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sociétés et des
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Pour un
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scientists et des sites ouverts à un
lieu commun des sciences sociales et à la
multiréférentialité
Revues en lignes,
-Pour
un lieu commun des sciences sociales
www.sociologie-cultures.com
-Mycelium
(Jean-Luc
Giraud, Laurent Danchin=,
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de septembre
2012
-Interrogations
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Joëlle Deniot. Edith PIAF. La voix, le
geste, l'icône.
de
ambrosiette
(Jean Luc Giraud sur
une prise de vue de
Léonard Delmaire
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Les
sociétés de la mondialisation
Communication
inaugurale au colloque international
Pour un lieu commun des sciences sociales *
*
(Ce texte est de fait un
manifeste pour un laboratoire alternatif de travailleurs
intellectuels libres associés, Le Lestamp, fondé en août de
la même année et fête en 2013 ses dix ans)
Suivi de Alter-mondialisme ou Anti-mondialisme, la
question d'une servitude.
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Jacky REAULT
Nantes Ancien directeur du GIRI CNRS, Agrégé
d'Histoire, MDC Sociologie, LESTAMP Equipe associée
de l'Université de
Nantes et Lestamp-Association (juillet 2004)
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
Accueil aux participants au colloque international "Les sociétés
de la mondialisation"
Salut
d’abord à celles et ceux qui sont venus d’Oulan - Bator ou de
Ouagadougou, de Bucarest et d’Agadir, de Lisbonne ou de Londres
voire des Pays-Bas, salut à celui qui est passé par Rancagua
(Chili) pour nous parler d’un anti-avenir possible, salut à
celui qui sera comme ambassadeur d’Istanbul notre autre Rome
plus troublante de son ambiguïté radicale, salut aux francophone
de Genève et d’Oran, à celle dont la voix restera anglaise pour
évoquer les frontières de l’Ulster, aux voix italiennes qui nous
parlerons de la fête et de la céramique en Grande Grèce, à la
voix espagnole venue d’Alicante pour évoquer des villes
mondialisées. Merci à ceux qui vont nous transporter comme en
tapis volant entre le Cameroun les Etats Unis et Calcutta, Sao
Paulo Rome et Bamako, la Bulgarie l’Inde et Dar es Salam, entre
la Silicon Valley et Bangalore et même par Royaume uni qui n’a
rien d’une troisième voie. Bravo à ceux qui évoqueront des
continents et même cet objet si difficile à identifier qu’est
l’Europe, à ceux qui évoqueront le destin mondial de religions
voire des civilisations entières ou continents entiers à ceux
qui s’exposent à penser le monde lui même. Merci d’être là à
ceux qui viennent de cette France braudélienne, une et diversité, entre Paris,
Brest, Toulouse, Montpellier, Aix- Marseille, Limoges ,Bordeaux,
salut à nos voisins d’Angers et de Rennes, de Tours. Merci à la
douzaine du Lestamp dont la plupart ont assuré à la fois
l’intendance la pensée et la voix.
Votre présence impensable il y a seulement six mois nous comble,
fait événement. Le monde est donc pensable ! N’ayons pas peur !
Après le salut comblé, le risque extrême d’inaugurer sans clore,
de constituer sans préjuger. Si une simple formule peut résumer
ce que nous allons tenter de dire en guise d’accueil nous
proposons celle ci qui est, pour nous, mieux qu’un programme, un
espoir.
Communication introductive de Jacky Réault :
Pour un lieu commun des sciences sociales
Libres associés
Le Lestamp est heureux de vous accueillir à Nantes ;
laboratoire d’universitaires patentés mais déjà associés à leur
compte et roulant vers l’indépendance institutionnelle, ouvert,
petite universitas magistrorum discipulorum. En ces temps
de mastérisation niveleuse et semestrialisée où il ne
serait plus question que de réduire la voilure des savoirs et
de s’aligner dans les bornes de l’emploi régionalisé, verrouillé
dans des clientèles, nous n’oublions pas d’où nous venons et ce
que nous voulons transmettre, cet inestimable objet de la
transmission[1] :
des filiations de maîtres et de savoirs, qui capitalisent des
fondamentaux fragiles, suspendus aux mémoires vivantes qui ne
cesseraient jamais de transmettre ; sociologues pour la
raison sociale, à ne pas trop prendre au mot des indurations
institutionnelles, les femmes et les hommes en société, mais
aussi les sociétés elles-mêmes, voire des ensembles plus vastes
encore, sont notre affaire, holistes et
individualistes, inséparablement nous tentons d’être…, mais
avec beaucoup d’autres corporations : les sociétés humaines et
leur devenir sont affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux
sociologues.
Qu’importent les emblèmes spécialisés et par trop séparés où
nous faisons, souvent par hasard, nos carrières dans une clôture
souvent inversement proportionnelle à la production d’idées
neuves. A propos quel était le métier d’Ibn Khaldun[2]
inventeur de l’habitus mais, pour ce qui le
concerne pourfendeur de clans, et dont le programme pourrait
être le nôtre, les villes, les campagnes[3]
les Etats, dans les aires et les cycles mortels
des empires, au contact des deux grandes civilisations de la
Méditerranée d’après l’Hégire ? Mare nostrum encore ? Nos
fondateurs vous ressemblaient. Ils ressemblaient en tout cas à
la totalité hétérogène que vous constituez ; ils étaient aussi
philosophes, juristes historiens-géographes, nourris de
linguistique et de freudisme et plus généralement
d’anthropologie, devenus sociologues comme par surcroît, moment
le plus abstrait et le plus instrumental, le plus instrumenté
aussi ; finalement plus ou moins sociologisés, comme on
dit, nous avons eu la tentation un moment aussi - comment le
nier ? -d’évaluer et moderniser nos semblables
jusqu’à nous apercevoir que nous risquions ainsi de ne plus être
ni savants ni politiques, des idéologues, voire (cette prise de
conscience étant la plus récente quoique irréversible), dans le
pire sens du terme, des mondialisateurs[4] !
Nous n’avons pas assez oublié cette genèse, pour croire qu’on
puisse penser la forme société et surtout les sociétés-pays-réels,
à partir de petits bouts découpés à la hache au sein de
sous-spécialités, qui plus est en problématiques closes, pour
croire que des abstractions sur la société objet construit,
(c’est plus facile que l’opacité irréductible du réel mouvant)
puissent remplacer la quête humble et sans fin de la concrétude
des sociétés existantes, singulières et toutes cependant dans ce
même bateau dont la coque est la cinquième planète.
Héritiers, nous osons l’être, contre les éradicateurs de
culture, nous n’avons pas oublié ceux qui nous ont formé ou
éclairé de leurs œuvres dans tous les horizons du savoir et pas
seulement dans les disciplines estampillées, et nous ne voulons
pas nous séparer de bien d’autres contemporains vivants, tout
aussi divers auxquels nous avons aussi adressé, comme à vous,
notre appel à communiquer, comme on dit ... En
espérant qu’on échangera sur le dos de la même terre, que nous
grattons d’habitude sans trop sans nous voir mutuellement, bien
autre chose que de la communication, cet art du vide et
de l’insignifiance[5]
où nous confinerait la bien-pensance utilitaire et l’interdit
du nécessaire conflit d’idées.
Transformations et Acculturations Populaires...
c’est notre
cible générale, on ne nous suspectera pas trop d’être dans l’air
du temps central de la discipline ; ce qui ne nous rend pas
pour cela, au contraire peut-être, étrangers au Temps du monde[6].
C’est du sein de ce bloc de questions que nous avons profilé
notre appel, parce que, d’où nous parlons, il était devenu
nécessité à la fois intime et publique, de justifier notre
existence et de faire connaître notre expérience. En une phrase
où convergeraient la plupart d’entre nous, la mondialisations ne
pourrait-elle pas, peut-être, se résumer aussi (à supposer,
propos certes bien fou[7],
qu’elle soit achevable), comme un processus et des politiques
tendant à la fin des peuples. Le retour à l’espèce terrestre
unique est également fantasmé par les Castor et Pollux (sur ce
point interchangeables ? ) de l’impasse Adam Smith[8],
les néo-progressistes et les pan-libéraux, également
religionnaires du mouvement du monde quel qu’il soit et où qu’il
aille. N’est-ce pas toujours le one best way, bougiste
dit joliment Taguieff[9] ?
Bougistes d’hier et d’aujourd’hui, négateurs d’histoire,
déconstructeurs de sens et liquidateurs de mémoires, sous
l’emblème de la réforme sans fin[10],
N’a - t -on pas chez tous le module unique des déjà mondialisés,
notamment dans l’archipel des capitales, ou d’une autre
façon des déterritorialisés tant à l’égard des peuples
qu’à l’égard des sens[11] ?
Questions que tout cela ! Rassurez vous, questions seulement !
Questions quand même! Milieux
Que nos débats soient en quelque sorte l’empire du milieu ! Nous
vous accueillons dans un site qu’on appelle opportunément, la
Médiathèque, en une ville que les physiciens du globe,
rejoignant tardivement les géographes, considèrent comme centre
des terres émergées. Cette ville est un courant d’air
culturel, où convergent et cohabitent (abstraction faite du
flux récent de cadres supérieurs parisiens, très branchés
très court-barbus version Canal plus, assez mondialisés, très
lieu unique en un mot), trois provinces entrées en
République au prix historique de quelque guerre civile aux
effets toujours vifs. Où nous porterons nos regards ce soir en
sortant d’ici, c’est un fleuve, un port mort, avec comme horizon
la ligne où tombe chaque jour le soleil. De ce balcon, sur la
lumière qui se noie, l’occidant même, le point
d’observation n’est pas mauvais, sur ce qui veut vivre, et sur
ce qui se laisse mourir, sur ce que l’on occis peut-être, aussi
dans ce monde, que, non sans dérision de quelque dieu, l’on
peut aussi penser, d’ici encore mais en regardant à l’antipode,
dans son recentrage… Pacifique.
Notre laboratoire et c’est le seul sans doute dans sa
discipline, maintient dans son intitulé ce mot modeste de
milieu : le contraire en termes de connaissance de
l’homogène, du réseau[12],
de l’épuration, du champ. Milieu, lieu commun du complexe
et de l’hétérogène ; au point que l’on ose y trouver encore,
avec des géographes, des anthropologues, des historiens et
quelques héritiers de Sigmund l’incorrect, des signes
mêlés à de la nature, des corps sexués, des climats, - au
sens de Montesquieu - , au point que l’on ne s’effraie pas non
plus de l’insertion de machines et de produits, de matières pour
parler cru[13],
de modes de production et d’échange[14]
au sein même de la société comme texte,
selon le maître livre de Pierre Legendre[15] ;
Penser en milieu, suppose pour le moins des signifiants quelques
peu matériels et quelque référents par dessus l’individu du
marché du sociologue et de l’économiste, trop souvent le même ;
cela suppose peut être aussi le retour de sujets debout,
sujet individuel comme sujet collectif, mais toujours sujet
historique, et pas seulement le sujet du droit, ou
plutôt d’un seul droit civil où devrait s’abolir, selon le rêve
actif des institutions centrales de la mondialisation, le
si précieux, précaire et dépecé, droit collectif du travail[16].
A l’instar des géographes autres fidèles, - nous aimons en tout
cas l’espérer - des milieux, nous aimons les contacts et les
zones de contact. Nous nous plaisions à l’avance à vous
imaginer accourus dans ce bon lieu - mauvais lieu du bord de
l’eau, - délicieuse équivoque du vieux langage -, du bord
d’une Loire qui donne à boire à l’océan, où l’on se souvient
pourtant, sur ce fond maritime et mondial, d’un triangle immense
de voiliers sans innocence. Mille sept cent cinquante six
courses de traite entre 1703 et 1831, entre Nantes, l’Afrique et
ce si mal nommé Nouveau monde. Au bord de ce quai de la
Fosse qui fut un centre de cette pré-mondialisation ( ?),
on ne peut cacher, sur ce point, l’eurocentrisme de Marx lui
même : le capitalisme engendra et l’esclavage moderne de ses
marges occidentales comme d’ailleurs le second servage de son
Orient , bien avant le travailleur libre de ses centres
occidentaux.
Le festin de Babel
Dans notre World trade center nous ne vous proposons
cependant, pour ce qui est du commerce et de la spéculation, que
des idées libres, et, grâce aux géographes, - et pour autant que
la technique suive -, des images aussi. Puissent les idéalités
des sociologues économistes et autres souvent trop abstraits
s’en trouver plus incarnés comme le sera par dessus tout çà,
peut-être, en quelque sorte avec le concert des prises de
paroles venant de si nombreux pays du savoir, ce que l’on
pourrait nommer, comme une Ode à la voix[17]
plus profonde et plus intime à la fois que le simple discours !
Les voix c’est une spécialité d’ici, de Joëlle Deniot en
l’occurrence, directrice d’un laboratoire occis, présidente d’un
laboratoire naissant. Tout colloque n’est-il pas un de ces
moment totaux où nos écrits se font corps et âmes (comme en nos
cours certes, espèce menacée), mais c’est le seul où nos pensées
se font face en faisant voix, et où souvent même (inutile de
faire semblant, nombreux parmi nous sont dans cette situation !
) elles se font voix avant d’être (et parfois jamais), écrites.
Aimons, aussi, ce que jamais on n’entendra deux
fois ! Rendons ici à Cesar et pas seulement aux princesses
du lieu, ce qui leur appartient : cet amphithéâtre creuset
ouvert du débat public nantais, (joli cadeau de la Mairie de
Nantes !), qui sera de vos pensées-voix le principal et très
précieux écrin. Bref nous vous invitons à donner de la voix et
pas seulement des discours.
Le programme, déjà diffusé, de nos jours et de nos travaux, cet
inédit radical au regard de chacune de nos disciplines, le
livret-programme, image et texte[18],
artistes et paroliers, (vous mêmes en l’occurrence), que vous
avez trouvé dans votre sac municipal et nantais, vous l’aura
déjà fait ressentir : nous ne vous confinons décidément pas dans
la Galaxie Gutenberg qui reste notre fin et mission propre
d’universitaires et de chercheurs, mais ici enchâssée entre le
film de ce soir, Artisan Pickpocket[19],
(notre beau mais terrible remord à l’égard de la Chine, cet
autre univers qui monte dans le monde qui va), et l’inauguration
plus festive de l’exposition du photographe Robert T0, de
vendredi soir, les sociétés de la mondialisation encore
mais faites images au risque d’un regard singulier. L’ensemble
des personnes et des pensées, l’ensemble de ceux qui vont
s’exposer à penser et, peut-on dire, à imaginer et imager
dans ce colloque, scandé d’images fixées, (tout sauf un art
moyen, triste formule), et animé d’images mouvantes, (le
cinéma ou l’homme imaginaire, joliment dit par Edgar Morin),
tout nous semble dessiner comme une forme expérimentale
totalement contemporaine et totalement enracinée, donc
résolument risquée ; mais du moins, (c’est ce que nous avons
espéré en nous lançant dans cette aventure), le profil que nous
aimerions voir se révéler serait celui d’un espace à la fois
hétérogène et commun, un lieu commun évidemment, de
sciences sociales (et d’art vivant), devenu
nécessaire, urgent même et, osons le dire, libérateur.
Libérateur d’abord pour ceux qui l’ont organisé dans les rets,
disons, d’une certaine situation d’étouffement...institutionnel
et disciplinaire.., dans tous les sens, pas vraiment joyeux, de
ce vocable, à l’instar des ex-bataillons du même nom !
Libérateur aussi, nous l’espérons, pour vous, toutes celles et
tous ceux, (un peu plus nombreux à s’être maintenus que les
premières pourquoi ?) qui n’ont pas craint, dans ce monde de
dédifférenciateurs, selon la si profonde et prophétique analyse
de Georges Devereux[20],
et rêvant de clones, de prendre le risque, devenu presque
incorrect avec l’inter (ou pourquoi pas l’alter) disciplinarité,
de l’altérité des savoirs et plus encore des
questions, voire des langages, sans s’effrayer du destin de
Babel, du destin ou plutôt du festin ? Babel n’est-ce pas, la
patrie des hommes humanisés ce qui n’est pas (ce qui
n’est plus ?) un pléonasme, c’est à dire des humains, ayant
aussi des patries, des cultures, des sociétés des civilisations,
ces médiations en concert inachevable et peut-être menacé, de
l’universel concret ?
Questions toujours que tout cela, bien sûr, ne craignez rien ;
mais questions encore !
Les sociétés de la mondialisation ?
C’est de là, du sein et du goût de cette sociodiversité
que notre appel, Les sociétés de la mondialisation,
prend son origine, Ce chœur des unités sociétales et
civilisationnelles, n’a rien à voir avec la maladie
différentialiste qu’a diagnostiqué Emmanuel Todd[21],
et qui, venue d’Amérique, avait envahi le discours des
classes parlantes françaises lors de l’entrée en
mondialisation, en gros, en France après cette date si
incroyablement connotée à l’avance de 1984. Certes nous
n’oublions pas que cette diversité, est en partie digérée,
distribuée en des lois d’airain (mais l’airain fond aussi
si l’on s’en donne les moyens !) entre centre et périphéries.
On n’échappera moins que jamais au questionnement de cette forme
de valorisation à partir d’un centre de l’inégalité du monde
que formalisa Fernand Braudel. Certes est omniprésente
l’expérience si lourde de la structure totale d'une mutation,(ce)
processus global de transformation[22],
Mais cela
n’épuise pas la sociodiversité humaine pertinente, à l’instar de
l’œuvre des sociétés braudélienne elle - même où
n’a jamais été tentée la synthèse entre l’apport sur les
grandes civilisations et celui sur l’histoire générale du
monde.
Qu’à son exemple notre propos ne s’effraie pas de
balancer sans jamais trancher entre l’un et le multiple, pour
nous orienter dans ce labyrinthe historique où nous sommes.
Comment, comme nous y invitera Guy Bois à la première place qui
lui revenait, pourrions nous relativiser les contradictions
motrices de la mondialisation pensée comme une unité écrasante
réduite à la violente clarification de son épure ? Les libres
échanges contraints, l’obligation de s’ouvrir à ce qui vous
détruit, des exploitations d’échelle inédite, des prédations
terrifiantes d’une planète rare, des injonctions centrales à des
servitudes sournoises ou sanglantes. Comment ne pas penser dans
le même temps de l’immédiate actualité les prodigieuses vagues
de développement de la Chine à l’Inde, les effervescences de
néo-tribus antidestins collectifs festifs et choisis, et
ces serviteurs électroniques de la mise en réseau sans qui ce
colloque n’aurait pu exister. ?
Mais ce n’est pas de ce seul mouvement central ou des mêmes flux
diffus que s’originent les mobilisations publiques ou
privées, collectives ou individuelles dont la mondialisation est
la résultante autant que la cause. L’on postule que c’est avec
cette sociodiversité que doit faire la
mondialisation[23].
Imaginaires comme le sont les mythes pour les
déconstructeurs de tout poil, irrationnelles pour les
tenants des faits sociaux réduits à l’état de choses
sociales à l’instar des marchandises, les identifications
collectives sur des mémoires réelles et reconstruites à la fois
et ceci sans garantie et sans fin, les unités empaysées,
dirais-je, sociétés Etats lignages territoires, transmissions
liant les ressources avec l’émotion et le signe, sont tout
autant les clés historiques des mobilisations qui
affrontent les processus globaux et les politiques qui les
condensent, jusque dans des guerres toujours plus rapprochées.
Guerres mondialistes[24] ?
Comment ne pas questionner comme telle leur effrayante nouveauté
? Qui nous trouvera des mobilisations, des résistances ou des
abandons décidés, voire des ruées modernisatrices et autres
movidas très réactives, sans ce que dénient presque toutes
les sciences sociales, sans les émotions liées à des sens sur le
conservatoire toujours mouvant des peuples ? Questions encore,
en tout cas quelques unes de nos questions, d’ici et maintenant.
N’ayons pas peur !
Nous n’aurons en tout cas pas peur des questions au plus large y
compris l’ultime : qu’est-il de l’humanisation en crise - tant
le disent parmi les plus profonds ! - dans le monde qui va ?
L’horizon d’une société-espèce universalisée pourrait il augurer
autre chose qu’un destin de fourmilière ? Mais nous n’avons pas
non plus pensé qu’il y aurait des plus restreintes questions qui
soient pour cela des moindres. Notre espace-milieu, le programme
en est assez éloquent, n’a ni haut ni bas, (ces
vilaines formules d’une post-sociologie des classes déclinante
ou réchauffée), ni petits ni grands objets, ni autorités
centrales ni chercheurs marginaux. Il n’y a de bornées
que les réponses déjà données dans les questions, une tentation
certes très sociologique encore et très économique aussi,
arguant d’épistémologies de la rupture d’avec le monde
commun. Nous ne sommes pas ici pour rompre, encore moins pour
éduquer…cette autre maladie sénile des sciences sociales,
à très moyenne portée, pour contrôleurs sociaux régionalisés.
Bref, nous n’aurons pas peur…sinon que ferions nous ensemble ?
pas peur des vastes questions transversales. Mais sans jamais
oublier que nous parlons tous et chacun, modestement, de quelque
part et, les uns pour les autres. Toujours d’ailleurs.
N’est-ce pas un préalable absolu - l’ailleurs -
pour qu’ait existé ici, pendant trois jours, au moins, - le
temps d’une passion -, un lieu commun qui ne soit pas un lieu
unique, pour que l’effort d’un langage ordinaire[25]
fasse reculer nos jargons, nous permettant de nous entendre
entre nous et d’être entendus dans un monde commun ? pourquoi
pas d’ailleurs, dans un common sense [26]
- phobie des idéologues - qui ne refuse pas aux expériences
humaines pratiques ou réflexives, la dignité de savoirs
échangeables ? voire dans cette common decency, à valeur
anthropologique que Georges Orwell considérait comme la
revendication principale des peuples quand d’autres prétendent à
leur place et, voire contre eux, traiter désormais en nouveaux
oligarques, du bien et du mal, de la négation des sexes, des
âges, des filiations même, de la vie et de la mort, de leurs
territoire à dépayser et de leur mise en réseau ... dans le
champ ou plutôt le néant humain d’une post-humanité réduite
au marché mondial.
Aurions-nous une conception passéiste du populaire ou par
trop enracinée dans le printemps 89 ? En tout cas le lien
central de la mondialisation et du devenir des peuples, la
question de la voix des peuples est au centre de notre
heuristique du moment actuel.
Peut-être ne le répéterez-vous pas !
Aventure
Ce colloque se présente comme la résultante indéductible d’un
appel indiscipliné aux travailleurs libres de toutes les
disciplines des sciences sociales, civilisationnistes,
linguistes, psychosociologues, anthropologues, historiens venus
trop rares hélas, et beaucoup heureusement de géographes et même
oserais -je dire des sans étiquettes (en tout cas n’avons
nous pas su, et eux peut-être non pas pu, s’étiqueter ... et
sociologues enfin, d’appellations contrôlées et non contrôlées.
Tout colloque certes est une aventure. Entreprise ne
serait pas mal non plus mais, (comme l’avait noté un, devenu
très lointain fondateur), elle peut requérir des entrepris
vilain mot !). Aventure donc, au bord de la Fosse le mot
résonne et raisonne encore assez bien ; encore les aventures
colloquantes sont-elles en général pondérées par un double
volant de sécurité : la solidarité d’un réseau ou sous - réseau
disciplinaire déjà éprouvé dans quelque expérience antérieure
homologue, la mobilisation d’un tissu d’universitaires et de
doctorants au sein d’institutions universitaires globalement
coopérantes ou, au pire, positivement indifférentes. De tout
cela nous n’avons eu, à l’instar de ce bas clergé de 1789 qui
finit par rejoindre le tiers-état, que la portion congrue.
Ce qu’il est convenable de faire savoir ici c’est que cette
mobilisation et ce vivant tissus de jeunes gens, de maîtres plus
ou moins blanchis et d’une directrice qu’on afficha ici sur les
murs pour mauvaises lectures, sont bien là, au centre de tout
cela ; mais pour le reste, tout se déroulera sans notables, si
paradoxal que cela puisse paraître à l’épicentre de ces sociétés
d’Ouest qui les engendre à profusion, hier et aujourd’hui dans
l’aire et la nouvelle ère des reféodalisations,
(Legendre encore au risque de Guy Bois en passant par André
Siegfried[27]).
Tout se passera sans filets, sans réseaux, sans rets donc...,
de ceux qui emprisonnent l’oiseau.
Aventure encore faire ce genre de colloque dans ce moment
actuel
celui d’une guerre atroce et, (première dans l’histoire
contemporaine ?) sans un journalise libre. Moment de la crise
qui vient de s’ouvrir, le savez-vous, en octobre à Londres[28],
(où la City se souvient d’avoir été près de ceux siècles centre
d’économie monde), crise entre les gentils altermondialistes et
l’antimondialisme réel pour le moins plus rugueux, le plus
conséquent porté par des soldats et des croyances et des formes
de guerre inintégrables dans un Dysneyland médiatisé.
Oserons-nous, avons-nous les biscuits, (invention nantaise au
demeurant que ces deux fois cuits, pour faire bonne
mesure) pour le faire ? Oserons-nous affronter tout cela, ce
défi à la connaissance et à l’action concernant désormais,
quoique à jamais inégalement[29],
la totalité des hommes d’une planète, d’évidence sans précédent
historique et sans pôle antisystémique garde-fou de l’entropie
de l’unique ?
Penser la mondialisation des guerres mondiales ? Faux
paradoxe Vraie question ! Nous n’en parlerons sans doute pas ou
peu par modestie crainte ou tremblement, mais l’historien, que
je ne peux cesser d’être sans cesser d’être, ne pouvait conclure
sans cette inconfortable évocation que ne résoudra d’évidence
pas l’invocation des pensées de camps-clés-en-main de la
simplification binaire : Laïcité Droit de l’homme et
Démocratie importée éclairant le monde d’un côté,
Islamisme radical ou tout autre construction qui pense
possible à l’instar des tomates hollandaises des religions
agissant sans sols, de l’autre ! De cela nous forcément nous
reparlerons cependant.
Pour conclure sur ce que nous avons voulu faire, (mais c’est
vous qui ferez), deux vœux peut-être pour résumer :
Ici donc, priorité d’abord donnée au Monde réel qui va …
sur les pensées a priori élaborées, socialisées
contrôlées dans les réseaux de conquête des places et pouvoirs
disciplinaires. Priorité donnée au monde qui va ou ne va pas,
c’est selon ! Priorité aux mondes petits et grand.:
Ici donc, plutôt que le thème devenu un peu litanie du local
et du global, et d’abord, ne l’oublions pas slogan d’une
multinationale[30],
on suggère l’heuristique, plus proche d’une anthropologie
fondamentale du macrocosme et du microcosme ,
pondérée par une monadologie ; l’inventaire des
composantes du tout est présent partout, mais pas sa
structure[31].
Le colloque se clora, non sans quelque clin d’œil, sur notre -
so small world - la sociologie d’avant le lieu commun ou
peut-être en un autre sens des lieux communs – mondialisés ?-
de la sociologie !
Deuxième vœu, la revendication quasi militante - pourquoi pas ?-
(au sein de sciences sociales tentées par le sociologisme
abstrait), l’obsession, d’historien d’ethnographe, de géographe,
de la prise en compte des singularités, des Unités concrètes,
(ce qui ne veut pas dire seulement les petites, le Monde en est
une), des totalités vivantes de tout ce qui est supposé ne pas
survivre à une mondialisation pensée comme déréliction comme
individuation absolue.
N’y aurait il de science que du général, qu’il faudrait
encore plus se méfier, non de la science, mais de ceux qui
l’invoquent tant pour conjurer le réel. On se plait à reprendre
à Guy Bois, la thèse de la singularité radicale de la
mondialisation[32]
qui se noue, il y a trente ans, mais elle n’est, comme le reste,
acceptable que réfutable ; si d’autres recherchent,
presque avec émotions, leurs première mondialisation[33],
de gauche si possible, comme d’autres leurs premiers
sous-vêtements Petit-bateau, ils ont bien le droit de le dire
aussi et je mérite un gage pour sembler me moquer d’eux qui
furent invités à l’instar du monde entier.
Mais quitte à réintroduire avec notre inassouvissable faim
d’histoire, la singularité irréductible d’un moment actuel
contre l’aplatissement anachronique ou anhistorique voire le
délire millénariste d’une fin de l’histoire, pourquoi ne
pas pousser plus loin le rééquilibrage des sciences sociales, en
quête d’un nouveau lieu (qui soit) commun aux
spécialisations disciplinaires et réintroduisant le singulier
des transmissions donc des signifiances donc des mobilisations,
donc des unités de permanence et de liaison humanisante entre
des territoires valorisables des hommes, des symboles et des
affects, dans une inachevable et précaire universalisation.
Jacky REAULT
LESTAMP -
Université de Nantes
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
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Définition de la mondialisation*, The globalization, a definition, Sociologie de la mondialisation Sociology of the Globalization Altermondialism Antimondialism Contemporary Slavery
* in fine, Appel à communiquer du colloque international, Les sociétés de la mondialisation. Nantes Décembre 2004
Entre altermondialisme et antimondialisme
La question d'une servitude
A propos du livre de Guy Bois,
Une nouvelle servitude, essai sur la mondialisation
Jacky REAULT
Automne 2003, publication 2004, réédition 2011
(Réédition d'avril 2011, J R Se réserve de livrer éventuellement les ajustements référentiels nécessaires, indiqués en bleu, de même que d'éventuels compléments évolutifs datés au texte qui concerne l'immense crise de la mondialisation que nous vivons (ou mourrons), c'est selon encore... , avril 2011)
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Droits de reproduction et de diffusion réservés © LESTAMP
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France N°20050127-4889 |
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Jacky REAULT
Initiateur et organisateur du colloque international Les sociétés de la mondialisation nommé par le Conseil scientifique de l'Université de Nantes LESTAMP ea Université de Nantes
Ancien directeur du GIRI-CNRS, Co-fondateur du Lersco et des Lestamp. Maître de conférence à l'UFR de sociologie, Agrégé d'histoire
- Article préparatoire à l'appel à communiquer. (réédition)
- Communication inaugurale (réédition),
* au cœur de son hystérisation ( Janvier 2003) à Nantes Centre du monde ? Sur Nantes cliquer sur articles JackyRéault in www.lestamp.com |
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(Réédition)
Jacky REAULT
Entre l'altermondialisme et l'anti-mondialisme, la question d'une servitude A propos du livre de Guy BOIS Une nouvelle servitude, essai sur la mondialisation
Paru In Y. Guichard, C. Papinot (ed.). De Bretagne et d’ailleurs, Mélanges en hommage à Anne Guillou . Université de Bretagne occidentale Brest. Mai 2004 |
A Anne Guillou ce texte de liberté en hommage au vent nouveau et bienvenu qu’elle apporta dans notre groupe d’abord si masculin si métropolitain et peut-être en manque d’incertitude.
Entre l'altermondialisme et l'anti-mondialisme,
la question d'une servitude
(écrit en 2003 publié en juin 2004 par l' Université de Bretagne occidentale)
A propos du livre de Guy Bois Une nouvelle servitude, essai sur la mondialisation.
Ce dernier si bel ou si cruel été*, c’est selon, a rassemblé sous le regard ravi voire inducteur des média centraux de vastes concentrations de la classe parlante, des nébuleuses post-militantes et des familles de classes moyennes urbaines en vacances, toutes en quête de mythologies perdues après vingt ans de consensus euro-libéral fécond en déréliction. Après quelques guerres impériales aussi, et de plus en plus rapprochées ! On y a rejoué la grande fête du Larzac qui avait été elle même déjà un grand jeu de la post-soixante-huitarderie encore présentable quoique déjà nostalgique, mais cette fois-ci sous la bannière édulcorée, un peu confuse, mais pas antipathique d’une re-nommée alter-mondialisation. L’anti ferait il trop vulgaire ? On y fut semble t il, très enclin à l’attaque verbale de ce machin ambivalent qu’est le plus (relativement) démocratique des appareils centraux, l’OMC. On fut moins prolixe sur la résistance concrète à la proche menace d’une désindustrialisation de la France ou pour ceux qui croient qu’elle existe, de l’Europe. On pense d’abord, après l’abandon de Péchiney, à la mise à l’encan déjà programmée du groupe Alstom sous le chantage du credit crunching des banques, des désirs du marché et surtout des injonctions aussi opaques qu’idéologiques des gardiens européens de la concurrence. Alstom ce n’est jamais qu’une vilaine multinationale à base (provisoirement) française, premier exporteurs français d’équipements industriels, fabriquant de navires, de TGV, de tramways et d’autres babioles si secondaires au maintien d’une maîtrise démocratique sur l’emploi et le développement. Alstom ce sont, vus d’ici, les Chantiers de l’Atlantique, un établissement-monde auteur des plus beaux paquebots jamais construits à l’exception du Titanic. C’est la forme d’une ville Saint-Nazaire. C’est une modalité ultime vivante et non survivante ni souffrante et misérable de classe ouvrière historiquement définie. Tout se passe dans un pays et sur un continent si vieux ! Ne se sont ils pas voués eux-mêmes, il y a dix ans aux charmes déflationnistes d’une monnaie unique et forte, verrou d’économies stationnaires dans des sociétés rentières, assistées, dépressives, mais tellement « libérales » ?
* 2003 note de l'éditeur année de la dite canicule de l'hécarombe de vieillards et grande année des Bordeaux.
ll nous a semblé bienvenu, avec, on l’imagine, quelque grain de sel, de rendre compte d’un dense petit livre aux tranchants nets d’une épée sans morfil, Une nouvelle servitude, essai sur la mondialisation. Il arrive juste à point pour honorer une universitaire française qui n’hésita pas à affronter l’inconfort des périphéries internes et externes de l’économie-monde des années 70 - 80. Anne Guillou, l’africaine puis la bretonne, devint notre collègue nantaise du temps du LERSCO de Michel Verret. Elle inaugura un enseignement de sociologie du développement qui dure encore malgré les menaces qui pesèrent et pèsent peut-être encore sur lui et sur beaucoup d’autres à l’orée de l’année 2003-2004 sur fond de standardisation nivelante des formations intellectuelles dans l’Europe telle qu’elle se fait ou se défait si on se réfère à ce que les héritiers de l’internationalisme universitaire en ont rêvé.
Transitions du 14° et du 21 siècle : d’une crise systémique à l’autre
Une nouvelle servitude, le titre de Guy Bois n’y va pas par quatre chemins. La mondialisation concerne bien les structures intimes des sociétés, des peuples et de la vie des hommes vivants et non quelque instance économique ou quelque utopie de l’humanité arrivée à sa propre fin. Essai sur la mondialisation se glisse, presque modeste, derrière cette proclamation en forme de thèse étayée par la défense et illustration du seul vocable adapté au concept que construit l’auteur en savant et en politique : mondialisation, donc anti-mondialisation et plutôt qu’alter-mondialisation. Ce n’est pourtant pas un pamphlet militant mais l’œuvre mûrie d’un universitaire résistant choisissant de s’adresser à tous dans une langue simple. Auteur de La mutation de l'An mil et de La grande dépression médiévale. XIV° et XV° siècles, le précédent d'une crise systémique, Guy Bois est, avec Immanuel Wallerstein, un des derniers grands historiens d'éminence mondiale qui se rattachent à la fois à l'héritage scientifique de l'Ecole des Annales de Fernand Braudel et à ce qui reste vivant d’une critique du monde inspirée de Marx. S’il entend y construire une intelligibilité de la forme inédite de la crise désormais inséparable du monde, des différentes sociétés et du capitalisme, il n’hésite pas à concentrer au passage son propos sur deux phénomènes de statut sociétal plus restreint mais révélateur des métamorphoses de la société française. Le premier est cette mobilisation qui avait signifié la modalité la plus originale du retour d’une résistance intellectuelle après le sursaut national et social de décembre 1995, la Fondation du 2 Mars ex- Marc Bloch, dont il avait été co-fondateur. Le second étant à la fois la campagne présidentielles française et l’étonnante socio-tragicomédie qui la couronna à la suite du vote ( et de l’abstention) populaire du 21 avril 2002.
Dans ces deux expériences sans débouchés clairs ni critiques véritablement aboutis a régné, pour Guy Bois, la même incapacité à prendre en compte suffisamment l’état actuel de ce que Braudel désignait avec élégance comme le temps du monde. Ce temps concret actuel combine trois temporalités dans la crise des sociétés qui les entremêlent, chacune dans son prisme singulier. Pour Guy Bois ils sont les rythmes des trois processus qui résument la mondialisation, processus économique, processus stratégique, processus politique. Sans ces trois fils d’Ariane du temps de ce monde d’incertitude et de complexité, il est vain de prétendre à l’intelligibilité des mouvements internes et du maintien d’une liberté externe de ces sociétés, asservies certes, mais inégalement et sans fatalité, aux différentes modalités de mise en réseau, technique, financière sociale, que ces trois temps-procès conjuguent aux dépens de ces sociétés mêmes.
- Le temps des pulsations cycliques du développement - prédation capitaliste et peut-être désormais (après l’éclatement de la bulle boursière de mars 2000), celui du blocage de la croissance mondiale des économies financiarisées, temps du processus économique
- Les temps, de la nouvelle domination en réseau d’un monde hiérarchisé par les appareils centraux temps du processus stratégique pour G Bois ; nous ajouterions qu’il est degré d’intégration de ce qui reste l’autonomie relative des crises multiformes du rapport du des différentes sociétés, centrales ou périphériques au capitalisme et au Centre.
- Le temps politique qui se présente à la fois comme processus et, ajouterions nous, comme pratique donc comme champ ouvert à des mobilisations indéductibles d’une histoire inachevable. Ce temps d’abord central et impérial (américain) s’entrecroise au temps stratégique du monde en réseau (plus ou moins) soumis aux appareils centraux ou régionaux (FMI, OCDE, Commission européenne plus que l’OMC et l’ONU) qui le relaient. Il est scandé en ondes de plus en plus serrées par des guerres d’ingérence et, partout par les limitations ou disqualifications de la souveraineté des peuples et de l’indépendance corollaire des nations dans une histoire qui semblerait, comme au bon temps du matérialisme historique devenu prophétique, n’avoir qu’une seul sens, encore plus tyrannique et aproblématique que le précédent. Pour Guy Bois, l’achoppement quasi universel des personnels et des institutions politiques, qui apparaissent toujours plus réduites aux comédies de l’impuissance phraseuse, s’ancre dans leur aveuglement et leur pusillanimité à l’égard de cette détermination globale autant que dans leur asservissement à la chanson politique préférée du mondialisme de la résignation : la fin fatale et conjuguée des nations souveraines maîtresses de leur destin, la fin des solidarités de classe au sein des nations et entre nations. C’est une affaire de connaissance et pas seulement de processus ou de volonté ; d’où la centralité qu’il donne dans l’analyse à la crise de la production des connaissances et au recul scientifique des sciences sociales, comme de l’économie fondamentale. Il trouve dans la situation actuelle une homologie avec la régression intellectuelle abordée dans La Grande dépression à propos de la crise du XIVéme siècle. Sa critique lie la question du savoir à celle de la démocratie. Elle s’y applique dans toutes les instances de pouvoir, (appareils politiciens, appareils d’Etat, appareils médiatiques, réseaux clientélistes universitaires verrouillant sur des pensées closes les commissions de spécialistes). Partout des oligarchies professionnelles groupées en cliques faussement concurrentes (et dont le credo est ce thème si bienvenu avec la naïveté de ses partisans, du primat des minorités sur les majorités), s’adjugent un pouvoir aussi partiel et borné que consensuel, unique, séparé à la fois des multitudes populaires et des profondeurs des réalités sociales, repoussant les contradictions dans le pathologique individuel ou sociétal. Ainsi s’approfondit toujours plus, pour les maîtres du monde eux-mêmes, l’occultation des mouvements propres du capitalisme. La non conscience croissante comme nouveau sens de l’histoire ? Un des constats les plus paradoxaux auxquels s’attèle ce livre souligne que les économies (les structures économiques réelles), objet omniprésent de la scène médiatique dans l’évidence et la transparence d’un discours quasi unique, sont largement inconnues dans l’opacité de leurs mouvements profonds et d’abord ceux que seul l’historien peut repérer, celui des temps longs des modes de production. De nouveau Braudel et Marx !
Mondialisation : Un processus global de transformation des sociétés
L’essai de Guy Bois est inséparablement politique et historique, double indexation requise pour penser la spécificité de la crise sans se résigner à sa fatalité. Pour lui, la mondialisation ne se réduit pas à un avatar des planétarisations relatives antérieures du capitalisme et notamment pas à celle qui se bute sur l’année 1914. Elle doit être appréhendée comme un phénomène radicalement inédit donc singulier. Sur ce point, d’évidence réactif à l’égard d’une certaine historiographie qu’il critique, la position de Guy Bois nous semblerait à la fois nécessaire et peut-être trop entière s’il s’agissait d’en tirer argument pour clore tout comparatisme historique. Ce comparatisme, c’est dans le champ des crises systémiques antérieures, où il excelle, par toute son oeuvre scientifique propre, qu’il le réintroduit.
Penser la mondialisation ainsi affirmée, c’est questionner l’intégralité de la vie sociale, économique, politique, intellectuelle, culturelle… du point de vue de cette détermination générale et transversale, le fait historique singulier actuel de la mondialisation : transformation globale, cohérente et accélérée du monde contemporain, engagée depuis le début des années 1980, comme réponse à la crise inaugurée en 1973-74. Elle est la structure totale d'une mutation, un processus global de transformation des sociétés mais, ajouterions nous, ce processus n’inclut-il pas dans sa résultante, la variation qu’il n’est pas seul à déterminer, de la résistance ou de la soumission des sociétés (notre deuxième temporalité). Cette question reste pour nous problématique. Elle a toujours représenté l’angle mort des théories de l’histoire et notamment du matérialisme historique. L’effectivité ou l’absence de résistances, celles des personnes comme celles des classes et des nations, ne saurait se déduire des seuls processus ni de la conscience claire des contradictions.
Isolément, les constats qu’il avance ont souvent été faits, (à l’exception très notable de l’insistance sur la régression intellectuelle), c’est la présentation systématique de leur organicité et leur imputation, comme autant d’effets et de symptômes, à une dynamique globale qui constitue l’originalité : partout, quoique inégalement (comme sont inégales les résistances et les mémoires, la révolution technologique est supposée donner la voie unique interdisant toute vision plurielle d’avenir des sociétés. La démocratie invoquée comme un fétiche universalisable par la force est désubstantialisée, réduite à la phrase de droits de l’homme, relookés en droits humains de l’individu marchand, hédoniste, sans appartenance. Les acquis civilisationnels inversés idéellement dans le libéral libertarisme, ce nihilisme de notre temps, sont la cible du bougisme répétitif et niais des modernisateurs de tous bords. Des systèmes de retraites à la précarisation des établissements productifs, des emplois, des savoirs transmis mais aussi des Etats et des cultures, sont invoqués les mêmes discours disqualifiant deux siècles de mobilisations pour des garanties nationales de la promotion collective, de l’accès universel au savoir et à la culture, du progrès social. Partout ce dernier est présenté par les petits-maîtres des pouvoirs devenus croupions de la politique et des media financiarisés, relais bornés et mimétiques des processus et échos des maîtres centraux, comme archaïsme. Partout est activement organisée l’ablation des mémoires, l’aversion des héritages culturels dans la montée de l’insignifiance (C. Castoriadis).
Si l’exposé décrit la structure et la crise de la totalité des espaces-temps du capital, ce n’est pas pour enfermer le propos dans l'abstraction économiste. Il s’agirait aussi de saisir la singularité complexe des différentes sociétés reliées contradictoirement au processus global pour que l'action politique redevienne aussi l’analyse concrète d’une situation concrète, ici et maintenant, même si, dans ce livre c’est essentiellement l’exemple français, et comme centre impérial, les Etats-Unis qui fournissent l’essentiel des faits invoqués. Il reste donc après sa lecture, de multiples places pour poursuivre la nécessaire analyse de la réactivité des sociétés et des Etats, pour autant qu’elles trouvent en elles mêmes les forces pour résister, ou qu’elles les trouvent au sein de solidarités sur les fondamentaux des modalités de l’humanisation que condensent les grandes civilisations, cet objet braudélien fondamental que Guy Bois n’évoque pas dans ce livre, alors que l’on ne peut, nous semble-t-il, esquiver la question de leur inégale capacité de résistance au processus mondial actuel.
Là, déjà exprimé de façon feutrée, git sans doute encore notre principal désaccord avec Guy Bois, ou en tout cas notre interrogation : ce que nous dit la dualité braudélienne toujours réaffirmée entre le capitalisme et les volants de stabilité civilisationnels et sociétaux toujours singuliers, voire singularisés, voire quasi-personnes, - sujets de l’histoire, redisons nous depuis 2010 à l’Eté du Lestamp, dont les ressources mobilisatrices de temps long (ainsi La rébellion française de Jean Nicolas), représentent une négentropie historique incertaine mais ouverte, tant qu’on restera dans l’histoire humaine. (jr 2011)
Une dépression de longue durée sans précédent dans l’histoire du capitalisme
La mondialisation ne se réduit d’évidence pour lui pas à l'économie, mais elle se présente cependant d’abord comme moment actuel du capitalisme, donc du rapport différencié du capitalisme historique, aux sociétés. Les économistes se sont jusque là rassurés en affirmant qu’ils étaient cycliques, impliquant l’éternel retour de la croissance; mais jusqu’à quand, rétorque l’historien qui connaît d’autres blocages délétères à la fin de l’Empire romain et au XIVème siècle. Est-on dans l’un de ces moments et quelle serait l’alternative si la bulle de la mondialisation éclatait, si le capitalisme mondialisé s’avérait incapable, à force de prédation de ses garde-fous systémiques habituels, (Etats, sociétés normatives, classes organisées), de maîtriser ses tendances auto destructrices ? La financiarisation de l’activité économique mise en réseaux transnationaux dans l’immédiateté déraisonnée du temps réel des communications, l’asservissement induit des producteurs et des territoires, la déflation rampante, la dépression où elle entraîne les économies, les salariats et les dé-salarisés etc... sont analysés comme faits historiques, donc à la fois nécessaires et non inéluctables dans leur devenir ouvert à la politique ; pourtant la conjonction durable de ces processus rend la crise latente toujours plus difficile à maîtriser. La mondialisation touchée au cœur non par le 11 septembre, mais par l'affaire Enron, - grotesque effondrement du modèle économique de l'Etat américain : la matérialité de l'énergie gérable dans le seul court terme boursier la fétichisant comme un vulgaire « service » immatériel-, se présente déjà économiquement comme une spirale d'échec qui ouvre en ce moment la perspective possible de cette crise inédite : L’économie internationale est au bord d’une dépression de longue durée sans précédent dans l’histoire du capitalisme,
La Mondialisation-Empire ou la marche à la guerre ?
L'Empire central qui fait corps avec la mondialisation, c’est explicitement pour Guy Bois, la domination des Etats Unis, au cœur du processus stratégique de mise en réseau asservi de monde sous les appareils centraux comme du processus politique : un pouvoir tendanciellement unipolaire qui cumule tous les moyens d'un Etat voyou (E Todd), faux monnayeur, chantre et diffuseur de la mercantilisation générale de la vie, briseur de droit, quasi monopoliste de la communication-monde... Par ce canal, la mondialisation s'approfondit dans tous les interstices des pratiques humaines, dans l'intimité interpersonnelle comme elle le fait par les structures financières et politiques centrales à l'échelle géopolitique des continents. La mondialisation, de ce point de vue, Etats-unienne, continue d’écarter toujours plus les périphéries et le centre, par la dette, par la violence interdisant la protection d’un marché intérieur condition nécessaire à tout décollage, par l’organicité induite du sous-développement périphérique découlant du développement central (Y Lacoste). A ceci près cependant que l’économie centrale est désormais sur une pente de décroissance relative, et ceci malgré la multiplicité de ses ponctions impériales sur le reste du monde, par la planche à billets du dollar, par la captation des cerveaux, par la vulgaire loi impérialiste du plus fort que manifeste l’usage récent de la guerre sur les sites pétroliers puis sur tout le territoire irakien. Signe patent de la nouvelle singularité de la crise en cours, Guy Bois croise ici les analyses d’Immanuel Wallerstein réactualisées avec brio par Emmanuel Todd. Là s’inscrit le plus extrême et le plus redoutable des manifestations de la mondialisation américaine, qui est devenue expérience universelle sans illusion possible par la leçon de chose introduite par la première Guerre du Golfe et par les suivantes effectives et à venir. Elle se présente comme guerre, dans des rythmes toujours plus rapprochés et avec une intensité toujours plus brutale entre 1991 et 2003. Elle est désormais, écrit Guy Bois, une marche à la guerre. Cette guerre reste toujours l’affaire d’un Etat, l’Etat central d’un monde qui se résignerait à l’unipolarité. L’empire, c’est la guerre, c’est à dire l’inverse réel et toujours plus réalisé de l’utopie libérale de la paix par le libre échange. Cette si vieillotte référence est dérisoirement toujours invoquée pourtant (notamment pour construire l’Europe des marchands) pour saisir la nouveauté radicale du moment, la destruction imposée de toutes les barrières protectrices de la reproduction nécessaire des sociétés... sauf de la société centrale, croit-elle.
Peuples et oligarchies : Un nouvel asservissement ?
Ni la mondialisation comme processus, ni la domination américaine, (deux termes dont il faudrait peut-être plus explicitement approfondir les rapports non exempts de contradictions), ne sont pensables sans des relais dans les sociétés et dans ce qui perdure d’Etats. Ces relais se présentent désormais généralement comme les élites, telles qu’elles s’auto-proclament pour justifier solidairement, - quelle que soit la couleur de leurs maillots d’animateurs politiques -, leur légitimité de simples fondés de pouvoir du centre. On préfère dire les oligarchies désolidarisées de leurs peuples. Là se place un des thèmes qu’a notamment contribué à élaborer le travail critique de la fin des années 90, et pas seulement au sein de la Fondation du 2 Mars ou la plume d’Emmanuel Todd, celui de la généralisation de pouvoirs intermédiaires oligarchiques, oligarchies d’experts, oligarchies des rédactions médiatiques, oligarchies évidemment des hyperbourgeoisies, entourant par des modes de vie visibilisés et mis en spectacle, les fonctions et les personnes des maîtres financiers. La mondialisation est toujours relayée, redoublée, infléchie ou freinée par des forces sociales et des appareils politiques, elle est donc bien toujours politique, à condition d’inclure dans ce politique aussi les résistances qu’elle rencontre que les serviteurs préposés à la soumission des rétifs. Très précisément, c’est, avec l’indexation de la mondialisation à la guerre le mot le plus fort et le plus irrécupérable du livre ; elle se présente, pour Guy Bois, comme un nouvel asservissement des Etats comme des personnes, dans tous les domaines de la mise en réseaux, des productions industrielles agricoles etc., mais aussi des activités intellectuelles, culturelles, artistiques, pour autant que leur mercantilisation et leur séparation oligarchique achevées à l’égard des cultures et des peuples réels permettent encore de leur attribuer encore ces noms empruntés au cours antérieur des civilisations.
Pour la France, depuis le moment charnière de 1984, cette conjoncture s’est traduite principalement dans la fuite en avant européiste, au sein d’un appareil trans-Etats briseur d’Etat, d’agricultures, d’économies différenciées, d’autonomies populaires empaysées, machine à disloquer, déréguler, privatiser, régionaliser, communautariser et surtout à brider la croissance asservie à un monétarisme borné : le mark, le franc puis l’euro, forts. La conjuration des media centraux écrits et audio-visuels pour interdire toute ouverture historique qui ne soit un destin de fusion dans un grand tout opaque et sans volonté propre, horizon de la pensée unique fonctionne comme pouvoir spécifique qu’on ne peut affronter qu’au risque de sa survie sociale.
On est loin dans ce livre de mièvreries consensuelles sur les travers, amendables par des régulations, d’une évolution économique qui serait de toute façon inéluctable, ou finalement bienfaisante. On ne risque pas, à le suivre, de prendre au sérieux cette récupération acceptable du processus qui tente tant l’écologisme, dans une supposée, et supposée vertueuse, complémentarité du global et du local qui n’est jamais que la maxime des grandes multinationales. Guy Bois est historien, non dans la régression de l'atomisation pointilliste d'une discipline historique qui s’est, selon lui, très majoritairement auto-dissoute dans le sociologisme et le subjectivisme, mais dans la définition braudélienne d'une science historique comme histoire sociale, au sens par trop enterré d’histoire générale du monde, de ses Economies certes mais aussi, préciserions nous, inséparablement de ses Sociétés et de ses Civilisations : ESC, c'était le sigle et la devise des Annales avant leur affadissement dans l’agrégat actuel des sciences sociales. C’est peut-être sur la prise en compte des civilisations dans l’analyse que nous restons, nous l’avons déjà dit, un peu, dans ce livre, sur notre faim. Les modalités de résistance à la mondialisation, leur intensité, leur négociabilité ne passent-elles pas aussi par des fondamentaux civilisationnels inscrits aussi dans l’espace et qui ne se résolvent pas dans la seule mondialisation du capital ou dans les résistances s’exprimant en clairs intérêts de classe ?
Entre novlangue et débandade de la raison ?
Le titre disait assez qu'il ne s'agissait pas seulement de penser pour penser la mutation inédite que subissent les sociétés, il ne s'agit pas non plus de laisser croire qu'on puisse l'infléchir en suivant ceux qui feignent de la combattre dans la soumission commune à l'essentiel de la domination mondiale. Dans le champ politique comme dans celui de la culture et du savoir, les compères de la pensée unique mondialiste s’enveloppent toujours plus de mots morts qui ne désignent plus rien d'opérant sur le réel et contribuent à l'inverser et l'occulter pour se servir des pensées comme d’un moyen de domination et de verrouillage de toute alternative. C'est d’ailleurs la définition même, en tout cas althussérienne, de l'idéologie et c’est une question plus vitale que jamais quand elle est mondialisée. Rien de plus fallacieux que l’idée d’une fin des idéologies, qui nous ferait revenir dans un quelconque ordre naturel de la main invisible du marché ou de l’organicité d’une humanité réduite à l’espèce dans une mondialisation achevable. La mondialisation à son (ses?) idéologie(s) ; elles prospèrent sur la crise des institutions spécialisées dans la transmission et la production du savoir. C’est pour Guy Bois l’enjeu actuel le plus important, car c’est dans les mondes intellectuels et d’abord celui des sciences sociales, que la régression est la plus forte. Comme au 14° siècle la débandade de la raison –– il emprunte cette expression à un autre historien, Jean Delumeau -, accompagne et renforce la crise.
En tout cas Guy Bois ne recule pas devant l’explicitation politique de sa critique du politique ici et maintenant. Une postface consacrée à la dérisoire affaire médiatique des Nouveaux réactionnaires, redouble encore le propos comme s’il craignait d’être resté insuffisant. Tout le chapitre II pourtant (La mondialisation et le rapport Gauche/Droite), se donne pour tâche de décoder et déblayer les verbalisations politiciennes qui obscurcissent les enjeux essentiels. L’historien qu’est Guy Bois excelle dans la démonstration du dévoiement le plus significatif de ces discours, l’anachronisme. Les notions et les slogans qui prétendent se présenter comme critiques radicales, alors qu’elles ne sont souvent qu’hystérisées, en se coulant dans une tradition fossilisée de la gauche d’avant 1984, plaquent des contenus confus spectaculaires mais toujours empruntés à des situations historiques antérieures instrumentalisables par leur charge affective, pour masquer l’obsolescence de la polarisation droite/gauche devenue insignifiante face à la mondialisation - Mots de vitupération proclamatoire contre un trop vague libéralisme, faux adversaire principal, entité molle autant qu’abstraite même regonflé par un ultra - Mots moralisateurs et terroristes de la bien-pensance du haut des classes d’experts ou de médiateurs mondialisés disqualifiant tout ce qui est populaire comme indigne. Penser, c'est ré-interroger sous le prisme de la mondialisation le lexique entier d'une militance politicienne close dans l’autoréférence et le contrôle social mutuel, l’autre forme complémentaire de l'Empire du bien se drapant dans de grands mots neutralisés : Anti-fascisme de parade, Anti-racisme d'exclusion, Militantisme d’accusation, Devoir de mémoire de la réécriture d'une histoire nationale totalement négative, mythe inversé et tueur de temps des démystificateurs patentés. L’essentiel est toujours de cibler un faux adversaire, et faire d’une pierre deux coup si cet adversaire c’est soi-même que l’on invalide comme résistant possible. Ne s’agit-il pas toujours d’abolir le peuple, dans sa trilogie concrète, le peuple souverain, les classes populaires, les classes travailleuses, confiné s’il résiste, entre le mythe (éradiqué par les modernisateurs) et la déshumanité, qualité spécifique de toutes ses expressions propres vues du haut des oligarchies mondialisées. Ainsi a semblé se réaliser surtout en France entre 1984 et 1995, cet idéal rêvé des candidats oligarques de l’Après Révolution Française, sur lequel ironisait Pierre Bourdieu (oubliant heureusement pour cette fois de démystifier) : non seulement une bourgeoisie sans prolétariat mais une démocratie sans peuple. L’Europe telle qu’elle se fait y pourvoit pour Guy Bois, chaque jour davantage. A l’image du Cesar conquérant la Gaule vu par Brecht, elle a dans chaque société pour ce faire, au moins un cuisinier. N’aurait - on identifié avec lui que ces trois personnages, le gaulois, Cesar et le cuisinier que l’on n’aurait fait un grand pas.
Entre Mondialisation Anti-mondialisation une course de vitesse est engagée :
La mondialisation n’est pas inéluctable !Guy Bois ne sépare pas l'analyse fondamentale de l’urgence de repérer et renforcer les unités de RESISTANCES possibles. Le mot n’est pas indifférent il est revendiqué avec rigueur et clarté comme prise de position à la fois scientifique et politique. La référence est explicite à Juin 1940 pour l’immensité des enjeux et à la nécessité de nouvelles alliances, sans rapport avec les schémas politiques préexistants. Les résistances à la mondialisation sont aussi multiformes que les modalités de la servitude. Entre l’irréductible rébellion de dignité personnelle de ceux qui osent affronter le contrôle social de l'épuration et du nivellement des pensées et des passés qui ne pasent pas et les luttes sociales collectives de la résistance économique à la substituabilité et flexibilité généralisées, il n’y a pas à choisir ; mais le passage le plus obligé reste la mobilisation de ces formes politiques irremplaçables que restent les Etats-nations. Guy Bois insiste sur la nécessité de discriminer dans les mouvements qui s’avancent comme résistants, les composantes les plus conséquentes face à la nécessité des solidarités populaires sans lesquelles le verbalisme et l’isolement activiste et gauchiste sont souvent certains. C'est en leur sein que peuvent encore se conjuguer des mémoires historiques de liberté et d’audace, transformatrice ou conservatoire , et des re-surgissements de luttes de classes capables d’étayer leurs acquis sur les compromis garantis par des Etats. Malgré l’inégalité des signes visibles, nulle part, parmi les nations du monde, y compris celles de l’Europe occidentale ou orientale, ne disparaît vraiment cette immense légitimité ineffaçable du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dont la tentative de disqualification obstinée par le haut depuis vingt ans se présente comparativement comme une des plus stupéfiante impostures de l’histoire, illustration extrême du détachement des appareils politiques et médiatiques à l'égard de leur propre société. Ce combat silencieux immense et occulté des Je maintiendrai, du vouloir vivre des peuples, doit être perçu et relevé là même où il est dénié, chez les dépités chroniques mais inconséquents qui passent à chaque vote des pareils aux mêmes. C’est plus encore le sens du retrait apparent, (ou du saut hors-jeu), des multitudes populaires désormais majoritairement non inscrites ou abstentionniste ou réduite aux votes tribunitiens. Tous, - chaque vote, chaque sondage, le redisent plus fortement -, tous sont sans illusion sur les oligarchies d'experts et de gendarmes de l'ordre mondial que sont devenus leurs représentants politiques ou médiatiques. La pire erreur serait pour Guy Bois, de les abandonner.
A l'heure ou un contradictoire alter mondialisme (en danger de se confiner dans la contestation intellectuelle et le voyage-manif-spectacle déjà ritualisé, souvent lissé par des institutions), devient un objet présentable par les media, Guy Bois maintient clairement à la fois des concepts (mondialisation, mondialisme) et un mot d'ordre d'opposition anti-mondialiste. Les indispensables, (qu'on ne se trompe pas sur notre critique) surdiplômés d'Attac ont désormais à leur disposition un instrument décapant pour éprouver leurs positions et leurs actions. Après ce livre, sans doute va t il falloir clarifier, c’est à dire choisir des voies politiques des alliances.
La mondialisation de Guy Bois n'est pas un phénomène récupérable. Il n'y a pas d'alternative en son sein. Elle est par nature la négation même de toute alternative. Un monde qui, dirions nous dans un autre langage que le sien, produit actuellement sa propre prédation entropique par ce que, en se dé-différenciant, il tend à réduire l'humanité à l'Un, la nécessité unique le trépas. La Pensée, Le marché ! L'Empire, L’Individu le Globe ! Et, ce paradoxe monstrueux de l'unité d'une fragmentation individualiste et/ou ethnique irréductibles et de l'organicité d'une espèce biologique massifiée.
Ce sont les sociétés humaines et, ajouterions-nous humanisantes, non le néant régressif d'une pseudo et entropique citoyenneté du monde qui maintiennent une possibilité pour les hommes de faire encore un peu peut-être, leur propre histoire. S'il n'y a pas de résistance sérieuse hors de celles des Sociétés-Etats et de la politique (non la gouvernance qui entérine la chosification des hommes administrés) qu'elles informent et qu'elles induisent, résister c'est le contraire de s'enfermer. C’est rester debout à tous les niveaux de pratiques sociales. Ainsi écrit Guy Bois le domaine le plus frappé ... (par le naufrage de notre système d’enseignement et de recherche) .... est celui des universités... en une dizaine d’années, (elles sont) devenues des champs clos où s’affrontent des clientèles. Résister contre la mondialisation, ce fut aussi à Nantes refuser l’épuration disciplinaire des sciences sociales, tombeau du rationalisme scientifique et de la liberté de pensée. Résister, - et c’est encore nous qui, ici de la Basse Loire de Nantes à Saint-Nazaire, explicitons, - c'est clairement refuser la mise à l'encan des Chantiers de l'Atlantique, par Alstom multinationale française (?). C’est appuyer tout pouvoir politique qui refuserait vraiment l’injonction « européenne » ( ?) du démantèlement. Résister ce fut aussi ces derniers mois, et ce n’est pas fini, participer à la plus grande mobilisation de tous les temps donc inter - nationale contre l’invasion et la colonisation états-unienne de l’Irak. Ce fut au printemps 2003 évidemment s’inscrire solidairement dans la révolte qui souleva la société française, moins à l’appel de directions syndicales, d’évidence déjà résignées après vingt ans d’abandons, mais derrière l’exceptionnelle et également historique, grève des professeurs maîtres d'école et autres salariés d’une éducation qu’on prétend ne plus devoir être nationale et qui n’ont jamais autant été emblèmes légitimes de toute une société. Ce mouvement s’est noué sur un double mais inséparable enjeu. Celui du cadre et du niveau d’égalisation au plus haut niveau possible de la transmission des connaissances et de la mémoire et corollairement l’unité des statuts garantis de tous ceux qui sont requis directement ou indirectement pour cette transmission. Celui de la solidarité organique des générations d’une société liant son avenir et son passé dans la question des retraites. Ces deux marqueurs de civilisation de la société française aboutis entre l'apogée des Trente glorieuses et 1984 sont également menacés par les relais politiques européens et français du nivellement mondial des individus nains de marché. Les deux composantes de nos alternants politiques n’ont-ils pas ratifié ensemble l’accord de Barcelone de mars 2002 sur l’allongement de la durée des cotisations et l’imposition universelle du recours aux fonds de pension, c’est à dire, après la mercantilisation et la précarisation des vies, cet achèvement, l’asservissement financier des fins de vies ?
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Eros turannos
(Platon La République)
ou
le mondialisateur 2011
titre de la rédaction du site sur un dessin d'Anne Réault 2008 |
Nous rêvons, ou plutôt nous ne rêvons pas, voulons nous inscrire dans un effort pour induire une résurgence scientifique et critique des sciences sociales (d’évidences si essoufflées et en manque de grandes pensées ouvertes), autour de cette réflexion si féconde en re-questionnements aussi fondamentaux qu’exaltants. On conclura ici sur deux ou trois réflexions qui, pour être dans l’axe historique du laboratoire où nous travaillons depuis si longtemps, ne nous en paraissent pas moins constituer les linéaments d’un programme universalisable. Une des premières exigences serait d’en finir avec l’anti-peuplisme théorique qui pèse si lourdement par ses censures et ses propos verrouillés. Une des premières tâches serait d’intégrer dans la pensée des sociétés et des classes le constat nécessaire de la scission, déjà adjugée pour l’essentiel, des classes populaires et des peuples à l’égard du mouvement du monde réduit à celui de la mondialisation et de ses idéologues modernisateurs. Une autre serait d’oser regarder en face la question des modalités actuelles de la souveraineté du peuple. Cela reste la question même de l’avenir de la démocratie qui devient insignifiante si l’on prétend la séparer des peuples souverains. L’équation imposée et abusive d’un peuple immontrable et disqualifié justifiant une oligarchie légitime fait le lit de la décivilisation induite par un capitalisme qui ne trouve plus en face de lui de sociétés et d’Etat pour lui imposer un ordre social, seule modalité possible d’un ordre humain.
La seconde tâche se déduit de la première mais en l’englobant largement, puisqu’il s’agit de refonder une culture du jeu démocratique, en partant de la critique de l’existant déjà engagée dans les pratiques en avance sur les pensées établies : ce serait avoir l’audace d’expliciter la caducité pour les multitudes d’un clivage droite/Gauche qui n’a strictement plus rien à dire sur la nouvelle conjoncture du monde et qui en occulte les enjeux. Ce serait élaborer, entre résistance et progrès les analyses, sinon d’une radicale opposition, en tout cas d’une nouvelle interférence à construire acceptant une nouvelle organicité de la mobilisation des peuples à la fois transformatrice et conservatoire des acquis menacés de l’humanisation et des conquêtes populaires et nationales, plutôt que le bougisme prédateur, l’injonction modernisatrice du mondialisme. Cette nouvelle configuration permettant de dé-penser, (penser à l’envers, disait I. Wallerstein il y a dix ans au LERSCO), le politique et la politique constitue une véritable révolution culturelle pour les appareils, les militances mais aussi de plus en plus les clientèles décitoyennisées accrochées à l’ordre ancien qui a engendré la soumission et le retour différentialiste de l’inégalité devant la loi. Cette nouveauté n’effraie cependant que les oligarchies. Les multitudes populaires l’ont pour l’essentiel déjà entérinée, comme en témoignent, en France et dans tant d’autres sociétés, à la fois leurs votes et leurs abstentions. On l’a vu de multiples chercheurs, sociologues, historiens, économistes ont déjà intégré plus ou moins partiellement cette nouvelle donne. A l’instar de la Sorbonne des 14ème et 15ème close dans la vaine scholastique du nominalisme et du réalisme, les flancs de l’Université seraient-ils devenus trop étroits pour enfanter les sociologues et anthropologues des sociétés et des mondes de la mondialisation ? Nous partageons le constat de Guy Bois. Peut-être un peu moins son pessimisme ?
Anti-mondialistes unissez-vous, conclut l’éditeur ! Programme aussi audacieux que politiquement incorrect si on le prend au mot, car il refuse l’enfermement dans les camps politiques dédifférenciés sur l’essentiel, mais sans alternative non plus, invitation aussi faite à la discipline historique à retrouver certains questionnements délaissés. En gros depuis la mort de Fernand Braudel, l’historien qui voulait rester citoyen s’est souvent vu sommer par des pairs abusifs d’abandonner ces impossibles ou ces pathologies de la discipline que seraient également devenues l’histoire nationale et l’histoire générale du monde, mais aussi l’histoire des luttes populaires qui s’inscrivent dans ces deux unités humaines comme dans ce qui fut l’idéal internationaliste, dont le mondialisme n’est pas la réalisation mais l’inversion. Les impasses historiques de la mondialisation réelle n’imposent elles pas de ré-interroger les impasses où la discipline instituée de la science historique s’est souvent elle-même même fourvoyée ? Il y a encore des historiens pour çà. Il y faudrait aussi des sociologues.
Jacky REAULT LESTAMP Université de Nantes 4 octobre 2003.
Février 1984 Vive la Crise. ! P. RIMBERT, Eternelle pédagogie de la soumission Il y a quinze ans, « Vive la crise ! » Monde Diplomatique. Fév 1999
Travaux pratiques de la mondialisation, la digestion du groupe français héritier des inventeurs de l’aluminium Péchiney, par l’américano-canadien Alcan laissera un goût amer au salariat de ce groupe traité en âmes mortes.
Laboratoire d’Etudes et Recherches Sociologiques sur la Classe ouvrière(CNRS) 1972 détruit en pleine vie en 1996 par les représentants de la Discipline dans les appareils d’Etat. qui visent aujourd’hui son héritier Lestamp.
Si voux acceptez le désordre monétaire vous serez asservis.G B cite Armand Rueff, l’économiste de l’étalon or et de l’indépendance nationale: En 1971 avec la désindexation de l’or et du dollar Richard Nixon enclenche le processus.
Braudel avait livré dans le Dossier de l’Expansion, Deux siècles de révolution industrielle, Pluriel 1983, son analyse de la crise d’après 1973 considérée par lui comme singulière, et non banal moment cyclique.G Bois inscrit sa crise systémique (sans solution au sein des mêmes structures), dans le même fil, mais avec une moindre importance donnée à l’interférence dégagée par Braudel d’un moment dépressif de cycle Kondratieff et d’un trend séculaire long également baissier.
Nous en étions aussi. C’est la mondialisation même, le souffle du 11 septembre 2001 et l’interdit induit d’y parler de l’Amérique et d’Israël, qui a scellé son déclin après l’éloignement de son initiateur Philippe Cohen. qui avec Pierre PEAN, vient de livrer le si nécessaire : La face cachée du Monde. Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir. Mille et Une nuits, 2003).
L’un des plus jolis essais de penser du grand cirque sociétal de l’après 21 Avril 2002 émane d’un auteur irrécupérable pour des pensées en camp, Philippe MURRAY, Le réel est reporté à une date ultérieure. Tribune libre, le Figaro 11,12 mai 2002. On lui doit aussi ce chef d’œuvre Chers djihadistes. Editions des Mille et Une Nuits 2002.
Lire ce chef-d’œuvre de lucidité amère mais non désespéré. StankoCerovic. Dans les griffes des humanistes. Climats 2001
S’il ne renonce pas à l’héritageBraudelien (l’histoire générale du monde et le temps long des civilisations); pour le plat de lentilles de l’’histoire (micro) sociale, ou sociologisée, c’est à dire coupée de l’espace-temps par les bataillons disciplinaires.
C’est un point essentiel de démarcation d’avec les tentatives libérales de banalisation de l’actuelle crise du monde dans un comparatisme négateur d’histoire. Les héritiers de la Fondation Saint Simon, championne du peuple introouvable et du mythe du peuple, promotrice de l’exclu contre le salarié nanti, publient, en contre-feu de G. Bois, Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié. Seuil. 2002, livre par ailleurs savant et réfutable de Suzanne BERGER.
Ce thème cher au merveilleux Pascal QUIGNARD (Les ombres errantes, Grasset 2002), n’est pas pris en compte comme tel par Guy BOIS sauf implicitement dans la dénonciation du nihilisme des ex-progressistes post-modernisés.
Nous employons cette expression dans le sens historiquement circonscrit au moment historique des sociétés salariales (BRENDER, AGLIETTA o. c.), indépendamment de toute illusion sur ce que fut le progressif de l’évolutionnisme naïf dont Cl. MICHEA a montré dans L’Impasse Adam Smith, Climats 2002, la convergence structurelle avec le délire libéral et l’esprit même de la mondialisation.
Emmanuel TODD, Après l’Empire Essai sur la décomposition du système américain. Gallimard 2002.
DUCLOS Denis, Le Monde Diplomatique, Août 1998, page 16 ; Une nouvelle classe s’empare des leviers du pouvoir mondial, Naissance de l'hyperbourgeoisie
C’est nous qui citons ici l’immense et prophétique George ORWELL de 1984 .
C'est d'ailleurs le point le plus crucial qui oppose - désormais judiciairement l'oligarchie du Monde (le quotidien) à Philippe Cohen, initiateur de la Fondation du 2 Mars, (ex. Marc Bloch) qui entama la critique qu’achève Guy Bois. Le coup de tonnerre du 21 avril 2002 a cependant contraint, en France, les personnels politiques à infléchir leur propos sinon leurs actes politiques, dans le sens d’une référence verbale nouvelle à la solidarité nationale et populaire.
Le dur désir de durer comme nation dans la mondialisation qui pratique et proclame la table rase générale n’est ni survivance nationaliste, ni maladie honteuse, simplement le premier devoir et retour aux sources du Printemps 1789. La Bastille parisienne comme les chartiers ruraux archivant les droits féodaux sont investis au cri de Vive la Nation. Honorant une Léonarde rappellons que c’est la députation bretonne aux Etats Généraux qui fonda le Club breton bientôt rebaptisé Club des Jacobins. Vive le Léon, terre des prêtres peut-être, mais vivier de culture démocratique aussi ce qu’avait déjà souligné A Siegfried (Tableau politique de la France de l’Ouest) avec ses familles souches solides inscrites dans l’éternité (relative) !
Un livre fondateur sur ce thème, Roger DUPUY. La politique du peuple. Racines, permanences et ambiguïtés du populisme. Albin Michel 2002 révolutionne l’histoire et la sociologie politiques. C’est la lecture nécessaire après G Bois. Nous définissons le populaire dans l’interférence organique insécable, des trois acceptions classiques du peuple, Classes populaires/ culture commune transversale /Peuple politique. Il a valeur civilisationnelle, garant de la forme société ?
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Jacky REAULT
Pour un lieu commun des sciences sociales Jacky Réault
4 déc 2004 |
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Les sociétés de la mondialisation
Appel à communiquer
De quelle manière concevoir des savoirs pertinents compte tenu de la pluralité des discours qui invoquent la « mondialisation » ?
Le terme apparaît vers 1960 dans un sens strictement analytique comme le fait « de se répandre dans le monde entier ». L’idée d’une transformation tendanciellement unifiée du monde ne s’épanouit que depuis vingt ans. Peut-elle se réduire à une « globalisation économique » ou à l’hégémonie américaine ? Que faire de l’irruption fulgurante de la Chine, du développement de l’Inde ?
Nous nous proposons de discuter de cette transformation globale cohérente et accélérée du monde contemporain, engagée depuis le début des années 1980, comme réponse à la crise inaugurée en 1973-4 ? Comment cette mutation, ce processus global de transformation des sociétés affectent-ils les Etats, les peuples, les classes, les cultures, les langues, ou même, les individualités ?
Comment ces unités historiques, sociales, humaines se mobilisent-elles pour affronter la mondialisation, s‘y fondre ou tenter de l’apprivoiser ? Comment se représentent-elles, entre multiples niveaux de savoirs et d’idéologies mais aussi d’utopies et d’imaginaires, à la fois ces processus, les politiques qui les infléchissent et leurs propres actions ?
Ce colloque transdisciplinaire se propose de discuter la plus grande variété d’approches, d’études, de recherches, d’observations. Les multiples expériences sociales de cette mondialisation n’ont-elles pas toutes, leurs nécessaires interprétations ? Comment les expériences sectorielles ou localisées infléchissent-elles les théories globales ? Comment s’opèrent les réciproques retraductions ?
Guy Bois, Une nouvelle servitude. Essai sur la mondialisation. François-Xavier de Guibert. 2003
Espaces et territoires
Les espaces et les territoires ont des frontières et des dénominations changeantes au cours de l’histoire. Que deviennent-ils au sein de ces (nouveaux ?) mouvements techniques, économiques, politiques alors que le propos dominant ne les évoque que dans le registre de la mise en réseau d’individus de désirs et de commerces ?
Sans se borner aux nouvelles interférences des villes et campagnes, à l’équivoque rurbanisation, on assiste aujourd’hui à l’émergence d’un grand nombre d’espaces protégés, réputés naturels ou non, en même temps qu’à des friches de déprises industrielles ou agricoles. Parallèlement, des zones résidentielles deviennent interdites et protégées, que l’on songe aux villes-bunker des retraités aisés américains ou européens.
Au-delà du @-business sensé garantir une libre circulation des commerces et informations, peut-on encore considérer les polarisations Centre/périphéries comme pertinentes, au niveau du monde comme au sein des sociétés, alors que les dynamiques de développement bouleversent les partages jusque là établis ?
États et sociétés
Si la construction européenne notamment, s’accompagne pour certains d’une démission des personnels politiques nationaux, quelles nouvelles configurations géopolitiques les appareils centraux de pouvoir ont-ils tendance à induire ? Qu’en est-il enfin de la guerre elle-même ?
Les tendances à l’impérialisme d’États-Nations vont-elles dans le sens du contrôle des organisations transnationales publiques ou privées économiques, associatives ou idéologiques, plutôt que dans le sens d’un accommodement avec elles ? Les crises des représentativités citoyennes, la mise en place d’oligarchies d’experts en tout genre conduiraient à une désubstantialisation de la démocratie par la mise en concurrence économique des droits locaux et nationaux.
Il faudra s’interroger sur le rôle des firmes transnationales dans la production du droit, alors qu’on observe désormais une problématique articulation entre l’esprit des droits du contrat anglo-saxon et l’esprit des lois des héritages romains ou méditerranéens, comme l’indiquent la transformation des droits du travail, les transferts des prérogatives juridiques au profit de droits supranationaux.
Dans quelle mesure les grandes migrations de la quête du travail (Nord/Sud, intra-eurasiennes, interaméricaines), restructurent-elles les sociétés entre communautarisation, assimilation, métissages ?
Langues et Cultures
Y a t-il une langue de la mondialisation ? Certains craignent que l’anglo-américain des échanges ou à un autre niveau, la novlangue, ne mettent en péril les devenirs respectifs des langues des grandes civilisations si elles ne maintiennent pas leur présence parmi les productions scientifiques et culturelles. Dans ce village mondial de la surface des mots comment les langues vernaculaires vont-elles s’accommoder d’une éventuelle Europe des régions ou d’autres dislocations de territoires ?
Le retour du religieux renvoie à plusieurs questionnements :Y a- t- il des religions de la mondialisation : les intégrismes des religions déterritorialisées ? Quels rapports entretiennent-elles avec la nouvelle effervescence d’un sacré profondément enraciné ? Les communautés sont souvent contraintes de réagir à la mondialisation par la mercantilisation de leurs arts et médias, aussi assiste-t-on à la fois à une centralisation de la production culturelle de masse et à l’invention de produits réputés authentiques ou folkloriques. Comment est alors mis en scène le sentiment d’appartenance locale, nationale ? On pourrait s’interroger sur les processus d’ethnicisation de populations interpellées et politiquement instrumentalisées par les caciques et politiques locaux.
Peuples, classes et individus
Dans quelles nouvelles configurations de forces sociales s’inscrivent les groupes que la mondialisation développe ou qu’elle déstabilise ?
La montée des communautarismes correspondrait pour de nombreux porte-parole à une dissolution des classes sociales et une fragilisation du devenir des peuples nationaux. La nouvelle distribution des pouvoirs économiques et politiques recompose des fractions de classes sociales ; certaines se mettent en scène dans la croyance mondialiste, comme les salariés surdiplômés des métropoles, alors que des classes productrices résistent de manière indifférenciée ou invisible dans les périphéries, les banlieues et les mondes ruraux.
La mondialisation n’est-elle pas toujours trop adjugée comme triomphante au sein des ensembles civilisationnels ? Des classes mondialisées de consommation (jeunesse et musique…) ou d’emploi (marins de commerce) coexistent avec des mobilisations identitaires fortement localisées (spectacles sportifs…). Si les mobilisations et les résistances à la mondialisation sont transversales aux classes sociales, comment les solidarités populaires expriment-elles désormais leurs rapports aux élites ?
Modes de production, prédation et marchés
Les firmes transnationales, leurs réseaux de sous-traitance, leurs politiques de localisation et délocalisation, n’épuisent pas la complexité des tissus économiques où prospèrent plus que jamais les compagnonnages, les mafias, les familles et lignages. Comment se manifestent, au sein des marchés locaux, nationaux, internationaux, comme dans l’activité des entreprises artisanales ou informelles et celle des exploitations agricoles, les contradictions entre unités productives et groupes financiers d’une part, entre prédation productiviste contrainte et préservation des écosystèmes, des ressources terrestres d’autre part ?
Les métamorphoses des formes d’emploi induites par les firmes et fédération d’entrepreneurs, inégalement relayées par les Etats, sont-elles réductibles à une précarisation généralisée, à l’institutionnalisation de la notion d’inemployabilité ? Comment le travail concret a-t-il dynamisé (dynamité ?) les modèles d’organisation que l’on pensait hégémoniques ? Quelles sont les logiques de l’inscription locale des pôles de compétences ou de technologie, des start-up, du développement ?
Après le double choc
de l’éclatement
de la bulle boursière de la nouvelle économie
et du 11 septembre 2001,
quelles seraient les configurations
ordonnées ou chaotiques
de la mondialisation ?
Bruno Lefebvre et Jacky Réault
Lestamp EA Université de Nantes le 13 juin 2004
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