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La mondialisation "merveilleuse" de Disney une liturgie universelle ?


 
Cédric MOREAU
Sociologie - LESTAMP
Droits de reproduction et de diffusion réservés © LESTAMP - 2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France N°20050127-4889

 

En 1988, Le Monde Diplomatique publiait un article d’Yves Eudes, journaliste, intitulé 250 000 de dollars de profit en 1988 – La « culture Disney » à la conquête d’un parc tremplin en Europe, dans lequel l’auteur décrivait, notamment, ce qui permettait à Walt Disney de « se considérer comme un guide spirituel ». A la lecture des articles qui purent être publiés sur le sujet et sur les interviews des dirigeants de l’entreprise Disney déjà édités, un éclaircissement peut être donné de cette prise de position polémique. Ainsi, comme le suggérait Emile Durkheim dans ses leçons sur Pragmatisme et sociologie, l’objectif ici, n’est pas de valider ou d’invalider ce qui a été écrit, mais de donner des pistes de réflexion ou, textuellement, « la tendance générale ». Inauguré le 12 avril 1992, Euro Disneyland (de son premier nom) est le quatrième des parcs à thèmes de la maison Disney. Walt Disney créa le 17 juillet 1955, en Californie, son premier parc : Disney Land. En 1971, Disney World ouvrait ses portes en Floride, précédant de douze ans l’inauguration du premier parc Disney non américain, le Tokyo Disney Land. Euro Disneyland, lui, est installé en France – pardon – en Europe, dans le département français de la Seine-et-Marne, Région Ile-de-France, sur le territoire de la « ville nouvelle » de Marne-la-Vallée.

L’évidence du projet, le 24 mars 1987, lors de la signature de la convention « pour la création et l’exploitation d’Euro Disneyland en France » entre, d’une part, la Walt Disney Company et, d’autres parts, l’Etat français, la Région Ile-de-France, le Département de la Seine-et-Marne, l’Etablissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée et la R.A.T.P. n’était pourtant plus la même en 1992, dans une France divisée par la validation référendaire de l’adhésion française au Traité de Maastricht. Quiconque aura participé à cette campagne, partisan ou opposant, sera en mesure de se souvenir qu’au delà de la promesse d’une paix européenne garantie, Maastricht fut légitimé au Peuple français comme un rempart contre la toute puissance des Etats-Unis, effrénée par la chute du Mur de Berlin en 1989, et, comme le nommèrent rapidement les programmes lycéens d’histoire, de géographie et d’économie, « l’effondrement du bloc soviétique » en 1991.

Au cours des multiples débats qui peuvent traiter de ce site, d’aucuns pensent, journalistes du Monde diplomatique en tête, que l’installation de Disney à Paris est une énième manifestation de « l’uniformisation culturelle » ; d’autres leur opposent la stricte victoire du commerce et de l’industrie ; d’autres encore, y voient une simple opportunité pour l’emploi et les loisirs, etc. Et enfin, il y a ceux qui, sans moins y penser, y vont. En mars dernier, je me rendais donc dans la Région parisienne, décidé à me lancer dans une première observation de ce qui draine autant de population.

Des personnes rencontrées « au hasard » de ma vie d’apprenti sociologue, certaines y sont allées, trois ou quatre fois. De ceux avec qui j’évoluai ce samedi de mars, et avec qui j’entrais en discussion, il en était qui entraient ici pour la deuxième fois en moins de six mois, avec leurs enfants. Et beaucoup, les yeux brillants, oublient les kilomètres d’autoroutes, le coût total de l’opération et les « coups de barre » (surtout pour ceux qui doivent « contrôler » leur progéniture), pour s’émerveiller de leurs souvenirs, promouvoir le site, dans l’explicitation de la nécessité ultime de s’y rendre : « Oh, tu devrais y aller, je t’assure, tu vas aimer ». Cette « catégorie » de visiteurs, si tant est que l’on puisse en dresser un inventaire plus ou moins précis, donne à ma recherche de « tendance générale » sur l’aspect liturgique du site Disney, un premier rapprochement qui peut amener trop vite le chercheur vers une tentation conclusive précoce. La non-quantification de cette « catégorie » implique que cette « béatitude » n’est sûrement pas un indicateur suffisant à cette conclusion, même avec cette apparente similitude : la lecture des divers articles, le visionnage de film et la journée passée là-bas (trop courte pour tout voir, bien entendu) m’aideront donc à savoir ce qui de la religion, sert effectivement à, ici, lier les Hommes, et de quelle manière, les méthodes d’installations utilisées par la maison Disney s’inspirent de celle de l’Eglise.

L’une des premières similitudes que l’observateur peut relever entre le groupe Disney et les religions occidentales réside dans la longévité de l’installation de Disney dans les esprits des occidentaux. Certes, il n’y a rien de comparable entre l’âge de l’installation de la chrétienté et celle de Mickey, mais, néanmoins, cette caractéristique d’établi fonctionne selon les mêmes modalités. A la lecture des œuvres de certains sociologues, le chercheur apprend bien vite que la pérennité de l’Eglise résida longtemps, en partie, dans sa capacité à se voir promouvoir aux enfants par leurs parents. Par exemple, les études de Charles Tilly (La Vendée – Révolution et contre-révolution, 1964) ou de Laurence Willy (Chanzeaux – Village d’Anjou, 1966) sur les campagnes de l’Anjou, énonce que dès le plus jeune âge, la présentation à la communauté est faite par l’entremise de Dieu et de ses serviteurs lors du baptême, et la petite enfance est déjà celle de l’apprentissage, par les parents, des piliers de la pratique (prières, bénédicités, messes, etc.) jusqu’à la communion (On en aura un aperçu plus important encore dans l’imposant Folklore français d’Arnold Van Gennep, 1998). L’observation des visiteurs d’Euro Disney, et la lecture d’études économiques sur l’entreprise (Par exemple : Joe Flower, Disney, les managers du rêve, 1991) mettent en lumière cette transmission intergénérationnelle du monde de Disney, à travers le cinéma, les éditions papiers, les « produits dérivés » du marketing (figurines, peluches, etc.)

Ainsi, c’est en 1923 que furent créés les premiers studios Disney. Cinq ans plus tard, en 1928, Mickey naissait dans un premier court métrage animé (Steamboat Willie) sous la plume bicéphale de Walter Elias Disney et l’oublié Ub Iwerks. Cette disparition de Ub Iwerks dans les représentations collectives concernant Disney nous ramène à celles qui donnent une place de plus en plus importante de la « paternité » de Disney à propos des contes que les studios Disney ont mis en image (Blanche Neige, Cendrillon, etc.). On retrouve ici, une des réalités décrites par Durkheim à propos des représentations collectives comme représentations religieuses : « les représentations collectives attribuent très souvent aux choses auxquelles elles se rapportent des propriétés qui n’y existent sous aucune forme ni à aucun degré » (Les formes élémentaires de la vie religieuse – Le système totémique en Australie, Livre II, Chapitre VII.)

Blanche Neige et les sept nains sort en 1937 et le premier parc va fêter ses cinquante ans, les occidentaux bénéficient là de bientôt quatre générations d’émerveillement. Et chacune à son tour, la génération parente initie la génération enfante. Disney, c’est aussi un réseau, qui ici arpente les diverses instances de la communication, de la télécommunication et de la production spectaculaire internationale. Autour des douze sociétés Disney pour lesquelles travaillent 32 000 personnes, Disney possède une entreprise de conception technologique appliquée à la production culturelle (3D par exemple) ; les dirigeants de l’entreprise sont issus des firmes de production cinématographiques hollywoodiennes ou des chaînes des télévisions américaines (A.B.C., C.B.S.) ; au cinéma, Disney est Touchstone ; dans la distribution, Disney est Buena Vista ; à la télévision, Disney est implanté mondialement avec Disney Channel, plus régionalement avec des chaînes locales ; les français, entres autres, équipés d’une antenne parabolique peuvent s’abonner à la chaîne Disney, et pour que les enfants et les parents ne manquent rien, il a été créé des chaînes Disney « +1 », « +2 » et « +3 » dont l’objet est de diffuser les programmes de la chaîne mère avec une, deux ou trois heures de retards pour ceux qui auraient manqué le début ; n’oublions pas non plus l’ancien parrainage avec F.R.3 (Winnie l’Ourson raconté par Jean Rochefort), supplanté aujourd’hui par T.F.1.

L’histoire de l’Eglise, conserve pour certaines communes, les traces des modalités d’installation des moines évangélisateurs : le seigneur, possédant la terre et les bras des serfs, leur offre une partie des terres, des serfs, et des matériaux nécessaires à la construction du lieu de culte, autant que la protection militaire. En retour, les moines, tout en évangélisant, légitimeront le pouvoir du seigneur. Ce qui suit a été trouvé parmi mes multiples lectures. Les chiffres évoluent selon les sources, mais l’ordre d’idée reste le même. Euro Disneyland fut décrété par la France Projet d’Intérêt Général, puis Déclaré d’Utilité Publique. Et puisque le nom du créateur de Mickey serait issu du patrimoine normand (D’Isigny), au moins autant qu’Halloween possèderait des origines celtes, la France devait lui permettre de s’installer…

La création par les pouvoirs publics de l’Etablissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée devait lui permettre de procéder aux expropriations et à la viabilisation des 1 943 hectares nécessaires à l’implantation du site (le parc se dresse sur 57 hectares). Vendue à prix coûtant en fonction du prix de la terre agricole (et non constructible), cette surface nécessitera de voir sa périphérie équipée, par l’Etat, la Région et le Département pour un montant total d’environ 1 000 000 de francs. La R.A.T.P. se joint à l’effort en fournissant ligne et gare R.E.R. pour un montant total d’environ 1 000 000 de francs, honoré par la seule R.AT.P.Plus tard, la S.N.C.F. fournira, pour 1995, ligne et gare T.G.V. pour un montant total d’environ 830 000 de francs. Cette fois-ci, pourtant, Disney participera aux frais : 25%.La Caisse des Dépôts et Consignations, sur préconisations gouvernementales prête 4 500 000 francs (sur les 22 000 000 nécessaires à la construction de la forme première du site) à un « taux bonifié », le Trésor Public remboursant la C.D.C. du manque à gagner.Une T.V.A. de 7%, rabaissée à 5,5% (le Parc Disney n’est donc pas une consommation de luxe) ; une mise en conformité de la loi française pour la gestion judiciaire du parc entre les partenaires, et j’en oublie.

En retour, Disneyland Paris (son deuxième nom depuis 1994) mettra en place un apprentissage – légitimation du paiement en euro à partir du 4 janvier 1999, après être entrée en inter légitimation avec le Tour de France en juillet 1997 et depuis, avec ses multiples « parrains » : Coca-Cola, Mac Donald’s, Hertz, Nescafé, Kodak, Nestlé, Esso, France Télécom, Vittel, Buitoni, Maggi, I.B.M., Renault, Philips, B.N.P., American Express, Gaumont. Disney reçut donc l’aval d’institutions publiques et privées dont la légitimité auprès des consommateurs et usagers français n’est plus à prouver. On peut aussi y ajouter la participation de grands noms du spectacle français et international, dans les films projetés au Parc ; Gérard Depardieu, Michel Piccoli, Jérémy Irons, Georges Lukas, Michael Jackson, etc. L’été 1988 sera celui de la pose de la première pierre. 2 000 fournisseurs, architectes et bureaux d’étude précéderont l’emploi des 8 000 ouvriers de 550 entreprises du bâtiment et de l’équipement.

1992, la première année d’exercice impliquera l’embauche de 17 000 travailleurs. Onze ans plus tard, ils sont encore 12 000 salariés, dont 11 000 en Contrat à Durée Indéterminée pour effectuer l’un des 500 métiers représentés ici. Ces « Cast members » comme on dit ici, sont secondés par 3 500 saisonniers les moments venus. Tout ceci pour accueillir 36 000 visiteurs quotidiens, qui viennent s’essayer aux 42 attractions, se nourrir dans les 62 « lieux de restauration » du site, dégarnir les 42 boutiques, voire loger dans l’une des 5 800 chambres disponibles dans les sept hôtels du parc (la capacité hôtelière de la ville de Nice). Depuis l’ouverture, ce ne sont pas moins de 40 000 emplois qui ont été créés par le monde merveilleux de Disney, dont 30 000 emplois indirects, autour de ce qu’il est convenu de considérer aujourd’hui comme un véritable bassin d’emplois.

Disney trouve donc sur le sol français la main d’œuvre nécessaire à son établissement et fournit des emplois. Mais Disney ne se contente pas d’employer des travailleurs, encore faut-il en former. Ainsi, développé par l’entreprise de certains prêtres, la formation professionnelle tient une place voulue importante dans l’industrie Disney, et notamment, dans le parc Disney européen. 220 jeunes y préparent un diplôme en contrat d’apprentissage, côtoyant 200 personnes en contrat d’adaptation et 900 stagiaires. 80 diplômes différents sont préparés ici, en étroite liaison avec l’activité du parc : du Brevet Professionnel de sécurité au Brevet de Technicien Supérieur de restauration en passant, entre autres, par le Baccalauréat Professionnel des services. Cette formation professionnelle n’est, finalement qu’une partie de l’appareil de formation éducative que représente l’industrie Disney. Peu importe de mesurer la qualité des préceptes enseignés ici, chaque école rencontre son lot de critiques, celle des prêtres autant que celle de Jules Ferry. Les curés maîtres d’école enseignaient l’Histoire Sainte autant que l’histoire nationale, à travers Jeanne d’Arc et d’autres personnages plus ou moins célèbres, Disney en fait autant avec ses personnages, égrenant, au fil des longs métrages un long chapelet de principes de vie dont Walt Disney lui-même a promu les mérites pour de longues décennies de production.

Du droit à la différence prônée par Pinocchio ou La Belle et la Bête, à la communion entre les espèces prônée par Rox et Rouky ou Peter et Eliot, Disney est aussi créateur d’un monde où les catégories sociales, bien qu’elles existent, ne subissent pas les descriptions alarmantes des philosophes modernes : le voleur Aladin et la fille du Sultan s’aiment autant que le voleur Robin des Bois et la fille du Roi Arthur, que La Belle et le Clochard, que Cendrillon et son prince, que Blanche Neige et le sien ; les chats pauvres aident Les Aristochats aussi bien que les chiens pauvres aident les parents des 99 chiots dalmatiens ; Le Roi Lion enseigne l’inamovibilité du cycle « éternel » de la vie et rappelle bien que si l’on peut devenir Roi en n’y étant pas destiné, la transgression des règles de ce cycle ne vous précipitera que dans les flammes, sans oublier le célèbre film Bambi, apprentissage du deuil pour des générations.
Mais au-delà de ses principes enseignés, Disney tient sa légitimité par la caution éducative que représentent certains de ses films et son parc francilien : pensez donc, les studios Disney reprennent pêle-mêle et dans le désordre : Victor Hugo avec Le Bossu de Notre-Dame, Lewis Caroll avec Alice au Pays des merveilles, Charles Perrault avec Cendrillon, Jacob et Wilhelm Grimm avec Blanche-Neige ou encore Rudyard Kipling avec Le livre de la jungle. A Euro Disneyland, comme annoncé sur le site Internet promotionnel du parc, vous pourrez visiter les hommages rendus à Verne, Wells, de Vinci, admirer les tableaux inspirés de Van Eyck et les fresques inspirées des Tapisseries d’Aubusson. Disney est aujourd’hui une véritable école, qui enseigne à la fois des connaissances, des principes de vie, et des métiers. L’université de Marne-la-Vallée prépare même, d’après la direction du parc, l’implantation d’une de ses antennes sur le site.

Disney se légitime aussi par l’assistance aux plus démunis et aux malades. Bien sûr, Marne-la-Vallée n’accueille ni Petits frères des pauvres ni chiffonniers d’Emmaüs, mais l’assistance est ici aussi, érigée en système. Au cours d’entretiens réalisés auprès d’habitants de communes rurales lors des mes différentes recherches, j’ai pu apprendre rapidement et à plusieurs reprises que si une famille ne croyait pas et ne scolarisait pas dans l’école privée chrétienne, ses enfants pouvaient tout de même être soignés par les sœurs de l’Eglise. Dans le parc Disney de Marne-la-Vallée existe ce que la direction appelle un « Club bénévole », structure financée par le parc à laquelle les employés peuvent adhérer. L’obligation n’y est pas de mise au vu des chiffres de participation : 800 tout de même des 11 000 salariés. En 2001, selon le site Internet officiel du parc, 10 300 heures de bénévolat (tout se compte) ont été effectuées avec la bénédiction totale de la direction. Et ici encore, la légitimité des partenaires n’est plus à prouver : Association Française de lutte contre les Myopathies – Téléthon, Virades de l’Espoir, Restaurants du Cœur, Secours Populaire Français, Handisport, Fondation des Hôpitaux de Paris Hôpitaux de France – Opération Pièces Jaunes, ou l’association ponctuelle pour l’aide aux victimes des inondations de la Somme. Autant que le temps d’installation, l’emploi et la formation, l’assistance fonctionne ici aussi en légitimation de Disney auprès de la population. En 1994, Euro Disneyland accueille même le premier sommet européen des enfants.

Les industries Disney établissent leur terreau avec les mêmes atouts développés par certaines des recherches historiques et sociologiques sur les religions : installation promue par les contrôleurs de l’espace politique et géographique ; présentation par la génération parente ; création d’emplois et de métiers ; formation éducative et professionnelle ; assistanat. S’y ajoute aujourd’hui un atout plus moderne : l’environnement. Les dirigeants du parc écrivent à qui veut bien le lire les multiples efforts fournis par les serviteurs de Mickey : des énergies nouvelles au recyclage en passant par le nombre d’arbres plantés, le lecteur saura que verre, carton, papier, bois, ferrailles et déchets verts sont recyclés, que les piles et les huiles de friture qu’on imagine nombreuse sont collectées ; que l’énergie est économisée (eau, électricité et gaz naturel) ; que 39% des véhicules du site sont électriques et 15% roulent au G.P.L. Le lecteur saura même que 17 000 arbres et près de 300 000 arbustes ont été plantés, que pas loin de 900 000 mètres carrés sont semés de pelouse et environ 6 000 mètres carrés sont fleuris.

De plus, et surtout, l’observation du parc lui-même amène parfois à le penser en reliquaire. A la manière des pèlerins qui vont à Lourdes voir la grotte où Marie et Bernadette ont vu la mère du Christ, les visiteurs du parc Disney viennent prendre en photo le château de la Belle au bois dormant, obtenir un autographe de Mickey, rapporter des images de leurs icônes préférées et le marketing ici aussi est de rigueur. Tout est dans la réalisation du rêve, de l’imaginaire. On sait que tout ceci est faux, mais l’espace d’un séjour, le touriste oublie le monde réel dans ce « monde merveilleux » où existent cinq « pays ». Demandant mon chemin à une hôtesse d’accueil, j’apprends que ma destination est située « de l’autre côté du monde » et que je devrais passer par au moins deux pays pour voir, non pas l’un des milliers de tibia de Jésus, mais l’une des maisons de Blanche Neige, l’un des Pays d’Alice, etc.

Comme pour l’Eglise, le parc fonctionne en vérification : appareil photo et caméscope sont effectivement parmi les accessoires les plus répandus chez les visiteurs comme le signale l’ethnologue Marc Auger dans le Monde diplomatique, autant que le stylo des autographes et le porte-monnaie des achats de souvenirs. Pour revenir à la réalité, seuls quatre distributeurs de monnaie sont à la disposition des visiteurs et si les méchants personnages des films se promènent tout au long du parc, il y a peu de chance pour que vous puissiez rencontrer le gentil Picsou et les vilains Rapetou. De la même manière, même si les sponsors sont présents, la discrétion de leur promotion est de rigueur, pas de gigantesques affiches de Coca-Cola ou de Mac Donald’s, il me semble presque que France Télécom ou Kodak étaient plus visibles.

Mais si Disney adopte des principes comparables à ceux de l’Eglise, son succès devrait autant faiblir pourrait-on penser. Si cette idée est loin d’être fausse, puisque les recapitalisations du parc sont légion depuis son ouverture, puisque le nombre de visiteurs accueillis est largement en dessous des espérances passées, puisque Disney manqua de mettre la clé sous la porte dans les années 80 selon Joe Flower il n’en reste pas moins que Disney ne possède pas de réelle interdiction, ni de réelle obligation. Au touriste qui prépare son séjour à l’aide des brochures disponibles, on aura dit qu’il est interdit de photographier les parades. Le jour venu, alors que le Roi Lion était présenté aux pèlerins après une procession chantée et dansée, aucun des vigiles que j’ai pu deviner (ils sont très discrets) n’est intervenu contre la myriade (le mot n’est pas trop fort) de caméscopes et d’appareils photos (Kodak en vend d’ailleurs dès l’entrée). Disney nous avait déjà démontré, dans Aladin ou Robin des Bois que l’interdiction du vol ne faisait pas partie de ses dix commandements, je cherche encore à savoir où se trouvaient les portiques anti-vols des magasins…

Le visiteur peut évoluer librement à l’intérieur du parc, aller dans un sens et dans l’autre. On peut même, si on le veut, lire les histoires exposées à l’envers puisque qu’aucun sens de visite n’est prescrit. Chacun d’entre vous a lu la phrase « accès strictement réservé au personnel » ? Vous ne la lirez pas là-bas. Vous lirez « entrée des gardes du château » si vous êtes dans le monde d’Alice ou « entrée des hommes du bord » si vous êtes sur le bateau à roue, etc. La plus grande contrainte vécue est celle des files d’attentes aux attractions et le parc s’est doté d’un système qui permet de les éviter au maximum.

Cette image de Disney, que nous voyons en image de la mondialisation, fonctionne donc avec certains des principes de fonctionnement d’une autre institution mondiale, la religion, sans pour autant en adopter la globalité, et certainement plus dans un souci de légitimation que d’une quelconque évangélisation. Le parc Disney rend la mondialisation acceptable à ses consommateurs. Combien d’ex-enfants européens ont attendu avec impatience de pouvoir aller aux Etats-Unis dans l’un des deux parcs américains suscités, mais n’y sont finalement jamais allés : si tu ne vas pas à Disney, Disney viendra à toi… et même si j’y ai vu quelques adolescents s’y ennuyer, et des parents au bord de l’épuisement avec leurs enfants en pleine forme, la plupart des visiteurs ont l’air réjoui, dans ce monde supplétif où chacun semble connaître musique, personnage et contexte d’attraction. Essayez d’y siffler un air connu de Disney, vous constaterez que ceux qui le reprennent ne sont pas forcément français, l’idée de représentations collectives prend ici tout son sens. Disney Land fonctionne en sanctuaire où, effectivement, la communion peut se pratiquer. Yves Eudes décrit les attachements de Walt Disney et de ses suivants à la promotion de cette « communauté Disney », le visiteur du parc peut y accéder l’espace d’une journée ou d’un week-end, mais uniquement dans un monde de substitution qui n’est pas sans rappeler les notions développées par Jean Baudrillard à propos de La société de consommation et son cortège de miracles et de mythologies.



Merci à David Morin-Ulman pour ses riches lectures et conseils

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