Parti
que les briérons possédants étudiés par Julian Mishi. Trignac autonome et homogène maintient la fidélité malgré la relative entrée en propriété de ses prolétaires. Dernier verrou ou base d’une reconquête ? On a l’habitude, ici, de l’isolement.
Le moment actuel semble celui d’une homogénéisation par la propriété, l’école, la professionnalisation des femmes. Les deux blocs culturels avaient en commun une sorte d’anarchisme ethnocentré et localiste. La référence verbale à l’universalisme des Lumières pour les uns, à celui du Christianisme pour les autres, devient active lors des Trente Glorieuses derrière les militants d’un communisme conquérant et d’un christianisme anticipant ici Vatican II. L’un et l’autre s’éloignent avec l’affadissement des utopies les réflexes petits possédants. Restent deux mondes plantés là.
Vers un conservatisme ouvrier ?
Mais ce quatrième âge nazairien est aussi celui d’une polarisation accrue. Les vrais prolétaires et quelques autres basculent, hors de l’intégration de classe, dans la marginalisation. Entourés par l’aisance et la
patrimonialisation de leur ex-classe, ils cumulent l’héritage sans terre, ni toit, la sous-qualification du travail, la précarisation de l’emploi et désormais celle du couple, l’érosion de la solidarité dans les espaces urbains qui n’intègrent plus, l’exclusion de l’école longue et du travail même. Ils sont les seuls à ne point avoir de peuple d'accueil. La fin de la migration paysanne en ville, son accélération à l’entours, son inversion même brouillent les cartes. La partie mobilisée du bloc chrétien va-t-elle ici s’identifier au modernisme concurrentiel ? Qui saura garder un lien entre les peuples éclatés, entre le prolétariat nouveau et l’Etat, la société ? L’identité ouvrière garde, comme dans la relativement homologue Manchester, une grande force ; sa mobilisation reste culturellement possible mais la scission matérielle et sociale s’approfondit, au sein de l'ex (?) classe ouvrière, entre le premier peuple et les autres.
Le décrochage du communisme dans la ville annonce-t-il la régression populiste xénophobe ? Le capitalisme tempéré a-t-il un horizon nazairien écrivions nous en 1991. En 2009 la question devient jusqu'à quand ce qui reste d'Etat français non asservi à l'appareil libéral européen, protégera-t-il la construction navale déjà happée par un capital étranger ? Combien de temps ce même Etat tiendra t -il face à une Allemagne que l'on a laissé imprudemment et contre les Traités récupérer une industrie aéronautique et qui désormais parle haut du sein de ses intérêts nationaux réaffirmés sans complexe pour prendre l'hégémonie dans une EADS dont Hambourg serait la capitale ?
Avec l'immense crise systémique qui s'installe et sur fond de réalignement de la France sur le système américain déclinant, via l'OTAN, la défense plus globale d'une aéronautique européenne redevient problématique ; les américains n'ont qu'à laisser couler le dollar face à l'euro des vieux rentiers de l'Europe sans enfants pour que l'aéronautique européenne s'effondre. Plus que jamais l'avenir ouvrier de Saint-Nazaire est dans tous les sens du terme, populaire, dans le vif tissu des solidarités infra populaires locales, dans la défense acharnée d'une souveraineté nationale, seule cadre de résistance conséquent face à la prédation générale que, plus encore que la mondialisation sa crise sans issue pensable, ne peut qu'hystériser. Et nous n'en sommes qu'aux débuts.
(2008-9) A la question de 1991, il faut désormais intégrer les métamorphoses apportées par le temps désormais toujours plus structuré et structurant de la mondialisation (réversible, 2009). Les catégories politiques du 19° et du premier vingtième sont devenues caduques et leur sens radicalement inversé. Le mouvement que les progressistes survivants continuent de déifier les yeux opacifiés par l'idéologie fossile, n'est rien d'autre que le procès même de la mondialisation accéléré et verrouillé par les politiques de "réformes" de ses serviteurs politiques, euromondialistes affichés "à droite", eurolibéraux honteux "à gauche". Le conservatisme, sur les acquis sociaux juridiques contractuels, et sur la maintenance des fondamentaux anthropologiques de la common decency, a désormais sens, subversif, de résistance. Et cette résistance est d'abord populaire. A la problématique tendancieuse du conservatisme ouvrier pourrait bien désormais devoir se substituer celle d'une résistance, par définition plus large que celle des appartenances liées au seul travail. Pourquoi ne pas conclure ?
Vers une résistance populaire ?
Toutes ses composantes doublement enracinées ici dans le territoire et la mémoire, y compris celles des "luttes" possibles, sont réunies. Le sujet nazairien n'est pas mort, loin de là. Certes il n'a pas de nom conceptualisable encore... Un diktat sociologique ne saurait brusquer l'histoire plus que jamais ouverte.
Le quatrième flux, celui des femmes, sera-t-il à son tour porteur de l’esprit de l’aire entière ou se contentera-t-il de reproduire les anciens partages des trois peuples ou des deux blocs et cela se fera t-il aux dépens de l’insularité[46]
? En 2009, il ne semble pas que n'en déplaise à beaucoup de prêt à penser politiquement correct, la généralisation, encore relative cependant eu égard à l'Ouest intérieur ou à la région parisienne, de l'activité des femmes tout au long de la vie, ait apporté un esprit spécialement nouveau. Ce quatrième flux ne saurait évidemment être un quatrième peuple. Tout le moins peut-on dire que cette prolétarisation accrue du ménage populaire constitue en cas de cataclysme économique et de chômage thatchérien facilitera une survie adaptative plus ou moins provisoire.
Dans ce viril univers breton et productif, l'acceptation culturelle d'un entretien des hommes par les femmes est un impossible. L'hypothèse du pire (jamais sûr comme on sait) pourrait aussi être celle d'une insurrection. Saint-Nazaire est de ces viviers de vitalité populaire de temps très long de l'histoire de France que trente ans de mondialisation et de régression sociale et économique ne sauraient avoir tari. Et si devait resurgir selon l'expression de Roger Dupuy, une "politique eu peuple", elle pourrait peut-être y retrouver un bastion. Les évènements de janvier 2009 en sont peut-être (ou pas ? ) le prodrome.
En surface ? Au sommet ? ou simplement comme symptôme, les métamorphoses de la municipalité nazairienne fournissent-elles une clé prospective plus assurée ?
Pour répondre en 2008, il faut paradoxalement revenir en arrière sur la question que nous posions en 1991sur un avenir suspendu au devenir conjugué du 3° peuple et d'une CFDT historiquement versatile hésitant désormais sur son avenir.
Notre question de 1991 était peut-être déjà devenue caduque, ayant sans doute été adjugée beaucoup plus tôt :.L'ange exterminateur, Edmond Maire secrétaire confédéral avait fini par sonner, avec l'entrée en mondialisation, sa trompette de fin de récré et brisé en 1978, le
septième sceau. Ce sera pour beaucoup ici subjectivement apocalyptique, au profit de tous les gauchismes. Avec le recentrage et l'épreuve peut-être pire de la deuxième gauche au pouvoir, l'illusion lyrique qui avait culminé dans la grève des
mensuels de 1967, déjà bousculée par l'épreuve fantasme et de réalité de Mai 68 et de l'Après-mai, fera place au réalisme plus ou moins souffrant (vieux pli chrétien?), du dissensus concurrentiel avec les deux autres peuples et syndicats.
Il ne sera plus désormais surmonté quelque peu que dans des moments défensifs. Malgré l'avantage démographique puisé par les flux du troisième peuple, l'ascension d’un des hommes clés de la deuxième gauche, modalité nationale du Bloc catho, Claude Evin fut entravée par la conquête de la mairie par la synthèse républicaine du Chevènementisme pourtant minoritaire. Le bloc laïc en perte de vitesse numérique fut puissamment aidé par le tropisme libéral et européiste devenant localement répulsif de la confédération CFDT avec des sommets de rejets populaires lors des mouvements nationaux de 1995 et 2003. Si la résistance bleu, sous sa forme municipale est devenue moins claire politiquement, la consolidation autour d’elle du Bloc Laïc n’est pas niable.
Le
devenir d'une CGT virtuelle (JR 1995 Colloque du centenaire de la CGT à Nantes), maintenue garda plus longtemps que le déterminisme sociologique ne l'aurait laissé augurer, une réalité locale par l'effet survivant d'un volontarisme politique et d'une personnalité. Malgré des succès électoraux jusqu'au creux des années 2000, le bloc catho a raté à Saint-Nazaire, sa prise du pouvoir. L'historique l'a emporté sur le sociologique en cette terre individualiste et, constante de l'histoire que nous avions sous-estimée en 1991, c'est la sacralité locale de la citadelle municipale et sa prise difficilement réversible qui joue sur un siècle désormais, le rôle dominant.
Revenons donc à ce sanctuaire survivant ou plutôt à sa métamorphose en son inverse (?) selon une figure assez spécifique des sociétés du temps de la mondialisation ; la mairie socialiste de temps long (séculaire) avait d’abord été garante de l’hégémonie des professionnels sur les sans qualités et de la puissance des citadins sur l’ensemble des ruraux puis, après capture suburbaine de la Brière, sur les ruraux extra-briérons des marges bretonnes et vendéenne. La mairie développa sa fonction précoce de relais voire même d’anticipatrice de l’Etat de société salariale (Aglietta Brender) tendant à réduire certes les tensions internes mais de facto
la politique à l’élection notabilitaire municipale redoublée dans une circonscription législative bizarrement coupée de l’aire et donc neutralisant encore le troisième peuple.
Très modernisée la magistrature municipale actuelle s’autonomise du poids resté toujours relatif du premier peuple toujours plus prolétarisé, mais aussi du second suburbanisé, sur un électorat où croît le poids des classes moyennes sinon supérieures il tente de gérer un nouveau tournant culturel plus tendu, vingt ans après le virage de dé mémorisation nantais depuis 1988, vers la construction d’une image de communication neutralisée voire déréalisée ( littorale , océane ?) que sur la totalisation d’une histoire et la symbolisation de ses peuples fondateurs.
Sur ce thème l’émission, cruelle par son vide manifeste, et la novlangue cultureuse qui s’y est étalée de Télé-Nantes de l’automne 2006, condense t elle l’esprit du temps et la nouvelle réalité urbaine sinon celle de l’aire re marginalisée ? Vers un Saint-Nazaire-sur-mer, identifié par ses touristes et ses bobos ? L’« achat » en bloc de salariés des chantiers par un maître étranger en 2006 n’adjuge t il pas comme un destin déjà scellé la délocalisation à terme du dernier chantier français ? les peuples ouvriers nazairiens seront cependant plus coriaces à réduire que l’industrie et la classe ouvrière nantaises dépecée et noyée dans la
tertiarisation et désymbolisés par la politique du rien communicationnel de la mairie de 1989 branchée sur les classes culturelles parisiennes et européistes.. La mairie se coupant de son histoire - ce qui sera cependant difficile à adjuger-, peut certes profiter de la périphérisation des peuples qui touche toute les villes, mais l'histoire longue regorge d'exemple ou les peuples relégués loin des centres qui prétendent les inférioriser ou les rééduquer, par leurs médiateurs
culturels, leurs sociologues et leurs notables clientélistes, resurgissent.
Les peuples de l'aire de Saint-Nazaire l'estuaire et les bobos en 2009 et le retour d'une pugnacité frondeuse de jeunes ouvriers et chômeurs autoproclamés "révoltés"
La geste
nazairienne contemporaine doit
désormais se lire un fond social
toujours surdéterminé par la
précarité de la construction navale
radicalisée par la mondialisation
mais marqué par une pugnacité
frondeuse de jeunes ouvriers et chômeurs
autoproclamés
"révoltés",
assez exceptionnelle en France du
21° siècle. Au point que ni N.
Sarkozy ni F. Hollande ne peuvent
paraître se désolidariser de cet
ultime bastion français de la grande
construction navale.
A l'instar d'Edith Piaf dans un
autre registre (lire à ce propos J
Deniot), les ouvriers de
Saint-Nazaire, nous apparaissent
comme une icône politique d'une
société dont le vouloir-vivre dénié
par ses élites, doit pourtant être
référé à cette sacralité historique
même par ses piteux et
désouverainisés post-politiciens
Ce texte
largement revu et complété en
avril 2006 pour une réédition sur
les sites du Lestamp-Association,
puis
socialement et politiquement
actualisé en janvier mars 2009,
a repris pour l’essentiel les
analyses et les données et surtout
les cadres interprétatifs d'une
histoire séculaire à l'œuvre dans
l’ouvrage épuisé Ecomusée de
Saint-Nazaire,
Saint-Nazaire et la construction
navale. 1991 (Ed. Daniel
Sicard.) Outre la mise en rapport
des deux Blocs culturels
nazairiens et des trois
situations de prolétarisation,
avec la polarisation politique
autour du processus européen et des
referendums, les adjonctions sont
nominales et qualitatives et
concernent principalement
l’introduction et la conclusion. Les
données chiffrées sont et restent
« historiques » mais leurs ordres de
grandeur reste globalement pérenne.
L'ajout substantiel outre
l'interrogation maintenue sur une
dialectique entre mémoire ouvrière
et expériences pratiques des
pluriels milieux populaires,
concerne essentiellement les
métamorphoses du municipalisme
nazairien replacé dans les
ambitions et fantasmes d'extrême
décentralisation - réféodalisation ?
L'estuaire saumâtre de
l'acculturation programmée des
cultures populaires de la Basse Loire;
Ce
n'est qu'en 2007 et ici 2008 que
nous avons explicité l'impulsion
désormais affichée comme
"estuarienne", entre la mairie de
Saint-Nazaire et celle de Nantes et
qui constitue à terme une
tendancielle abolition de la
première. L'impulsion vient
évidemment de la singulière dyarchie
politique et culturelle qui règne à
Nantes entre le grand notable de
l'Ouest monté à Paris, qu'est devenu
le maire et Jean Blaise, son
"complice" sur un quart de siècle,
également "monté", si l'on ose dire.
Ce dernier se présente comme le type
idéal du narcissisme de
l'autoritarisme hystérisés de de
l'inculture militante qu'a engendré
le culturel d'Etat (id est d'Etat et
d'Etat culturel). Ces traits
sont certes en plus diffus devenus
communs aux
professionnels de la
profession et notamment aux
producteur d'"industries
culturelles et créatives"
(Traité de Lisbonne) alias de
divertissement économiquement et
politiquement valorisable ?
Le
type d'homme nécessaire (Breveglieri,
développant M Weber)
de l'acculturation
programmée (Bastide) des peuples, et
de l'animationd'un secteur
culturel symboliquement et
moralement mondialisé à la
confluence des deux dépendances les
pires du siècle, d'Etat national
reféodalisé et de marché mondialisé,
n'est-il pas l'aventurier
communicationnel - c'est à dire non
seulement brassant le vide
manipulateur activement nihiliste)
sans diplôme ni véritable culture,
ce vilain héritage de la
domination
aristocratique et bourgeoise. Ce
personnage véritable allégorie de la
post-culture langienne à la fois
triomphante (c'est celle de l'hyperbourgeoisie
mondiale décrite par Denis Duclos,
Monde Diplomatique Août 1998) et
survivante dans la crise globale de
(dé)-mondialisation (?), qui donne
le ton d'une ville toute entière
tendanciellement à tout l'estuaire,
Saint-Nazaire compris, dont le maire
de Nantes guigne dans son sillage
comme une royauté quasiment
indépendante dans l'Europe des
régions et villes
libres dans un nouvel empire
romain germanique (?). Ce propos
d'une "ville libre" a été
explicitement avancé par un homme de
main intellectuel dans la revue
Place Publique N°2 et N° 4 .
Tout
l'"estuaire" est donc à penser comme
une expérimentation in vivo
d'une nouvelle forme de pouvoir d'un
Etat culturel qui vise, sur les débris d'une nation et d'une culture
française également dépecés, à
imposer un monopole de pensée, de
culture de genres de vie (et pas
seulement de "loisirs") programmés,
jusque dans l'Université dont la
dite politique culturelle tend à
s'aligner sur le cultureux de
la principauté féodale locale,
reniant de facto sa millénaire
fonction de transmission de
l'excellence du savoir et de l'art.
La Loi Pécresse, rédigée par des
présidents d'Université en majorité
liés aux féodalités locales "de
gauche", vient de la livrer pied et
poings liés à "une nouvelle
servitude", pour reprendre
l'expression radicale de Guy Bois
sur la vraie nature de la
mondialisation au sein des sociétés
qui s'y abandonnent.
Les ouvriers nazairiens ces sur
vivants et leurs organisations
affaiblies mais moins qu'ailleurs,
leur Centre de culture
populaire très déboussolé par
l'inversions des ex politiques
d'éducation populaire en leur
contraire, peuvent ils encore
définir une politique propre et
dessiner un front de résistance
nécessairement culturel et politique
en un mot maintenir un estuaire
d'activités de niveau mondial et un
peuple fier, -de constructeurs de
bateaux, d'avions, d'aliments nobles
pour nourrir le monde, -et d'encore
empaysés, voire de paysans.
Les universitaires et étudiants nantais qui furent
longtemps leurs alliés naturels,
semblent à des années lumières de
ces enjeux fondamentaux. Leur façon
de mener la grève l'hiver 2008-2009
contre le gouvernement et son
ministre plus que contre leur propre
maître niveleur asservi à
d'autres maîtres : les étudiants qui
doivent faire stage chez les patrons
de la culture retiennent
immédiatement la seule leçon
absolument donnée de la soumission
verbale. Il n'y a plus à Nantes de
peuple résistant possible. C'est
Saint-Nazaire qui malgré ses
notables reste en quelque sorte
comme une capitale résistante des
peuples des sociétés de l'Ouest
français, et si les controffensives
populaires qui, sur ces terres
anarchisantes et communautaires à la
fois ressurgissent toujours, se font
sans la molle post-intelligentsia
nantaise, ce pourrait bien être
aussi contre elle qui a déjà tout
abandonné de sa liberté
intellectuelle et culturelle dès les
années 2000 et ne récolte en 2009
que l'irresponsabilité (à l'égard de
l'université qu'ils détruisent, et
des étudiants qu'ils dévalorisent),
la confusion politique et syndicale
et la défaite finale à supposer que
ce qui reste d'ambition nationale et
de culture de l'excellence dans la
Loi Pécresse, constitue une défaite
-cultuelle- eu égard à la nullité du
nivellement cultureux dans la ville
qui pourrait effectivement devenir
capitale du "pays de la soumission",
selon l'ambivalente mais forte
formule d'André Siegfried qui ne
pensait, et encore sans doute
injustement, qu'aux campagnes de
l"'Ouest intérieur".
Les
peuples de l'aire de Saint-Nazaire forts
du concert irréductible de leur
vivante et complémentaire diversité,
de leur capacité intacte
d'unification dans la résistance, ne
sont pas prêts d'oublier qu'ils sont
capables de faire, contre le vent
mauvais du temps du monde et
contre l'identité négative que
prétendent leurs imposer leurs ex
représentants, quand il le faut
encore "classe ouvrière". Le
vocable était beau et pourquoi
n'aurait-il pas vocation à durer
ici dans ce millénaire
terroir de constructeurs de navires.
A un niveau d'indication modeste et
très moyennement enracinée
dans la réalité sociale, il faut
noter que lors du vote des militants
socialistes nazairiens pour les
différentes motions en novembre
2008, le choix logique du maire et
des notables du département, (celui
de l'oligarchie parisienne
mondialisée ?) Bertrand Delanoë, a
été infirmé par les militants au
profit de la motion "de gauche" de
Benoit Hamon.
Evidemment
si le lien du parti socialiste
version 2009 avec la société
réelle est peut-être moins ténu à
Saint-Nazaire qu'ailleurs, il ne
faut pas trop s'illusionner sur la
signification de ce vote mais pas
non plus le mépriser. Le poids local
d'une politique du peuple
latente reste fort et l'alliance
entre J Marc Ayrault Jean Blaise et
Joël Batteux pour une royauté
bobo sur tout l'estuaire
au profit du premier n'aboutira pas
si facilement Sauf à penser la
totale
périphérisation rurale et rurbaine des modes
ouvriers qui est loin d'être achevée
ou un cataclysme que la
mondialisation et sa crise ne
rendent pas forcément impossible, la
disparition des deux grands
chantiers ? Précisément les
puissants collectifs ouvriers qu'ils
regroupent encore font plus que se
survivre.
Le
29 janvier 2009, lors de la plus
grande mobilisation salariée
peut-être de tous les temps en un
jour, à l'échelle française, donc
sur la scène de la nation, ne
voit-on pas devant les grilles de la
sous-préfecture restées closes pour
la délégation syndicale, un bon
millier, sur les près de vingt-mille
assemblés, chercher et trouver le
contact de guérilla urbaine, avec
les CRS, pendant quatre heures,
rejouant la scène ouvrière
identitaire de 1955[47] Le 19 mars
c'est bis repetita, en moins
nombreux plus court, mais plus
intense. Des barricades ont surgi in
fine. L'anachronisme est peut-être
tenable en attendant les mots
nouveaux que ces vivants pourraient
donner, dans le souffle de leurs
nouvelles mobilisations, à quelque
nouvelle identité collective que
requièrent les temps terribles mais
ouverts de la dé (?)
mondialisation.[48].
Le 17 Novembre 2009, le Journal
Presse Océan, en fait simple
appendice de l'unique Ouest-France,
annonce Navale : un plan de départs
volontaires, aux Chantier naval
nazairien désormais affublé par son
propriétaire du doux nom de STX. Ce
qui est sûr c'est qu'il n'y a plus
de commandes et que l'Etat français
ne bouge pas. "Une première
étape pour réduire les effectifs
sans faire trop de bruits (les
syndicats)", actuellement de 2500
salariés alors que déjà 250000
heures chômées sont annoncées
jusqu'en février.
Quand réapparaît cet appel reçu ce matin et quoique que le jargon "citoyen" du déni de la citoyenneté le rende plus confus, c'est qu'il y a le feu. Le ton principal étonnamment modéré à l'égard du capital financier est donné par le vieil appel au secours à l'Etat, pourtant dépecé depuis 1984.
Y a t
il encore un abonné
(souverain) au
numéro que vous avez
demandé.
Le 23 février
(Le Monde) toujours
rien n'est survenu.
Mais en juillet 2010
N Sarkozy se croit
encore obligé à un
voyage aux
Chantiers.
Il est vrai que son
gouvernement a en
2008 acheté 9% du
capital des
Chantiers Aker Yards
(ex de
l'Atlantique)
pour constituer une
"minorité de
blocage",
anti-délocalisation.
(L'Expansion, nov.
2010 P. 63). Le même
avait ainsi fait
sauver Alstom
en 2003 après il est
vrai que Raffarin
ait lâché Pechiney.
Lorsque vient le moment (septembre, novembre 2010)
de traduction politique française da la grande crise de la mondialisation et d'abord de l'Europe malthusienne arrimée à la monnaie de rentier d'une nation devenue mortifère, l'Allemagne, avec la question des retraites
et plus généralement la demande des comptes de l'électorat populaire de Nicolas Sarkozy ( Jacky Réault Nicolas et Ségolène 2007, ou le mystère de la dame de Vix) , non seulement l'unanimisme nazairien des temps tragiques produit des mobilisations massives approchant les 20000 manifestants réguliers, mais de manifestation en manifestation, et malgré une cruelle répression judiciaire qui touche essentiellement de jeunes ouvriers et chômeurs, la phalange de ceux qui en fin de manifestation cherchent l'action directe contre les bâtiments symboles du pouvoir et affrontent physiquement la dure violence légitime de la police, croît régulièrement de quelques dizaines au début de l'année, ils approchent le millier en fin octobre. Dans une interview à Presse Océan en date du 4 octobre 2010 de Philippe Cussac, Directeur Départemental de la Sécurité Publique, il avance le chiffre de 91 interpellations dont les 3/4 à Saint-Nazaire avec une composante de 41 % de jeunes gens mineurs. Sans aucune composante ressortissant des phénomènes de banlieue
ethnicisée, cet engagement juvénile populaire dans une culture de contestation politique par l'action de rue est très exceptionnelle en France. Les insurgés de 1955, auraient donc transmis une mémoire à leurs petits-enfants ?
Cette identification ne viendra en tout cas pas de Nantes et de sa scène nationale détournée comme "lieu (du culturel) unique". Elle sourdra encore moins du saumâtre estuaire qui en émane, celui du temps de cerveaux de touristes disponibles pour les animations, de la bien-pensance du rendu radicalement risible "art contemporain", et du capitalisme culturel d'un
pays de la soumission parce que devenu celui du
mensonge (culturel) déconcertant49]. Elle ne peut venir que d'eux-mêmes et de leur capacité à rester sur la scène nationale, la seule qui se souciera jamais de leur avenir, celui de titans travailleurs libres qui forgent le jour nos navires et nos avions et sont la nuit sur leur domaine de vie empereurs en leur royaume.
Les ouvriers nazairiens - puissent-ils rester- notre double vie ?
Jacky REAULT
1991, revision globale compléments documentaires (notes) et réédition sur site, avril 2006, Actualisations contemporaines depuis 2007, dernière intervention 26 octobre 2010
Toutes les photos insérées avaient été choisies pour l’éditeur par Thérèse Dumont (Saint-Nazaire, Ecomusée 1991)
On offre ici la réédition, copieusement complétée en 2006-2007 de notes documentaires et de définitions de concepts non intégrables à l'édition originale et largement enrichie de l'actualité politique et sociale de 2008-2009, de cette synthèse historique et sociologique, devenue introuvable dans son livre d'origine épuisé, Les ouvriers nazairiens ou la double viein Saint-Nazaire et la Construction navale. Ecomusée 1991, en la présentant
en sous-titre comme Ouvriers de l'OuestII. Cet emboitement d'ouvrages vise à clarifier pour le lecteur le cadre d'intelligibilité plus général dans lequel il se situe : la synthèse générale des classes, milieux et cultures ouvrières des sociétés de l'Ouest de la France des Trente glorieuses à l'orée de la mondialisation déjà désignée et analysée, sollicitée par l'ATP du CNRS, OCSC et encore disponible en librairie : Jacky Réault,
Ouvriers de l'Ouest,
in ATP CNRS O.C.S.C. L'Ouest bouge-t-il ?
Vivant Editeur, Nantes 1983.
la synthèse générale des classes, milieux et cultures ouvrières des sociétés de l'Ouest de la France des Trente glorieuses à l'orée de la mondialisation déjà désignée et analysée très explicitement dès 1984 a été sollicitée par l'ATP du CNRS, OCSC et est encore disponible en librairie : Jacky Réault,
Ouvriers de l'Ouest,
(-I-) in ATP CNRS O.C.S.C. L'Ouest bouge-t-il ?
Vivant Editeur, Nantes 1983. L'éditeur semble avoir disparu.
L'article
de J Réault a notamment fait
l'objet de critique par R
Tréanton dans la Revue
Française de sociologie, il
a été largement utilisé par
BH Moss, Workers dans tue
Common Program( 1968-1978),
Michel Phliponneau (Géopoligique
des régions françaises
direction Yves Lacoste, -
Tome L'ouest), Gérard
Noiriel Les ouvriers dans
la société française,
Bernard Kayser, La
renaissance rurale,
Michel Verret etc... et a
fait l'objet d'un échange de
correspondance avec Pierre
Naville. Il était indiqué
aux étudiants comme ouvrage
de référence au Département
de sociologie de Nantes, au
temps où régnait une culture
de pluralité scientifique et
un regard vers les sociétés
réelles. Cet article n'a pas
d'équivalent dans l'espace
des sciences sociales
françaises tellement rétives
au découpage par les régions
historiques et/ou
anthropologiques. Hommage du
vice à la vertu le succès du
concept a induit son pillage
et notamment, sans la
moindre citation dans un
ouvrage dont le titre
reprend intégralement le
sien, Sociologie du monde
politique d'ouvriers de
l'ouest, pourtant rédigé
à ses côté à Nantes même
pour une thèse dirigée par
un collègue tellement
proche.
Le cadre du cadre, les
traits sociaux-spatiaux des
mondes ouvriers de
l'ensemble de la France,
s'inscrirait enfin dans un
Cahier du Lersco qui,
constituant une
expérimentation
méthodologique (une analyse
en composante principale
reliée à la cartographie
d'un gros corpus de
variables de toutes
pratiques accessibles)
n'avait eu qu'une diffusion
limitée, mais que nous
allons également rééditer
Formes de vie ouvrière et
écosystèmes sociaux de
reproduction.
Lersco-CNRS Université de
Nantes. 1989, ainsi qu'une
édition actualisée de
Ouvriers de l'ouest -I-
Le complément historique et
sociologique de cette
synthèse nazairienne est
l'article plus historique
intitulé J Réault, Les
Trente glorieuses de la CGT
nazairienne et les aléas de
la mondialisation,
in Claude Geslin (dir.)
La CGT en Bretagne un
centenaire. Annales de
Bretagne et des pays de
l'Ouest.T 102 1995-3 Presses
Universitaires de Rennes, p
163-188.
Ces notes déjà relativement nourries lors de la première publication sont ici très densément complétées depuis 2007.
[1]L'étude de l'aire ouvrière de Saint-Nazaire (Ouvriers de l'Ouest II) se présentait dès son élaboration en 1990-1, d'abord comme une monographie territoriale contextualisée,
terrain-microcosme quoique singulier des
ouvriers des sociétés de l'ouest, mais plus encore peut-être comme expérimentation, mise à vif sur une personnalité collective historique, de la théorie de la
prolétarisation qui constitue un axe de longue durée de nos travaux ouvriers depuis 1977. Nous l'avions délibérément minorée dans le texte de 1983. Ce texte d'une réédition en 2008 des ouvriers nazairiens (devenus de Saint-Nazaire pour cause de lisibilité par les moteurs de recherche) est largement remanié et complété dans son essai introductif et dans sa dernière partie et dans ses notes, Si ce travail repose d'abord sur un lourd défrichage et des élaborations statistiques et ethnographiques de première main, notre dette envers un très grand nombre de travaux est manifeste. Impossible de les détailler ici sauf les lus référentiels qui nous ont le plus nourri : Marthe Barbance, Nicolas Faucier, l’AREMORS, Bernard Hazo, Louis Oury, et, surtout le Chanoine Vince dont le, Entre Loire Et Vilaine nous donna les pistes les plus féconde. Pain de l’analyse de première main, les documents des Unions Locales, les interviews de dirigeants (Paul Malnoë, Jean Lescure, Robert Bigaud) de dizaines de militants, avec l'aide de Patrick Delasalle, les séries et analyses l’I.N.S.E.E., du Comité d’emploi Bassin de Saint-Nazaire, la presse locale, Statistiques et Développement de l’INSEE des Pays de Loire. On s’appuie aussi sur nos travaux antérieurs avec Patrick Delasalle, publiés depuis 1977 ou en cours au Lestamp-Association et Habiter-Pips (Université de Picardie Jules Verne), et sur les travaux menés dans le cadre du L.E.R.S.C.O. par Jean Pierre Fleury, qui nous emprunta sa grille d’analyse spatiale de la Brière, par Jean-Paul Molinari appliquant au recrutement communiste notre problématique de la prolétarisation, par Christian Morinière pour le regard d'économiste. Il n’est pas question d’actualiser tout ce qui s’est publié depuis la première édition de cet article sans notable renouvellement. Mentionnons une exception importante, pour la mise en œuvre d'une totalisation historique et un sens des complexités devenu si rare en sociologie politique, Julian Mischi,
Traditions politiques locales et communismes ouvriers. L’implantation du Parti communiste français dans la région de Saint-Nazaire AREMORS. Saint-Nazaire 1998, et Entre le marais et l'usine Mise en scène briéronne du communisme dans la communauté ouvrière et rurale de Saint-Joachim. Institut d'Etudes Politiques Grenoble 1996. Il a depuis également publié un article sur la chasse ouvrière et élargi l'analyse à la politique populaire en milieu rural, thèmes que nous avions développés sous forme d'une communication aux journées du Lestamp de 2001, Acculturation des milieux populaires sur une double analyse de la chasse en Basse Loire et des données départementalisées de la chasse et du mouvement CPNT depuis son apparition aux élections européennes de 1984. Cette communication intervenant au moment où l'Université de Nantes nous privant des moyens matériels d'exister comme laboratoire, ces journées, dont le traitement de texte nous fut dérobé, n'ont jamais été éditées,
[2a]
Un chantier (canterus, pièce de bois, cheval de bois, celui de Troie fut aussi un chantier) n’est jamais originairement qu’un échafaudage d'abord de bois quelque peu géant et spectaculaire qui étaie une construction ; celui qui y travaille est toujours quelque peu acrobate et sa vie exposée quotidiennement à une nature sans aménité et toujours dans l’imaginaire réalisable de la chute mortelle ou de l'écrasement. Le chantier, construction toujours fugace, est un comme un cirque profane ou nul public ne vient pour frémir ou applaudir hors la liturgie restitutive finalement du lancement ou de l’inauguration.
[2b]
En un an étaient apparus 2000 chômeurs à Saint-Nazaire, plus de 700 dans le village de Trignac et autour de 400 en Brière. Le leader de la CGT Jouhaud qui s'exprime à Nantes, Jouvance, dénonce "l'absurdité du système capitaliste destructeur de biens, organisateur de gâchis, qui détruit le blé, laisse le charbon dans la mine, alors que tant d'êtres humains souffrent de froid et de faim"? C'est localement oublier la prolétarisation inachevée qui permet la survie des villageois et des ruraux, mais le contexte mondial devient lui tragique, 7 jours après l'arrivée des nazairiens à Nantes, Adolf Hitler devient chancelier du Reich.
[3a]
Pour la fonction qu’incarna le premier maire de la Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO), François Blancho, voir Marthe Barbance, Saint-Nazaire, Le port, la ville le travail, Crépin-Leblond et Philippe Le Pichon in Ecomusée de Saint Nazaire, Saint-Nazaire et la construction navale. 1993)
[3b].Sur la singularité et la singularisation en miroir de
Nantes avec qui les militants nazairiens furent, dès la refondation portuaire et industrielle de Saint-Nazaire autour du port et de la construction navale, en concurrence à la fois antagonique et mimétique, voir J Réault, Nantes L'excès-La-Ville. Un essai d'identification in Lersco, Philographies. Nantes ACL Crocus 1987. Dès la première édition de ce texte dans La Tribune de Loire-Atlantique l'orwellienne année de 1984 (signé Lauter), nous profilions une ville aux
ouvriers chassés vers les confins de l'agglomération ou intégrés à ces "moyennes" couches salariées, improbables héritières des flamboyants excès. En 2008. Ce sont bien les cadres très insuffisamment nommés,
tertiaires, mais aussi patrons et les clientèles de l'Etat culturel
décentralisé, si puissant ici, qui tiennent idéologiquement la ville. Voir sur l'interférence entre un secteur économique culturel pléthorique et les pouvoirs locaux, Guinebreteau et alii..(Economica 2004),
Nantes, de la belle endormie à la capitale culturelle de l'Ouest et notre communication ( De la Basse-Loire au Lieu Unique, sublimation ou inversion culturelle), au Colloque du CEFRESS à Flixecourt, Friches industrielles et mémoires : du paternalisme aux réhabilitations, 22, 24 mars 2007 Université de Picardie Jules Verne
[4]
Le salarié typiquement anthropologique
autant qu'historique, de la fulgurante analyse de Marx. Réduire le salarié à la figure d'une aliénation (sauf la réduire au sens de vente - de sa force de travail - c'est ignorer et la contradiction dans l’essence même des hommes en rapports sociaux et l'intelligence d'un Marx souvent plus fasciné par le réel que par son latent marxisme.
[5]
2006. Sur ce thème depuis 1983, le maître-livre de Roger Dupuy, La politique du peuple. XVIII°, XX° siècle. Racines, permanences et ambiguïtés du populisme Albin Miche2002
[6]Bobos ?
David Brooks, Les bourgeois bohèmes . Le Livre de poche 2000. Le terme désigne en France "l'upper" classe culturelle (Todd 1998) cumulant tous les avantages de salaires, de position centrale urbaine, de monopolisation des scènes médiatiques, drapés dans la référence plus que l'appartenance, « de gauche », l’empire du bien moralisateur, caritatif sous caméras, européiste voire mondialiste ... et surtout l'antipeupliste. (E. Todd, L'illusion économique Seuil 1998). Sous son règne, l'insulte de la disqualification politique est "populisme"
[7]Bobos inséparables des classes parlantes, selon l'expression du chanteur et critique culturel Jacques Bertin dans ses chroniques de Politis: En deçà des étranges écrans médiatiques, la finance mondialisée, et toutes sa nébuleuse de médiateurs idéologiques et cultureux, déverse, pour mieux dissoudre les sujets politiques, la souveraineté du fantasme (P. Legendre) vers ceux qu'elle infantilise, irrationnalise, désinstituant ceux qui se croient citoyens. Leur arrogance de monopolisateurs des scènes leur donne l'illusion d'être les maîtres d’une nation désymbolisée et désinstituée
(Dany-Robert Dufour), quand ils ne sont peut-être que les prédateurs relatifs et résistibles de ses mémoires, de sa langue, de ses cultures et des institutions tout ce qui peut représenter des sujets de l'histoire et permettre de résister à la mondialisation. La toute puissance est leur principale imposture, souvent relayée par un verbalisme gauchiste ancré dans le bourdivinisme momifié dont l'affichage critique radical les éternise par l'idéologie fixiste de la reproduction. Chaque vote pourtant contredit leur pouvoir sur les esprits non massifiés, c'est à dire l'immense majorité des adultes travailleurs, de 1992 à 2007(?) en tout cas 2005, à l'instar des vagues de révolte que ce peuple engendre pour le moins du printemps 1789 au solstice d'hiver de 1995
(.2006-8)
[8a]On ajoute ici le pluriel au
concept d'anthropologie historique de Roger Dupuy.(Op.cit).[8a]
Sur l'évènement évoqué, l'effondrement de la passerelle servant à la visite du navire terminé, lire le très bel article du 22 mars 2009 (sur de multiples sites Web) de Luc Douillard, dont la pertinence double anthropologique s'impose dans une société de la mondialisation c'est à dire de la servitude (Guy Bois), au ou à proximité du supposé pays de la soumission. Son titre et son texte sont disponibles, Une
cause méconnue du drame de la passerelle du Queen Mary : la sécurité-gardiennage ? La soumission à l’autorité ? [9]
Porte immédiate de l’Aquitaine antique, par la profonde Vendée et ce troublant Pays de Retz, le Pont de Saint-Nazaire merveille de puissance aérienne, arabesque au dessus de la vaste copulation de la Loire et de l’Océan, Pont de La Roche-Bernard sur la Vilaine, frontière très magique d'une renaissante celtitude de prospérité.
[10]
Le groupe financier EADS qui englobe Airbus industrie n’existe en dernière instance que grâce aux ambitions flamboyantes de l’apogée du Gaullisme (entre Le Concorde et Ariane) n’a-t-elle pas son siège en Hollande et quatre autre composantes nationales, allemande, anglaise, et espagnole ?
[11a]
2006.Les transformations inséparablement techniques/économiques offrent un
registre où l’on peut invoquer une évolution (et encore en évacuant l’historicité du rapport du mode de production à l’usage sélectif des technologies via l’organisation. Pour le reste décidément, pensons histoire, territoire et entre les deux, anthropologie.
[11b]Classe ouvrière ?Anachronique référence, (Voir newsletter www.sociologie.cultures, notre introduction à Où en est la classe ouvrièrePour un lieu commun des sciences sociales. Qui plus est en novembre 2008 ! Certes, et déjà en 1991 lorsque nous écrivions cela ; mais s'il reste une ville en France encore hantée, donc habitée
encore par cet immense sujet historique qui dura deux siècles, ce ne peut-être qu'ici où c'est la Loire qui irrigue toujours l'atlantique économie-monde.
La Loire emporte mes pensées? Mais sommes nous si loin dans l'homologie des conjonctures, de l'Aragon des Ponts de Cé de juin 1940 (Les Yeux d'Elsa, Seghers 1942, 1962). La
Forme pourrait-elle sans lui encore engendrer ces navires si fascinants et si identifiants pour toute une nation, que les quasi gouverne -ments d'un pays à souveraineté limitée de la poreuse Europe, sont contraints, N Sarkozy compris, de se porter encore garants de sa pérennité.
[12a]L’aire d’emploi de Saint-Nazairerévélée sous la grille administrative, fédère, sans les effacer, les anciens pagi gaulois, cantons, virtuellement pays (pagi) La configuration de l’aire a varié depuis que l’on perçoit les réalités sociales par cette médiation vers 1967 au tournant récessif des Trente Glorieuses ; Notre méthodologie statistique passant par les unités locales cantons et communes, on a u en passer par le quadrillage spatio-administratif. Il faut faire d’entrée une réserve. Socialement et culturellement, la singularité du Sud de la Loire en Pays de Retz déjà aquitain, est très forte et l’intégration à une culture unique d’aire beaucoup plus problématique - sauf au bord de l’eau - que celle des cantons plutôt
bretons du Nord même lointains. Ainsi le canton morbihannais de La Roche-Bernard fait encore partie de l’aire en 1968, pour ses migrations alternantes présentes mais aussi pour ses liens historiques anciens, alors qu’on peut hésiter sur celui de Bourgneuf au sud dont même les migrations alternantes restent faibles avec le Centre urbain. Dans une étude de 1977 nous l’avions conventionnellement exclu. Le pont a fini par la réintroduire. En 1968 on a donc dix cantons en Loire Atlantique (onze si on compte Bourgneuf) sept au Nord, trois au sud. Au total 54 communes. En partant du centre, le centre urbain-rurbain d’abord c’est l’ancien vaste canton de Saint-Nazaire, auquel on peu adjoindre celui du Croisic et la fraction côtière de celui de Guérande. On a ensuite le
centre rural anciennement salarisé (la Brière dépecée, sans doute intentionnellement, par les cadres administratifs, autour de la commune de Saint Joachim à l’ouest du canton de Pontchâteau), et le canton de Guérande de 1990. Au Sud le canton de Paimbœuf a d’anciennes proximités fonctionnelles avec le centre nazairien ; le canton de Pornic est le pendant sudiste
de celui du Croisic. Les périphéries sont constituées au Nord par les cantons bretons gallo ruraux de Saint-Gildas-des-Bois et d’Herbignac de surcroît maritime et des cantons de Saint Père et de Bourgneuf au Sud. Pour les phénomènes de bloc culturels nous isolons fréquemment les cantons côtiers de Pornic et du Croisic pour la résistance laïque
de leurs communes maritimes, des cantons ruraux du sud pour leur cléricalisme. Souvent les faits culturels et sociaux induisent un regroupement du centre urbain et des cantons côtiers. Les migrations intenses ont atténué ces contrastes. Le canton de Savenay est plus marginal périphérique par le nord et polycentré par l’est où l’influence nantaise est dominante, mais il est presque séculairement ancré à Saint-Nazaire par la circonscription politique, séculairement charcutée pour y diluer les cultures ouvrières.
En 1990 l’ancien canton de Saint-Nazaire, est scindé en quatre cantons de Saint-Nazaire Ouest avec Pornichet, Saint-Nazaire -centre et Saint-Nazaire-Est et de Montoir-qui contient Trignac la rouge et condense toutes les traditions et métamorphoses ouvrières ; La Baule, station bétonnée des loisirs en archipel de la mondialisation, forme désormais un canton séparée de celui de Guérande. On néglige d’autres remaniements communaux dans le sein des cantons existants. Au total dans le même espace en Loire Atlantique qu’en 1968, 14 cantons.
[12b]Le Marx de la section VI du Livre I du Capital, qui, emporté par sa fascination à l'égard de la bourgeoisie fait de la reproduction du travailleur une simple fonction de l'accumulation du capital, avait au moins l'excuse du délire théorique inventeur. Ses épigones lointains et prétendus sociologues qui réduisent les vies des travailleurs à une zoologique "domination" toujours reproduite, et leur appropriation privée du monde (la maison etc., ) la maladie d'un imaginaire
prolétariat, - celui de Staline et de l'admirateur de ses Questions du léninisme transposées en "sociologie de la classe ouvrière" -, ne sont plus que des idéologues et des imposteurs.
[13a]On ne traite pas ici de la morphologie pourtant très spécifique de l’espace urbain reconstruit à la soviétique, tournant le dos à la mer, centré sur la mairie longtemps sans espace accueillant de convivialité urbaine. Voir, Ecomusée de Saint-Nazaire, Saint Nazaire et la construction navale 1991. En revanche l'institution municipale, acteur toujours plus séparé (Engels) ne pouvait plus, dans les rééditions de 2006-8,rester allusive
[13b] Nous nommons peuple
ici,dans un usage à moyenne portée , tout ensemble de catégories ou d'ex "fractions de classe"(?) coexistant par l'habiter et les formes de vie, en milieux sociaux spatiaux hétérogènes ayant leur propre unité culturelle mémorielle, modalement dans une temporalité plus longue que certaines de ses composantes. Au sein de ces milieux populaires, (populaires aussi parce que communalisés en milieux,) le ton peut-être donné par tel ensemble catégoriel : paysan, catégorie ouvrière, instituteur, mais le propre d'un peuple dans cette grammaire restreinte, est l'existence d'une koinèe : communauté culturelle d'ascendance, pérenne.
[14]Peuple encore, 2006 sur ce concept historique dans le prisme des sociétés de l’Ouest, nous avons publié depuis la première édition de cet article, in Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, "Les trente glorieuses de la CGT nazairienne et les aléas de la mondialisation”. In La CGT en Bretagne un centenaire Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest. PURennes 1995-3, et avec J. Deniot,
Du Commun, et Des cultures populaires
(disponible sur ce site) On s'y référera cet article leur empruntant peu.
[15] Bernard Edelmann,
La Légalisation de la classe ouvrière. Christian Bourgois
[16]
Gilbert Declercq, tribun exemplaire du moment (dépassé) d'une CFTC ouvriérisée.
[17]Gauche culturelle alias
classe culturelle. Sens à situer entre E Todd, l’illusion économique, sur la classe culturelle
anti-peupliste, o.c., et l’Etat culturelà référence Jack Langiste qui fournit à cette oligarchie un cadre institutionnel et idéologique. Nantes est devenue une des capitales idéologiques de cette culture unique d’Etat et d’oligarchie enrobée de (post) culture sous l'égide d'un binôme organiquement lié depuis 25 ans, J Blaise et J M Ayrault. Pour une principauté territoriale néo féodale d'un l'estuaire dépaysé
fantasmatiquement affranchie de la souveraineté française ? La critique la plus aigüe de l'Etat culturel ne pouvait venir de la post-gauche qui l'a engendré dans sa dépopularisation, à l'exception quasi unique de Jacques Bertin (Chroniques du malin plaisir Corlet 2004) qui a payé cher son courage intellectuel. Il faut d'abord lire la pensée d'en face quoique souvent marquée par un radicalisme du désespoir : Marc Fumarolli, le plus modéré mais inventeur de la formule sur une base uniquement culturelle, Philippe Muray, interviewé par E Lévy, Festivus Festivus ou dans les essais d'Après l'histoire, et, le plus conséquent philosophiquement, donc le plus réfutable, Renaud Camus, La grande déculturation, Fayard 2008. C'est l'objet de nos travaux en cours, proposant un étayage plus totalisant du concept entre la critique anthropologique d'E. Todd (op.cit. sur la "classe culturelle"), l'approche culturelle de la mondialisation de Denis Duclos, Naissance de l'hyperbourgeoisie (Monde Diplomatique août 1995), et une réintégration autour de ce que nous nommons, rapports sociaux de la mondialisation, d'un apport créatif de la pensée marxienne au 21 siècle. J Réault, L'Etat culturel et ses classes, Etats d'Arts, Journées d'étude Lestamp-Habiter-Pips. Nantes 17 avril 2008. Encore inédit.
[18a]Dans La vie des Travailleurs C.F.T.C..que nous avons intégralement dépouillée, en 1935 ce poème que résument ces vers. Tu vas partir Fanchon pour une grande ville, n’oublie pas.// et j’en serais tranquille, d’aller et d’adhérer au syndicat chrétien. La configuration de nos blocs, gramsciens (?), croisant ceux de Gérard Althabe décrivant la situation nantaise en 1983 (La Tribune de Loire Atlantique Novembre1983) ; mais notre Bloc laïc
n’est pas son noyau partisan intégriste caricaturé par la 2° Gauche, mais le socle culturel historique et authentique du mouvement ouvrier républicain.
[18b]Les élections prud'homales de décembre 2008 ont peu touché aux équilibres, le souffle qui portait le bloc catho est bien tombé. Est-ce à dire que cette problématisation dualiste a perdu sa vis
heuristique. La mondialisation et la crise systémique qu'elle vient d'engendrer bouleverse tout ? On fera à cela deux réserves. D'une part, la prolétarisation inachevée qui en est la base familiale économique et sociale est toujours aussi puissante ici (et avec elle peut-être une place pour les dérives troubles et régressives du ségolénisme, ajoutant dans l'Ouest, à la verticalité du père primitif de la communication de masse, le maternalisme
latent du catholicisme d'Ancien régime). D'autre part, on sait avec Braudel, ou sans lui par tant d'inerties historiques, que les mentalités sont prisons de longue durée.
[19]
Sur le lexique des Chantiers, entre roman et témoignage sur l’épopée de 1955, Louis Oury, Les prolos. Denoël. 1973
[20]Le patronat des Forges de Trignac ne pouvait, contrairement à celui des Chantiers navals, spéculer sur la double activité ouvrière, il faut des services et des œuvres, que le concept de paternalisme
simplifie par trop, pour le logement, la santé, le transport, voire la consommation, bases de socialisation de classe collectiviste des trignaçais, rare à l’Ouest. Sur Trignac,
le bel apport à la fois scientifique et authentique de Bernard Hazo, les anarchistes bleus .Les Paludiers 1980. Sur une culture prolétarienne, voir moins l'obsession malveillante de la marge et du bas du Michel Verret, Où en est la culture ouvrière aujourd’hui ?, In Sociologie du travail 1989-1, et de Chevilles ouvrières, l'Atelier. 1995 que le chef d’œuvre de F Engels, La situation des classes laborieuses en Angleterre et Hoggart. The use of litteracy, abusivement traduit par La culture du pauvre, par ceux qui prétendent en 1968 traquer le misérabilisme pour y sombrer avec
La Misère du monde. M. Verret, P. Bourdieu, S. Beaud, O. Schwartz: même retour du refoulé du mépris dans la logomachie de l'achevable "domination" du "bas", ce trou noir conceptuel de la déliquescence intellectuelle achevée du marxisme stalinien privé de son fantasmatique prolétariat massifiable.
[22]
Sur ce point les témoignages généreux et lucides de Job Kergozien, facteur, militant CGT et communiste. (Archives personnelles).
Jacky Réault,
L'usine des
Batignolles à
Nantes. L'histoire
d'une usine au 20°
siècle, L'usine La
"vie".in
Norois Revue
géographique de
l'ouest et des pays
de l'Atlantique
Nord.
Octobre-Décembre
1981 N° 112, pp
661-673.
est disponible in
extenso sur
www.persee.fr/web/revues/.../noroi_0029-182x_1981_num_112_1_4006.
Nous avons condensé
dans cette
monographie polydromique de
l'usine des
Batignolles à
Nantes, un type
idéal étonnamment
adéquat à son
concept, si l'on
ose cet
hégélianisme,
du
genre de vie(géographie
humaine
durkheimienne) de
prolétarisation
achevée
dans le salariat(JR 1992) au
20° siècle. Entre
Trignac, Erbins à
Saint-Nazaire, et
exclusivement les
Batignolles à Nantes
(usine tôt repérée
comme bastion rouge
virtuel par
l'Internationale
communiste qui
y délègue Charles
Tillon,
(On chantais rouge),
l'un de héros de la
révolte des marins
de la Mer Noire
refusant la guerre à
la révolution
soviétique. La Basse
Loire des ouvriers
possédants de notre
prolétarisation
inachevée
(JR
1977),
offre
l'épure
paradoxalement la
plus la plus
polarisée dans des
espaces contigües,
du mode de
prolétarisation des
formes de vie
ouvrières réduites
au salaire et à la
précarité du seul
salariat.
Carte synthétique extraite de J Réault,
Nicolas et Ségolène...
in J Deniot, J Réault, avec
L Delmaire,
Espaces Temps et
territoires, Nantes
Cahiers du Lestamp 2010
Les
espaces de la
prolétarisation, dont la
typologie est condensée dans
l'aire nazairienne
référés au votre
présidentiel de 2007 dans l'ensemble
de l'espace français.
[23].Sur
la C.G.T.U., Jean Péneff
Autobiographies de militants
C.G.T. C.G.T.U.
.L.E.R.S.C.O., Nantes 1980.
Sur les votes syndicaux,
nous nous sommes livrés sur
les archives de la Direction
Départementale du travail à
une collecte exhaustive, et
à un travail
d'interprétation historique
in Jacky Réault,
Patrick Delasalle (collab.),
Evolution des Forces
syndicales dans l’aire
d’emploi de Saint-Nazaire
-1936-1945 et
Comptes de l’unité et de la
division. Nantes,
L.E.R.S.C.O.. 1980: Lors de
la grève de 1947: la C.G.T.
n’obtient 18% et ne
l’emporte que chez les
dockers. En 1968, 23% de
femmes adultes salariées
dans le canton-le plus
briéron, celui de
Pontchâteau, 26 dans celui
de Saint-Nazaire, mais
jusqu’à 43 dans le sud plus
activiste
de Saint Père en Retz et
Pornic. Deux univers
anthropologiques entre nord
et sud.!
[24]
La Brière
forme un univers spécifique
à forte identité culturelle
tissé par une intense
endogamie réduite à moins
d’une dizaine de lignages
pour la majorité de la
population et inscrit
dans un genre de vie
séculaire polyvalent pour
compenser une nature ingrate
et malsaine, le marais de
remblaiement maritime
bordier de l’estuaire de la
Loire au Sud-est de
Saint-Nazaire. la Brière,
immortalisée par le
romancier Alphonse de
Châteaubriant, fut un des
viviers principaux de la
qualification ouvrière
artisanale présupposée de
l’industrialisation sans
laquelle la construction
navale contemporaine
n’aurait pu naître et
perdurer. On
approche la Brière
grossièrement dans la grille
communale (elle est par
ailleurs éclatée entre
plusieurs cantons)
distinguant le noyau
culturel Briéron
Saint-Joachim (Canton de
Pont- château), La Chapelle
des marais(Canton
d’Herbignac), la Brière
économique
encore humide : Crossac
Besné, Sainte-Reine de
Bretagne (Canton de
Pontchâteau) Saint André des
Eaux (Canton de Guérande)
Saint-Lyphard (canton
d’Herbignac), la Brière
seiche suburbanisée
Donges, Montoir, Trignac,
Saint-Malo-de-Guersac.(ex.
canton de Saint-Nazaire). En
2007, fin d'un dernier cycle
déjà anachronique dans l'anatopisme
(M Tournier, Vus de dos
Gallimard) : la mairie de
Saint Joachim échappe au
PCF.Sur la Brière. Outre les
deux ethno-historiens
également épris de l'univers
magique du marais briéron,
le chanoine Augustin
Vince, Brièrons ...Naguère.
Le Fur Saint-Nazaire 1981,
et l'instit.
Fernand Guériff,
Brière de Brume et de Rêves,
Bellanger, Nantes 1979, lire
le beau mémoire de maîtrise
d'ethnologie (Paris V, R
Descartes, 1989) de Marie
Capdecomme, Le
renouveau de la situation de
"contage" en grandeBrière et
en pays guérandais.
[25]
Dans le marais briéron, la
double vie a sa forme
accomplie. Le type idéal de
l’ouvrier briéron : Il vit,
et avec les siensproduit
(jardinier petit éleveur,
bricoleur polyvalent
ancestral) sur son sol, dans
sa maison construite par
l’entraide, il ajoute au
salaire d’ouvrier qualifié,
la récupération et
la bricole, les produits
voire les revenus noirs
de la pèche et de la chasse,
de double activité
ouvrier-paysan pas si
résiduelle. Jean Pierre
Fleury, Ouvriers-Paysans
ruraux en Brière. Thèse
de 3° Cycle en sociologie,
Nantes 1980
[26]Marthe Barbance. Voir aussi la
sagacité savante et
populaire de Roger Cornu
dans Saint-Nazaire et la
construction navale, o.c.,
et , l’A.R.E.M.O.R.S
[27]
La scission avec la CGT,
inscrite dans l'année
terrible (Desanti), 1947 ne
fut institutionnalisée qu’en
1948.
[28]
L’industrie ne regrouperait
plus en 1988 que 39% de la
population active, mais 44,
5 (contre 50 en 1982) avec
les transports, secteurs
très ouvrier, mais c'st
notamment ignorer les
intérimaires, noyés dans les
services marchands rendus
aux entreprises, euphémisation
de l’ouvrier sous-traité.
Sur les transformations
techniques et la division du
travail : Jean Paul Molinari
In Enquêtes et documents
G.I.R.I. 1984.
[29]
Centre d’Etudes et de
recherches sur les
qualifications, dans
les années 70, le CEREQ,
irremplaçable et irremplacé
savant collectif, de ce
concept spécifique de la
société salariale
française des Trente
Glorieuses, fut détruit par
un gouvernement de
cohabitation.
[30]Sur les écosystèmes de
reproduction populaire à
l’échelle française, Jacky
Réault, Formes de vie
ouvrières et écosystèmes
sociaux de reproduction dans
la société française.
LERSCO. Nantes Novembre 1989
(En réédition)
[31].En
1989, 31% seulement des
hommes vivant en couple et
sans travail, ont leur
conjointe active. Si
l’on isole les 25-29 ans, la
conjointe active est encore
minoritaire (44%).
[32]
Approchés par les
Déclarations Annuelles de
Salaires (Agglomération
au lieu de travail.)
[33]Familialisme : Ce mot n’est pas pour nous une insulte ni a plus
forte raison ce moulin à
vent de la conventionnelle
dénonciation des tenants
d'une quasi sociologie
animale de la domination,
tel l'étonnant R. Lenoir,
(une vie entière pour
traquer le
familialisme au nom de
la dite sans rire,
sociologie comme science).
On pense avec C. Meillassoux
que la famille populaire est
modalement le sanctuaire de
toutes les résistances
essentielles, des
fondamentaux
anthropologiques comme des
cultures du commun,
face aux hauteurs
mondialisées des classes
culturelles et au mépris
postmoderne d'oligarchie
modernisatrice.
[34]
Nous avons créé ce
concept, J. Réault
la prolétarisation inachevée
Nantes LERSCO-CNRS 1977,
sans les connotations
d'aliénation
qu'y introduitd'André Gorz Adieu au prolétariat, Galilée1980, sinon d' Immanuel
Wallerstein, o.c.infra
[35]
Immanuel Wallerstein,
Le capitalisme historique; La Découverte. La plus pertinente des analyses
marxiennes avec celle de
Claude Meillassoux, de la
prolétarisation comme
concept d'anthropologie
économique à l'échelle
mondiale orientée par le
concept fondamental que nous
avons adopté d'accumulation
primitive continue sur
fond d'organisation du monde
entre centre(s) et
périphérie's).
[36]
A l’apogée de
l’autoconstruction, en
1968 la production du
chez-soi qui selon le
second Bachelard ironique et
profond vient juste après l'en
soi et le pour soi.
(Poétique de l'espace,
PUF)- Jacky Réault in
Bilan réflexif Amiens
2008- peut s’ajouter pour
l’ouvrier des Chantiers à
plus de 46 heures de travail
hebdomadaire ; Mai-Juin 68,
fut une aubaine, il y fut
maçon, électricien ( mais
c’est la femme qui est
peintre pour la maison
jamais achevée
(Interviews de 1978 via
Patrick Delasalle).
[37]
Quelques cohortes de
prolétaires nazairiens,
ruse de l’histoire des
baraquements de la
Reconstruction, prirent goût
à la maison individuelle (J.
Kergozien). Dans les années
quatre-vingt d'autres font
le saut à leur tour mais à
contre cycle. Loïc
Rousselot les suivit sous
notre direction in
Itinéraires résidentiels des
parents isolés dans
l’agglomération de
Saint-Nazaire. Maîtrise
de sociologie Nantes 1987.
[38]
Cf. nos écosystème
populaires de l’ouest du
développement des 30
Glorieuses, o.c.1989.
[39]
Vu dans un prisme de la CFDT
et du féminisme, Dominique
Loiseau, Les femmes et le
militantisme nazairien de
1936 à 1967. Maitrise en
sociologie Nantes 1989 et
autres travaux.
[40] Jacky
Réault, Patrick Delasalle,
1980, op. cit., Note 5.
[41]
En 2006 les lambertistes
du Parti des travailleurs et
les néo-chevènementistes se
partagent politiquement
l’héritage, bien estompé et
en 2008, de plus en plus à
la remorque du candidat à
une royauté de l'estuaire
(?) J M Ayrault flanqué de J
Blaise.
[42]
Jacky Réault Mai 68 à
Saint-Nazaire et dans
l’Ouest, Colloque
Acteurs et Terrains du
mouvement social de mai
1968.Novembre 1988. (non
publié)
[43]
L’extrême gauche a cependant
toujours plus que des
virtualités ici. Le
Chevènementisme, quoique
quelque peu dégradé
désormais, maintient une
ligne de résistance plus
conséquente à la
mondialisation (2006). Sur
le double lien organique de
résistance conju- guée de
classe et de nation (E. Todd,
Aux origines du malaise
politique français.
Fondation Saint-Simon 1995).
Le maire de long cours
actuel, Joël Batteux
semble courir désormais
après une image
vendable et médiatique, de
sa ville à l’instar, mais
vingt ans plus tard, de son
modèle nantais, est-il
encore chevènementiste ?
Le propos emphatiquement
antilibéral n’est-il pas
un dernier leurre. Rien de
moins "libéral" que le
capitalisme mondial
(Braudel, La dynamique du
capitalisme, Arthaud) et
la mondialisation (Guy Bois,
Une nouvelle servitude,
Essai sur la mondialisation,
François-Xavier de Guibert
2003). Novembre 2008 Joël
Batteux quitte pour la
deuxième fois le PS en
perdition qu'il avait
rejoint après la trop
audacieuse pour
lui, campagne présidentielle
de J. P. Chevènement en
2001-2002.
[44]
J-Paul Molinari
Les ouvriers communistes.
Présence du Livre
Thonon-Les-Bains 1991.
[45]
Cette conclusion de 1991 n’a
nul besoin d’une révision.
Les compléments de 2006
concernent la seule
mutation du municipalisme et
son nouveau contenu
politico-culturel.
[46]
Aperçu commenté de nos Travaux originaux
ayant servi à cette
synthèse.
Les éditions de laboratoire
sont accessibles chez
l'auteur et en partie à la
bibliothèque en ligne
palissy.humana.univ-nantes.fr
qui a recueilli la
bibliothèque du Lersco. J
Réault, la
prolétarisation inachevée-
les ouvriers (ou la
classe ouvrière dans une
autre édition) de l’aire
d’emploi de Saint-Nazaire.
LERSCO-CNRS Nantes
1977Ouvrage inaugural
éprouvant la validité
méthodologique et théorique
de l’aire d’emploi sur la
problématique des formes
et degrés de prolétarisation
dans un milieu
et un espace temps
populaire déterminé.
Jacky Réault, LERSCO
1977
Prolétarisation,
communauté
domestique et lieu
de travail :
Les ouvriers de
l'aire d'emploi de
Saint-Nazaire.
Bulletin de la
Société Française de
Sociologie. IV-10,
Novembre 1977 pp.
26-31
46]
Aperçu...(suite)
- Prolétarisation
communauté domestique et
lieu de travail: les
ouvriers de l’aire d’emploi
de Saint-Nazaire;
Bulletin de la Société
française de sociologie
novembre 1977. Première
publication inventant
l'aire d'emploi comme unité
sociologique, signé JR
LERSCO-CNRS;.
- Prolétarisation
résidence et lieu de travail
dans l’aire d’emploi de
Saint-Nazaire. pp. 13 à
55 in A. Vigarié (Dir.),
Structures économiques et
rapports sociaux
(S.E.R.S.) Université de
Nantes, 1° Rapport, 1977.
- Evolution des forces
syndicales dans l’aire
d’emploi de Saint-Nazaire
-1936-1945-, in Dir.A
Vigarié,
2° rapport du groupe
S.E.R.S. Université de
Nantes. pp.
281-329.Nantes 1979.
--Evolution des forces
syndicales dans l’aire
d’emploi de
Saint-Nazaire1936-1945.-II
Les comptes de l’unité et de
la division 34 Tableaux
exhaustifs des votes aux
comités d’entreprise par
secteurs et cycles
biannuels; Listing exhaustif
des entreprises 69 pages.
Nantes LERSCO CNRS.
1980.
- "Trente ans de vote
syndical, le salariat des
Pays de la Loire et les
organisations du mouvement
ouvrier". pp.192-217.(l’aire
nazairienne est présente
parmi d’autres découpages de
l’espace des P D L), in ATP
CNRS O.C.S.C. 1945-1980
Le changement en Pays de
Loire. Observation du
Changement Social et
Culturel, Universités de
Nantes et du Maine. Mai
1981.291 pages (Contrat avec
l’E.P.R. des Pays de Loire
publié et diffusé).
- en collaboration avec P.
Delasalle. Mai 68 10 ans
après; Mai 68 dans
l’aire nazairienne Une
quarante d'interviews de
militants ouvriers, pas de
publication à cette date.
[47]Ouest-France,
30 janvier 2009."A
Saint-Nazaire,
la manifestation//s'est
terminée par trois heures
d'affrontements avec les
forces de l'ordre dans une
ambiance de guérilla
urbaine.". La répression
judiciaire sévère, surtout
après la réitération du 19
mars où ne s'engagèrent que
"200 ou 300 personnes,
beaucoup le visage masqué...
15 ou 17 (?)
interpellations" (OF St-Naz,
20 mars 2009) montra qu'il
ne s'agissait que de jeunes
salariés plus ou moins
chômeurs et se proclamant
"révoltés". Un joli mot qui
réapparaît ainsi dans le
paysage de la crise
systémique et dénote assez
clairement que rien n'est
attendu par eux s'intégrant
dans un projet
collectif mais ne préjuge
pas d'une identification
sociale et historique. O.F.
(Nouvelles scènes de
violence à Saint-Nazaire",
p. 9) notant le même nombre
de manifestants le 19 que le
29 janvier (18000), assure
que les "jeunes cagoulés"
correspondent à "moins de
salariés du bassin nazairien
et davantage de//jeunes
décidés à en découdre".
L'opposition nous semble
oiseuse. On retient aussi
sur la page nazairienne des
évènements que les
affrontements n'ont duré que
deux heures, et étaient
terminés à 19h 15, mais si
les forces de l'ordre
étaient plus nombreuses que
le 29 janvier; l'intensité
fut plus grande : "à
18 heures, "la bataille fait
rage..." "Les dégâts sont
plus importants qu'il y deux
mois". Dès 17 h 15 les
"jeunes décidés à en
découdre" "avaient
stocké canettes vides et
pavés", tout se termine par
"quelques barricades rue de
la Paix."
[48] Pour
le vote socialiste Ouest
France 8,9 novembre 2008,
article signé Marc Le Duc
qui ne donne pas les
chiffres de Saint-Nazaire.
Il n'en montre pas moins le
jubilatoire et naïf
étonnement des notables
socialistes devant cette
inconfortable nouveauté P
Mareschal (Président du
conseil Général et partisan
d'une ethnicisation
"bretonne" de la
Loire-Atlantique), "les
adhérents ne suivent plus
les consignes des élus", J M
Ayrault, ayant parlé du
"pire des scénarios".
Au niveau du département
Delanoé, (leur candidat
tactique) n'atteignant pas
40 %, B Hamon approchant les
30, Ségolène Royal, (leur
horizon opportuniste) les 22
et M Aubry, moins de 15...
Les développements finaux
sur les transformations de
la fonction municipale
n'ayant semble-t-il refoulé
les représentants, peut-être
caducs du 3° peuple, pour
finalement peut-être
refouler tout peuple, datent
d’avril 2006 et ont été
complétés en décembre 2008.
Pour la comparaison
avec Nantes cf. J. Réault,
Nantes l’excès la ville in
Philographies, Mélanges
offerts à M Verret. Nantes
1987 etpour le cadre
politique général. Le
retour des peuples ? in
Newsletter, Pour un lieu
commun des sciences sociales .
N° 1 aôut 2005, revu et
complété décembre 2008;
février 2009.
http://www.sociologie-cultures.com
(Newsletter)
[49]
Le pays de la
soumissionétait
pour A Siegfried, la frange
armoricaine qui s'inscrit
entre le sud de l'Orne et
l'est de la Loire
inférieure lors de la
contre-révolution, dont elle
est le principal vivier.
André Siegfried (Tableaux
politiques de la France de
l'Ouest Colin 1913)
pense désigner ainsi ce
qu'il lit unilatéralement
comme une subordination des
paysans fermiers ou métayers,
et plus généralement des
ruraux,
aux maîtres de la terre et
de la paroisse au centre
d'un bourg sans habitants,
contre la république de 1793
à 1958 ?. L'historiographie
nous a montré des rôle
partiellement inversés dans
la révolte "vendéenne" où
c'est le peuple qui tire
les nobles et contrôle
ses prêtres, tandis
que l'anthropologie de la
famille (E. Todd, La
nouvelle France, L'invention
de l'Europe Seuil 1994)
met en évidence les dangers
sociétaux d'un extrême
individualisme qui affaiblit
les familles populaires face
aux puissants. Nantes est
entouré au nord à l'est et
en partie au sud, par le
pays de la soumission.
Saint-Nazaire la bretonne
échappe à cette
configuration. L'estuaire
de Jean Blaise et J-M A
serait culturellement sa
fin. Le pays du mensonge
déconcertant c'est
l'Union soviétique de
Staline vue par un des plus
lucides et précoces
critiques, le communiste
yougoslave, Anton Ciliga. Il
désignait l'absolu triomphe
de la fausse conscience sous
la terreur des massacres
d'Etat et la novlang
idéologique. La novlang
(1984 Orwell) des mondes cultureux et la pensée unique
sanctionnée d'inversion
haineuse du patrimoine
culturel transmis, que font
rêgner les patrons des
subventionnés de la culture
d'Etat, n'a rien à envier à
celle de Staline, mais ses
effets ne se manifestent que
sur liberté de parole et
d'écriture... mais aussi sur
l'emploi, donc
l'employabilité. Nantes sans
ouvriers et sans peuple est
devenue un des pôles de
l'Etat culturel en France,
ville icône des
bobos parisiens, de la radio France
culture recuite par Laure
Adler, Télérama, le Nouvel
Obs, Le Monde, Libé.. L'inversion
culturelle
cette structure
anthropologique
(virtuellement nihiliste,
réellement chosifiante) de
la mondialisation même, se
manifeste par la migration
du maître de l'ainsi nommé
Lieu unique nantais
(dont la programmation est
une usurpation radicale du
statut de "scène nationale"
qui la subventionne, alors
que tout ce qui est culture
(transmise), populaire et
française, y est repoussé),
pour les agitations
médiatiques et
spectaculaires marchandes
des
Nuits blanches
parisiennes, en passe d'être
imitées par toutes les
villes de l'archipel de
la mondialisation.
Comment ne pas attendre
d'une des trois villes
françaises (Marseille,
Saint-Etienne,
Saint-Nazaire) qui n'aient
pas encore perdu leur
peuple, disons
un air de liberté ?
Jacky Réault
Agrégé d'histoire, Directeur du GIRI CNRS,
Co-fondateur du Lersco CNRS, Maître de conférence en sociologie à l'Université de Nantes LERSCO 1992
Habiter PIPS, EA 4287 Université de Picardie Jules Verne, Lestamp-Association
Lisez de Jacky Réault,
Nicolas et Ségolène ou le mystère de la Dame de Vix,
Une analyse en profondeur spatiale historique et statistique des socles sociétaux et anthropologiques des votes présidentiels et notamment des votes populaires et ouvriers.
Des rumeurs de vente à des commandes historiques :Embellie de la navale, le vivier d'emplois est-il prêt ?12 avril 2014
11 octobre 2013, Cinquantenaire de la mort d'Edith Piaf, cette icône d'un peuple, la crise de la mondialisation rattrape une des premières économies "décollées" de la périphérie dans le développement capitaliste, La Corée. La Navale française est plus que jamais à l'encan du Monopoly financiers, sur fond de déliquescence de l'Etat français. A suivre..L'annonce (OF 10 octobre 2013) de la vente possible des chantiers navals de STX Europe par le groupe coréen STX, même si elle était dans l'air du temps depuis plusieurs mois, n'avait pas manqué de faire réagir dans l'enceinte du chantier nazairien. A commencer par les différents syndicats qui se trouvaient actuellement en pleine campagne pour les élections professionnelles du 17 octobre. Ces bruits alimentaient de nouvelles craintes alors que les accords d'entreprise avaient été dénoncés par la direction et que le défi du plus gros paquebot du monde commençait. L'importance symbolique nationale des Chantiers a depuis contraint le pouvoir politique, au fond d'une crise de confiance et de crédibilité sans exemple dans l'histoire française, de joindre sa mobilisation à celle de la direction du chantier. Deux commandes sont survenus l'hiver 2013-2014, mais paradoxalement la longue période de réduction de l'offre d'emploi de personnels qualifiés risque d'avoir tari ce qui fut un vivier séculaire voire millénaire. C'est la question qu'ose (peut-être) poser le quotidien Ouest-France le samedi 12 avril 2014. Jusqu'où la longue prédation de ce trésor historique permettra-t-elle de maintenir un établissement nazairien de construction navale ?
Ouest France, Saint-Nazaire - 11 Avril
·
Après la construction de l'Oasis, la navale devra trouver les moyens de construire deux autres paquebots et plusieurs ferries. | STX
Après les importantes commandes de navires prises par les chantiers STX depuis trois mois, le bassin nazairien est-il en mesure de répondre aux besoins ?
Pôle emploi est depuis longtemps sur la brèche pour anticiper les demandes d'employeurs
et déployer de la formation,...lire demain dans l'édition Ouest-France de Saint-Nazaire
______
Un gage de pérennité ? L'immense portique emblème d'une Basse Loire encore productive et ouvrière ou l'Estuaire touristico-cultureux. Quelle logique l'emportera ?
La poutre a fini d’être hissée à plus de 55 m de haut aujourd’hui et le géant rouge et blanc domine désormais Saint-Nazaire
Après quinze jours d’opérations délicates, le plus puissant portique d’Europe est installé au-dessus des chantiers navals.
Ce monstre de 5 000 tonnes sera, à partir de janvier, capable d’arracher du sol des blocs de navires en construction pesant 1 200 tonnes et mesurant 40 mètres de large.
Haut de 65 m, visible à des kilomètres à la ronde, ce nouvel outil aura coûté 30 millions d’euros à l’entreprise STX et permettra de diminuer de 30 % les temps de manutention.
L’ancien portique ne pouvait soulever « que » 700 tonnes, il avait 45 ans. « Sans portique, il n’y a pas de chantier naval. C’est un signe fort qu’on va continuer à construire des navires à Saint-Nazaire », jugeait il y a quelques jours, Bertrand du Charlat, responsable du montage.
Les chantiers STX France ont démarré lundi 23 septembre à Saint-Nazaire la construction du plus grand paquebot de croisière du monde, un navire de la classe des "Oasis", pour l'armateur américain Royal Caribbean Cruises, en découpant symboliquement la première tôle de la coque. Capital 21:10:2013
Un paquebot géant pour les chantiers STX de Saint-Nazaire
Chantier de construction du paquebot Queen Mary 2 à Saint-Nazaire en 2003.Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA ; Richard VIALERON/Le Figaro
La commande de la compagnie américaine Royal Caribbean International, numéro deux mondial de la croisière, tombe à pic. Le navire sera l'un des plus grands jamais construits à Saint-Nazaire.
Comme un cadeau de Noël qui arrive à point pour les salariés des chantiers STX de Saint-Nazaire. En effet, la compagnie américaine Royal Caribbean International, numéro deux mondial de la croisière, a commandé un paquebot géant de type Oasis aux chantiers navals STX France (ex-Chantiers de l'Atlantique). STX France est détenu à 66% par STX Europe (filiale du sud-coréen STX Shipbuilding) et à 33% par l'État.
Ce bateau sera livrable mi-2016. En outre, le croisiériste international a posé «une option pour un deuxième navire livrable mi-2018», ont annoncé jeudi soir les chantiers STX. À titre de comparaison, les deux premiers navires de type Oasis, l'Oasis of the Seas et l'Allure of the Seas, livrés en 2009 et 2010, sont les plus grands navires au monde. «Dotés de 16 ponts et de 2700 cabines, ils peuvent accueillir jusqu'à 5400 passagers et 2100 membres d'équipage», ajoute STX. Ils avaient coûté chacun 900 millions d'euros, mais ce troisième exemplaire, pour la construction duquel plusieurs chantiers étaient en compétition dans le monde cet automne, devrait coûter moins cher.
Concurrence féroce entre les chantiers
La concurrence est féroce entre les chantiers navals internationaux et le contexte économique morose, poussant le prix des navires à la baisse. D'une longueur de 361 mètres et 47 mètres de large, ce navire sera l'un des plus grands jamais construits à Saint-Nazaire. Cette commande, qui représente dix millions d'heures de travail réparties sur trois ans, s'apparente à une bouffée d'oxygène dans un contexte tendu pour STX. Les chantiers navals de Saint-Nazaire, qui emploient directement 2100 personnes et 4000 en sous-traitance, risquaient en effet de boucler leur deuxième année sans commande. Cela les aurait placés en situation précaire.
Dans la foulée de cette bonne nouvelle, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et le ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, se «félicitent» de la commande d'un navire de croisière aux chantiers navals STX France et saluent «l'excellence du savoir-faire français dans la construction navale». «Cette commande passée par l'armateur Royal Caribbean Cruise Line (RCCL) témoigne de l'excellence du savoir-faire français dans la construction navale», soulignent les deux ministres dans un communiqué de presse.
Début de construction programmé en septembre
«Nous sommes très satisfaits, la concurrence a été rude avec la Finlande», s'est de son côté félicité Laurent Castaing, directeur général de STX France sur i-Télé. «Cela va d'abord donner de l'emploi chez nos coréalisateurs», a-t-il ajouté. Depuis un peu plus de six mois, les bureaux d'études et certains secteurs de fabrication étaient touchés par du chômage partiel, tandis que selon les syndicats certains sous-traitants avaient commencé à licencier.
Selon STX, «les études démarreront dès le mois de janvier 2013 pour un début de construction programmé en septembre 2013». «Il va falloir compter de 4 à 6 mois avant que le chômage partiel ne commence à se résorber», a néanmoins souligné Nathalie Durand-Prinborgne, déléguée syndicale pour FO, pour qui cette commande géante a bénéficié de l'intervention de l'État français.
La commande du géant de mers devrait toutefois permettre de sauvegarder des centaines d'emplois notamment chez les sous-traitants.
Interpellé à l'Assemblée nationale le 18 décembre dernier sur la situation difficile dans laquelle se trouvaient les chantiers STX, le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, avait promis le 18 décembre de «sauver les Chantiers de l'Atlantique», en les aidant à «remporter de nouveaux contrats à l'export» et en encourageant la diversification.
A l'automne 2012 (article du Figaro supra), le gouvernement socialiste qui s'était fort malheureusement illustré par un cafouilleux déshabiller Pierre pour habiller Paul, en allégeant le site Arcelor Mital de Basse Indre de certaines productions pour les installer à Floranges orpheline de toute solution, obtient un succès industriel avec enfin une grosse commande pour les chantiers STX de Saint-Nazaire, illustrant s'il en était besoin la permanence du symbole ouvrier nazairien dans l'imaginaire national.. La visite du premier ministre Jean Marc Ayrault le 21 janvier fut pour le moins modeste par son manque d'éloquence pour valoriser ce haut fait. Comparée à l'audace vitale de la parole sarkozienne dans le même espace des Chantiers, la "gauche" fait finalement, ici comme ailleurs, piètre figure.
Ouest France 21 janvier 2013 (Web)
Lors de sa visite chez STX, le Premier ministre est revenu sur l'accord intervenu le 11 janvier entre patronat et syndicats sur l’emploi. « Il y aura d'autres solutions lorsque des difficultés arrivent que le licenciement. Cette étape est donc très importante. On peut s'y prendre autrement, et aussi par la voie de la négociation entre partenaires sociaux.»
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CRITIQUES
PARIS 2014
Jacky Réault in Eros et Liberté,
Erographie,Cycles historiques
d'Eros et formes sociales de la
liberté.
Février 2019 GILETS JAUNES à SAINT NAZAIRE, UNE MISE AU POINT
,
Bel Anniversaire Gilets Jaunes Dimanche 17 Février 2019 (Photo JR)
En février 2019, les dits "zadistes" polluent de leur sectarisme de minorités hystérisées par la crise de l'Etat, le mouvement populaire des Gilets Jaunes à Saint-Nazaire.
Chez les Gilets jaunes de Saint-Nazaire Politique et pouvoir : c’est Dallas
Après Saint-Brieuc et Dinan où les référents élus des Gilets jaunes ont été débarqués par leurs troupes il y a quinze jours, c’est maintenant Saint-Nazaire qui connaît des tensions entre Gilets jaunes. Un homme a été molesté sur un rond-point occupé. Au coeur du problème : non un « différent amoureux », comme l’ont trop vite avancé des médias locaux, mais des enjeux politiques et de pouvoir.
Un communiqué de la Maison du Peuple retrace un incident survenu le 11 février : « Dans la nuit du lundi 11 février, des faits d’une extrême gravité se sont déroulés au sein du mouvement des gilets jaunes du bassin nazairien… Une femme malheureusement bien connue du mouvement est entrée dans la cabane de l’Air Bleu, accompagnée de 2 hommes de main, de forte carrure appelés pour l’occasion ainsi que de 2 autres personnes. C’est dans le cadre chaleureux et familial de la cabane de l’Air Bleu, que ces individus se sont rués par surprise sur l’un des gilets jaunes présents, l’ont traîné au sol, et l’ont roué de coups. Les personnes qui ont tenté de s’interposer se sont vues elles aussi molestées. Les victimes cumulent aujourd’hui plus d’une dizaine de jours d’ITT ».
Au coeur du problème, non un « différent amoureux » comme l’a vite avancé la presse locale, mais des enjeux réels de politiques et de pouvoir. « Les gilets jaunes de Saint-Nazaire sont divisés en trois groupes – la maison du peuple, de tendance plutôt zadiste, proche de ceux qui ont été récemment arrêtés pour séquestration et violences en réunion – qui ont signé avec la Préfecture et ont des projets agricoles, les Gilets jaunes de Philippe Kerloch, qui sont en association et sont proches de la CGT, et ceux des ronds-points, plus proches de la base – des ouvriers et artisans nettement moins politisés et s’ils le sont, moins à gauche », nous explique un Gilet jaune mobilisé depuis le 17 novembre à Saint-Nazaire.
« En réalité, si la Maison du Peuple est très visible et qu’elle parle au nom des Gilets jaunes nazairiens, elle ne représente rien qu’elle même. Certains de ses occupants sont sur les ronds-points, ils contrôlent celui de Trignac qu’ils n’occupent pas du reste, et ça se passe de plus en plus mal tant avec les Gilets jaunes de base qu’avec ceux de Philippe Kerloch ». La Maison du Peuple a du reste annoncé ce samedi à partir de 8 heures la construction d’une nouvelle cabane.
Au sein de la Maison du Peuple, la situation s’est aussi tendue ces dernières semaines : « on a vu apparaître des commissaires politiques, qui décident qui a le droit de cité et qui peut parler, qui traquent les fachos dans toutes les paroles, qui décident en petit comité des actions. Très proches du mouvement zadiste, ils sont allés à Commercy [à l’assemblée des assemblées], un événement aussi très proche des zadistes, et ont annoncé qu’ils organisaient la seconde édition. Moyennant quoi il y a de moins en moins de monde à la maison du Peuple ».
Bien qu’ils squattent un bâtiment, les pouvoirs publics semblent vouloir attendre que le mouvement meure de lui-même plutôt que de les expulser au risque de les requinquer. Pendant ce temps les relations continuent de se tendre entre la Maison du Peuple et la CGT, mais aussi entre la maison du Peuple et diverses personnes qui essaient d’accaparer le pouvoir… ou en ont tout simplement marre que l’on parle en leur nom et à leur place.
« Les Gilets jaunes étaient un mouvement contre le poids de l’impôt, pour qu’on écoute les volontés du peuple et pour libérer les citoyens. Résultat on se retrouve avec un grand débat inutile qui va déboucher sur des hausses d’impôts, et des commissaires politiques qui décident tout à notre place et préfèrent la violence inutile en manif à l’action réelle pour le peuple », constate un Gilet jaune nazairien. « Ils voudraient tuer le mouvement ou désespérer les gens qu’ils ne s’y prendraient pas mieux, car les causes du mécontentement sont intactes ».
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26 octobre 2019
APRES LA FUSION AVEC L ITALIEN FICANTIERI,
investi par la chine,
LA MENACE CHINOISE POURRAIT CONSTITUER
UN PERIL VITAL
Note d’Atlantico 26 octobre 2019.
« Inquiétude pour les Chantiers de l'Atlantique
A Saint-Nazaire, on vit, on mange, on dort avec les Chantiers de l’Atlantique note l'Express : "Avec 3 200 salariés, auxquels il faut ajouter 5 000 postes chez les sous-traitants, l’entreprise est le plus gros employeur de la région avec Airbus. Mais on l’aurait presque oublié : depuis février 2018, ce fleuron français est, sur le papier et sous réserve du feu vert bruxellois, qui doit tomber à la fin du mois, la propriété de l’italien Fincantieri, le leader mondial du secteur."
Certains experts et syndicats s'inquiètent, loin d’éloigner le spectre de la menace chinoise, la fusion franco-italienne ferait au contraire entrer le loup dans la bergerie. « Fincantieri a créé une coentreprise avec China State Shipbuilding Corporation (CSSC), prévoyant notamment un transfert de technologie et un éventuel transfert de charge : qui nous dit que nos commandes ne finiront pas par être aspirées par les chantiers chinois? » s’inquiète Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire FO des Chantiers de l’Atlantique. Ce qui est sûr, c’est que Pékin se met en ordre de marche. En juillet, la Chine a annoncé la fusion de ses deux champions nationaux, CSIC et CSSC, pour créer un acteur mondial de premier plan. »