Alexandre
GRONDEAU
France, Paris X
- Nanterre
Laboratoire de Géographie
Urbaine
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
Ce texte a également fait l’objet d’une
communication lors du colloque ICTs and inequalities the digital divides.
Depuis les années 60, la Silicon Valley fait figure
de référent en matière de localisation d’innovations
issues des technologies de l’information et de la
communication (TIC). Pourtant, à l’image de
Bangalore, des clusters appartenant à de pays
émergents se sont positionnés depuis peu comme des
concurrents sérieux. L’Inde, la Chine et Taiwan font
partie de ces pays qui ont eu une véritable
réflexion en matière de perspectives de
développement technologique et territorial. Et si
certaines zones n’ont servi pendant longtemps qu’à
accueillir des unités de production délocalisées,
elles forment à présent des chercheurs, des
ingénieurs, des cadres de haut niveau qui, à savoirs
et savoir-faire égaux, coûtent quatre à cinq fois
moins cher que leurs homologues californiens. En
parallèle, on a pu observer une perte de vitesse de
la Silicon Valley (relative certes, mais continue),
qui cherche à se repositionner dans la concurrence
territoriale liée à l’innovation. Malgré des efforts
évidents, les mythiques Microsoft, Intel, Yahoo ou
Google, n’hésitent plus à délocaliser une partie
importante de leurs effectifs en Inde.
Il ne faut pourtant pas tirer de conclusions trop
hâtives. Les ressources financières privées et
publiques sont considérables près de San Francisco.
On peut néanmoins s’interroger sur un transfert
lent, ou du moins sur un rééquilibrage, de la
localisation du secteur TIC, tant des départements R
& D que des unités de production vers des pays
asiatiques à fort potentiel technologique. Ce sera
le propos de cet article, montrer que l’on assiste
aujourd’hui à une redistribution des cartes au
niveau de la localisation des activités TIC, à
travers l’exemple de l’Inde et de ses deux clusters
emblématiques : Bangalore et Hyderabad. Nous verrons
que si cette redistribution est loin d’être jouée et
gagnée, elle reproduit de manière exacerbée, les
inégalités territoriales et les fractures que l’on
pouvait observer en Californie.
Les
clusters orientés TIC : de la Silicon Valley à
Bangalore
La notion de « cluster » est une notion
anglo-saxonne. Elle signifie littéralement groupe,
agglomérat ou encore grappe. Elle est relativement
difficile à aborder, d’un point de vue territorial,
dans la mesure où elle est employée régulièrement
comme synonyme de district industriel ou de grappe
industrielle
1.
Il semble toutefois que l'on puisse décrire le «
cluster » comme une évolution ou une déclinaison de
la notion de district industriel développé par
Alfred Marshall. Si l’on y retrouve la proximité des
entreprises, et les liens qu’elles tissent entre
elles, les aspects d’ancrage historique et de passé
commun ne sont pas obligatoires dans les « clusters
». Ces derniers se caractérisent également par leur
ouverture sur l’extérieur dans une économie
globalisée. Jean-Benoît ZIMMERMANN s’est intéressé à
ces différences entre districts et « clusters »2.
Concrètement, le « cluster » ne contient pas
uniquement des PME, mais également des grandes
entreprises. Il cherche à intégrer le plus possible
les circuits globaux. Cela explique pourquoi de
grandes entreprises ou des organismes de recherche,
comme la NASA, caractérisent ces « clusters ».
Enfin, ils sont dotés d’une importante capacité
d’innovation, ce qui les rapproche des technopôles.
Notons à ce propos que les technologies de
l’information et de la communication font partie,
selon l’OCDE, des activités de haute technologie.
Les clusters orientés TIC apparaissent de ce fait
comme une déclinaison des technopôles ou Science
Parks, à ceci près que, dans le cadre du cluster,
les activités de recherche et développement (R & D)
peuvent côtoyer des unités de production. Cela est
plus rare dans les technopôles. Il n’empêche que les
deux notions peuvent se juxtaposer, le cluster TIC
étant un cas particulier de technopôle. On peut
ainsi rappeler quelques éléments de nature à mettre
en perspective notre réflexion. En novembre 2001,
l’International Association of Science Parks (IASP)
évaluait à 26 % les clusters orientés TIC, sur
l’ensemble de ses membres. Si cette association
regroupe, de son propre aveu, à peu près la moitié
des technopôles dans le monde, ces chiffres peuvent
nous éclairer sur l’importance prise par ces
technologies. Ce secteur constitue ainsi le premier
secteur d’activités de la haute technologie, du
moins localisé dans des technopôles.
En tant que tels, les clusters orientés TIC
s’inscrivent dans l’histoire des technopôles. Sans
remonter jusqu’à la Bibliothèque et au Musée
d’Alexandrie ou à la Maison de la sagesse de Bagdad,
qui étaient déjà des territoires caractérisés par
une forte concentration de chercheurs dont l’objet
était l’émulation générant l’innovation, on
distingue différentes périodes dans l’histoire
récente des technopôles. La première période est
celle des « Pères fondateurs », comme l'a surnommée
Michel Lacave3,
et se situe dans les années 60 et 70. Elle
correspond à l’émergence de la Silicon Valley et de
la Route 128 de Boston, les deux grands précurseurs,
mais également de Sophia-Antipolis, de Cambridge ou
encore de la ZIRST de Meylan à Grenoble. Cette
période n’équivaut pourtant qu’à la création de 4 %
du nombre total des technopôles actuels (chiffres
IASP 2002).
La seconde période est celle des années 80 qui vit
la mise en place de 30% des technopôles actuels. La
France est à ce sujet tout à fait exemplaire,
puisque la plupart de ses technopôles furent initiés
à ce moment. La tendance ne s’inversa pas et les
années 90 furent la période la plus faste dans la
création de technopôles, avec près de 48 % du nombre
total actuel. Mais loin de diminuer, cette tendance
semble se poursuivre, puisqu’entre 2000 et fin 2002,
déjà 18 % du nombre de technopôles référencés par l’IASP
avaient vu le jour. Il est tout à fait intéressant
de noter que depuis le milieu des années 80, ce sont
les pays dit émergents qui se dotent le plus de
technopôles. L’Inde, avec sa vitrine Bangalore, la
Chine, avec Zhongguancun, mais également Taïwan ou
la Malaisie se positionnent de manière très forte
dans la localisation et la mise en place de clusters
à vocation TIC.
Ces précisions étant faites, il peut être éclairant
de rappeler un certain nombre d’éléments qui ont
participé au développement et à la réussite de la
Silicon Valley. D’une part, car elle a été citée
comme référent par la quasi-totalité des clusters du
même genre, et notamment asiatiques qui, s’ils se
sont adaptés à des contextes territoriaux
particuliers, ne s’en sont pas moins inspirés.
D’autre part, car après cinquante ans d’existence,
il est intéressant de voir les limites et les
interrogations que soulève la situation du cluster
californien. La Silicon Valley est, comme tout
technopôle, une interface territoriale modelée par
un certain nombre d’acteurs structurants (État et
collectivités locales), déterminants (les
entreprises de haute technologie), incontournables
(l’Université, les laboratoires de recherche et les
capital-risqueurs) et alimentée par un marché du
travail caractéristique de la haute technologie
(présence importante de cadres et d’ingénieurs…).
Le résultat du jeu de ces acteurs, d’un point de vue
territorial, est qu’un technopôle se caractérise par
sa périurbanité, son urbanisation diffuse, son cadre
de vie agréable, ses infrastructures et ses
équipements nombreux et de qualité. Il est
caractérisé par une population aisée, composée
d’ingénieurs, de chercheurs de cadres, et par le
départ des populations n’ayant pas les moyens
d’assumer la hausse des prix de l’immobilier. Mais
au-delà de cette définition générique, le cluster
californien possédait un certain nombre d’atouts qui
participèrent à sa réussite. Nous avons présenté
ceux-ci par ailleurs4,
mais nous pouvons les rappeler brièvement. Le Comté
de Santa Clara fut ainsi le bon endroit, au bon
moment, avec les personnes adéquates pour la mise en
place de la Silicon Valley. Le bon endroit, car à un
lieu de vie agréable et apprécié par les ingénieurs
et les cadres, le Comté de Santa Clara alliait la
proximité du Mexique (intéressant pour trouver une
main d’œuvre non syndiquée et bon marchée, mais
également pour délocaliser certaines unités de
production jugées trop polluantes), la présence de
l’Université de Stanford qui possédait un grand parc
foncier et était susceptible de le louer à des
entreprises de R & D et bien sûr la présence à San
Francisco d’un très important complexe militaire et
aérospatial.
Mais, au-delà de ces aspects géographiques, le Comté
de Santa Clara bénéficiait de particularités
juridiques5
particulièrement favorables à la
circulation des hommes et des idées qu’Anna Lee
Saxenian6
décrit comme une caractéristique
californienne. Le bon moment, car le formidable
développement du cluster californien n’aurait sans
doute pas été le même sans l’avènement, en son sein,
d’une nouvelle technologie révolutionnaire : les
semi-conducteurs. Les bonnes personnes, enfin, avec
des capitaines territoriaux comme Fred Terman,
vice-président de Stanford qui fut visionnaire en
rapprochant recherche privée et publique sur un même
campus, William Shockley, entrepreneur à l’origine
de l’avènement des semi-conducteurs, et bien sûr les
milliers d’étudiants, de chercheurs et
d’investisseurs qui constituèrent le socle de la
réussite de la Silicon Valley.
Pourtant, depuis quelques années, le rayonnement
d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui. Le cluster
californien est soumis à la rude concurrence de ses
homologues asiatiques qui, à savoir-faire égal,
forment des ingénieurs bien moins chers qu’aux
Etats-Unis. Dans le même temps, il a fallu affronter
l’éclatement de la bulle Internet et la crise de la
nouvelle économie, début 2000, qui entraînèrent la
diminution du nombre d’actifs sur la Silicon Valley
(200 000 emplois supprimés entre 2000 et 2004).
Ajoutons à cela que les entreprises historiques
telles que Microsoft n’hésitent plus à créer des
laboratoires de R & D en Inde. Taiwan a vu, en 2003,
plus de 100 entreprises, soutenues par du
capital-risque, rentrer en Bourse contre seulement
neuf à San Francisco Bay. On peut alors légitimement
s’interroger sur la bonne santé et la capacité de
réaction de la Silicon Valley, ainsi que sur une
éventuelle redistribution des cartes de la
localisation de l’innovation en ce qui concerne les
technologies de l’information et de la
communication.
Il faut dire que depuis un peu plus de dix ans,
quelques pays émergents se positionnent en tant que
concurrents sérieux au niveau de l’innovation dans
le secteur des TIC. Nous allons présenter l’Inde,
pays-continent qui s’est spécialisé dans les
technologies de l’information et de la
communication. Nous évaluerons sa situation et son
potentiel en terme d’innovation et de mise en place
de clusters dédiés à ces technologies. Cette analyse
sera assortie de la présentation du plus célèbre des
clusters TIC issus des pays émergents, Bangalore, et
de son concurrent indien direct, Hyderabad. Cela
nous permettra d’évaluer dans quelles conditions les
entreprises du secteur TIC se délocalisent vers des
pays comme l’Inde, ce qui participe à l’émergence et
au développement d’un certain nombre de clusters.
Nous verrons enfin dans quelles conditions ces
clusters reproduisent, de manière exacerbée, les
mécanismes de spécialisation territoriale, de
diffusion, de fractures sociales que nous avons
observés dans les clusters TIC des pays développés.
L’Inde,
un concurrent sérieux pour les pays développés
L’Inde est un géant aux pieds d’argile. Un géant
avec une superficie de plus de trois millions de
mètres carrés et une population de plus d’un
milliard d’habitants, soit 17 % de la population
mondiale. Il représente un marché potentiel
extrêmement intéressant. Mais c’est un géant aux
pieds d’argile, car seulement 60 % de cette
population est alphabétisée. De plus, le PIB par
habitant n’était que de 520,3 dollars en 2003. Et si
35 millions d’Indiens gagnent plus de mille euros
par mois pour vivre, Christophe Jaffrelot, directeur
du Centre d’Études et de Recherche Internationale (CERI),
rappelait lors de la dernière conférence sur
l’innovation en Inde7,
que quatre cent trente millions d’Indiens vivaient
avec moins d’un dollar par jour. Le Programme des
Nations Unies pour le développement8
(PNUD) classe ainsi l’Inde au ème
rang mondial de l’indice de développement humain,
sur un total de 130 pays. Il s’agit donc d’un pays
gigantesque caractérisé par de très fortes
inégalités.
L’Inde n’est pourtant pas la première venue en
matière d’innovation et de TIC. D’abord, parce que
de tout temps ce pays a été porté vers l’innovation.
De récentes découvertes dans la vallée de l’Indus
montrent que 2 500 ans avant J.-C., les techniques
de drainage, l’utilisation originale de matériaux
comme le cuivre et le bronze, l’organisation et la
construction « urbaine », avec des briques brûlées,
étaient tout à fait innovante pour l’époque. Mais
ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans
des domaines tels que les mathématiques (concept du
0 transmis aux Arabes qui eux-mêmes l’apprirent aux
Européens), la médecine et la métallurgie (le zinc
fut distillé pour la première fois au Rajasthan, 50
avant J.-C.). L’innovation n’est donc pas quelque
chose de nouveau dans la société indienne qui a
toujours était portée par la recherche et le
développement. Ensuite, et de manière plus actuelle
en matière de TIC, l'Inde fait figure d'un grand.
Cela est confirmé par le fait que cinq des dix plus
importantes entreprises indiennes (Wipro Corp,
Infosys Technologies, Manager Telephone Uigam, DSQ
Software et HCL Technologies) sont issues de ce
secteur. Infosys Technologies annonce même, après
avoir embauché 5 000 personnes, une augmentation de
49 % de son bénéfice net concernant son second
trimestre 2004.
La même entreprise crée désormais des filiales en
Amérique du Nord et en Europe. Cette qualité n’est
pas due au simple hasard, mais à une véritable
volonté politique qui remonte à 1947 et à la
politique de non-alignement de Nehru. A cette
période, l’encouragement de la recherche
scientifique et technique a été important sur les
secteurs stratégiques du nucléaire, de la défense et
de l’espace. En 1958, la Scientific Policy
Resolution a comme ambition « d’encourager, de
soutenir et de promouvoir par tous les moyens
possibles, la science et les recherches
scientifiques dans tous leurs aspects : éducation,
recherche fondamentale et recherche appliquée ».
Elle se prolonge en 1983, avec la Technology Policy
Statement, qui encourage le développement de
technologies proprement indiennes et l’assimilation
des technologies étrangères, en 1984, avec la New
Computer Policy, et en 1986 avec des initiatives
fortes pour aider la formation de personnels
qualifiés et encourager les exportations. En 1991,
ces politiques d’aide et d’encouragement furent
poursuivies par un certain nombre de mesures comme
la création de zones franches et l’assouplissement
juridique des conditions d’importations et
d’exportations.
Depuis cette période et la grave crise financière
qu’elle affronta, l’Inde s’est ouverte au monde en
se libéralisant petit à petit. Une véritable
stratégie d’insertion dans le marché mondial a été
lancée, avec la baisse des tarifs douaniers et la
possibilité laissée aux multinationales de posséder
100 % d’une filiale indienne. La volonté de l’Inde
est ainsi très clairement annoncée. Elle souhaite, à
moyen terme, se positionner comme un acteur
incontournable en matière d’innovation, que cela
soit au niveau des techniques, des savoirs et des
savoir-faire. Ses efforts pour y arriver sont
importants. Ainsi, la dépense intérieure indienne
consacrée à la R & D (DIRD) était évaluée par l’OCDE
à 19,4 milliards d’euros en 2003, soit un ratio DIRD/PIB
de 0,85 %. Il était de 0,8 % en 2002 et l’objectif
du gouvernement indien est d’atteindre les 2 % en
2005. Ce dernier finance 75 % du budget global de la
R & D indienne. Cette volonté politique s’explique
par le fait que la recherche, en particulier dans le
secteur de TIC, est une véritable vitrine pour
l’Inde.
Les TIC sont envisagées par les dirigeants indiens
comme un levier économique pour tout le pays.
L’objectif de devenir une « superpuissance des
technologies de l’information » était encore
réaffirmé, dans les années 90, avec la création de
clusters spécialisés TIC (Pune, Bangalore,
Hyderabad), la construction d’infrastructures,
telles qu’un réseau à fibre optique reliant toutes
les grandes villes indiennes, et le renforcement de
la formation des ingénieurs. Si l’Inde se positionne
de manière aussi pertinente sur le marché des TIC,
c’est en grande partie dû au formidable réservoir de
main d’œuvre qualifiée et très qualifiée qu’elle
constitue.
En effet, outre les investissements financiers et
l’arsenal juridique, le potentiel scientifique
indien est incontournable si l’on veut comprendre
les perspectives de développement qu’offre ce pays.
L’Observatoire des Sciences et Techniques place
l’Inde comme le troisième réservoir mondial de main
d’œuvre technique et scientifique. Elle comptait en
effet, en 2001, près de 4 millions de scientifiques
et de techniciens, et près de 7 millions
d’étudiants. Ces derniers bénéficient des 237
universités, des 200 laboratoires nationaux de
recherche, et des 10 instituts scientifiques indiens
réputés tels que l’Indian Institute of Technology.
C’est ainsi que chaque année près de 200 000
personnes sont formées dans les domaines de la
science et des techniques. Cette formation,
notamment dans le secteur de l’informatique, fait
donc partie des priorités gouvernementales en terme
d’actions et est inscrite dans le dixième plan
quinquennal (2002-2007) du gouvernement indien.
Enfin, l’Inde bénéficie de l’importante diaspora qui
étudie et travaille aux Etats-Unis. Une partie de
celle-ci peut désormais revenir travailler dans son
pays d’origine, là où dix ans auparavant un retour
était plus compliqué. Cette population vivant à
l’étranger représente autant un capital financier
que technologique et humain. Plus de 75 000
étudiants indiens vivaient en 2002 aux Etats-Unis.
Ce chiffre est le double de celui de 1996…
L’ensemble de ces éléments laisse à penser que
l’Inde a son avenir technologique et innovant devant
elle. Malheureusement aujourd’hui, seule une partie
réduite de la population bénéficie et a accès aux
progrès technologiques. Le marché humain est
pourtant là, tant au niveau des consommateurs que de
la main d’œuvre. Et comme on l’a vu précédemment, si
l’Inde accueille depuis quinze ans des unités de
production délocalisées, elle développe de plus en
plus des activités à haute valeur ajoutée sur des
territoires tels que Bangalore, Madras ou Hyderabad.
Leur mise en place a été calquée sur le cluster
californien dont nous avons parlé plus haut.
Bangalore est d’ailleurs surnommée la Silicon Valley
indienne.
De la proximité des écoles d’ingénieurs et des
entreprises spécialisées TIC, à la mise en place de
pépinières d’entreprises et de guichets uniques, en
passant par l’encouragement de l’essaimage, la ville
indienne a essayé de reproduire les réussites
californiennes qui étaient d’autant plus connues que
les Indiens constituent une part importante des
ingénieurs de la Silicon Valley. Il n’est pas rare
de voir un ancien employé d’une entreprise de haute
technologie californienne, revenir au pays créer sa
propre entreprise qui sous-traitera à son lancement
avec ses anciens employeurs. Cet aspect est
important puisque, si dans l’imaginaire collectif,
il existait un rêve californien pour les
informaticiens et les ingénieurs indiens, ce rêve
tend, de plus en plus, à pouvoir se réaliser dans
leur pays.
On comprend donc bien à quel point les TIC sont une
priorité pour le gouvernement indien, sur quels
potentiels il s’appuie et par quels moyens il compte
arriver à ses fins. Il faut bien avouer pourtant que
toute la bonne volonté du monde aurait bien du mal à
se tailler des parts de marché importantes dans
l’industrie du logiciel si les coûts de cette
main-d'œuvre qualifiée n’étaient pas aussi faibles.
A compétence égale, un ingénieur indien est payé 8
000 $ par an, quatre à cinq fois moins que le coût
du même ingénieur aux Etats-Unis. Les pays
développés se demandent donc comment résister à une
telle concurrence. D’autant plus que le gouvernement
indien évalue à plus de 100 000 le nombre
d’ingénieurs formés par an en Inde et que ce chiffre
ne cesse d'augmenter.
Et si le jeu de l’offre et la demande sur le marché
du travail de Bangalore fait monter le niveau des
salaires, le différentiel est bien trop grand pour
être résorbé tout de suite. Ainsi, les Etats-Unis
étudient les moyens de limiter les délocalisations
des métiers à forte valeur ajoutée comme le rapporte
le dossier « A survey of India », paru en février
2004 dans the Economist. Si la concurrence
concernant la production de biens avait été mal
vécue, celle qui a lieu au niveau des postes
qualifiés inquiète encore plus, car il s’agit là des
métiers à très forte valeur ajoutée. Mais avant de
nous intéresser à Bangalore, il nous faut
relativiser quelque peu le portrait que nous venons
de dresser.
Il ne faut, en effet, pas crier victoire trop tôt.
Force est de constater que l’Inde aujourd’hui n’est
pas en mesure de concurrencer, en terme de recherche
scientifique, un pays comme la France. L’objectif
d’approcher ou d’égaler les Etats-Unis est donc
encore très loin. La production scientifique de
l’Inde n’est pas actuellement à la hauteur de son
potentiel. Car si l’Inde est le troisième réservoir
de main d’œuvre scientifique du monde elle ne
produit que 2 % des publications scientifiques9
seulement. Ce chiffre n’a d’ailleurs
pas évolué depuis 1989, il a même très légèrement
diminué. À titre de comparaison, la France
représente 5 % de ces mêmes publications et la Chine
3,2 %. Mais c’est dans la production de l’innovation
elle-même, c’est-à-dire dans le dépôt de brevets,
que l’Inde connaît un déficit énorme. Rajendra Kumar,
Professeur à l’Indian Institutes of Science (IIS) de
Bangalore rappelait, lors de la conférence sur
l’innovation en Inde de juin 2004, les lacunes
importantes des chercheurs indiens en matière de
propriété industrielle.
Ainsi en 2001, l’Inde ne représentait que 0,14 % de
la demande de brevets européens, soit en valeur
absolue l’équivalent de 179 demandes. À titre de
comparaison, la même année, la Chine en déposait 730
(données INPI et OEB, traitements OST). Elle ne
représentait toujours en 2001 que 0,1 % des demandes
de brevets américains quand la France en représente
2,7 %. Il faut d’ailleurs rappeler qu’un groupe de
travail, ayant la charge de se pencher sur le
perfectionnement de la main-d'œuvre qualifiée
indienne, a été créé à l’initiative du gouvernement
en 2002. Les premières conclusions mettent en avant
certaines carences, notamment en terme de recherche
fondamentale. Il n’y aurait pas assez de docteurs en
informatique. Ce groupe de travail a également
rappelé que si un grand nombre d’ingénieurs était
formé, ils n’étaient pas du même niveau selon qu’ils
sont issus des grands instituts indiens (Indian
Institutes of Technology ou Indian Institutes of
Science) ou d’autres formations.
Le manque d’enseignants, les outils de travail
obsolètes au sein d’organismes de formation,
l’absence ou les carences de matériels performants
pour les collèges et les lycées sont autant de
sujets d’inquiétudes pour la National Association of
Software and Service Companies qui prévoit, pour
2008 en Inde, une demande de près de 7 millions
d’ingénieurs (2,2 millions d'ingénieurs logiciels et
4,8 millions d'ingénieurs matériels). Si aucune
crise des TIC n’intervient d’ici là. Il faut, en
effet, se méfier des projections de ce type qui sont
très difficiles à réaliser, d’autant plus dans des
secteurs comme les TIC qui dépendent fortement de
conjonctures économiques et technologiques
mondiales.
Ajoutons que les différents États ne bénéficient pas
de la même manière des aides à l’innovation et de la
localisation des organismes de R & D. Une première
fracture s’opère dans le pays entre les régions très
concernées par la haute technologie et notamment les
TIC, et les autres. Les États accueillent le plus
les organismes de R & D sont principalement ceux du
Sud et de l’Ouest : l’État du Karnataka (226
organismes), celui du Tamil Nadu (305), le
Maharashtra (660), l’Andhra Pradesh (221)… Ceux du
Nord, à part Delhi, sont nettement moins concernés
par les activités de R & D : l’État du Bihar compte
73 organismes de R & D, Assam, 41, le Pendjab, 43.
Évidemment, certains États sont plus petits que
d’autres et ont moins de ressources. Mais cette
fracture géographique se retrouve également, comme
l’explique Christophe Jaffrelot, en matière de
pauvreté. Quatre États du Nord (Bihar, l’Uttar
Pradesh, le Madhya Pradesh et l’Orissa) concentrent
près de la moitié des pauvres, ont les plus faibles
taux en matière d’alphabétisation, de consommation
électrique et sont parmi les plus mal dotés en terme
d’infrastructures. Éric Leclerc10
analyse d’ailleurs la révolution
indienne des TIC comme un changement du rapport de
force entre les régions du Nord et celles du Sud de
l’Inde.
Ces inégalités régionales se retrouvent à une
échelle locale. La concentration des entreprises
sous forme de clusters a eu lieu en Inde comme
ailleurs. Bangalore et Hyderabad en sont les deux
locomotives territoriales. Pour la première, cela
est dû en partie à son héritage industriel et
scientifique, à la localisation d’instituts
scientifiques réputés et aux choix de grandes
entreprises comme Texas Instrument de s’y installer
plutôt qu’à Bombay. Pour la seconde, c’est un choix
politique affirmé de l'État de l'Andhra Pradesh, de
faire de la ville une seconde Bangalore. Ce choix se
matérialise par la création d’une pépinière
d’entreprises, la création d’instituts scientifiques
tournés vers les TIC, et l’arrivée d’un centre de R
& D de Microsoft. Bombay et Delhi restent malgré
tout les deux autres grands centres indiens en terme
d’innovation. On assiste donc, dans le même temps, à
un renforcement de l’attraction des grandes
métropoles indiennes, au détriment du reste du
territoire.
Tous ces éléments permettent de relativiser le
discours qui voudrait que l’Europe et les Etats-Unis
soient en grand danger vis-à-vis du géant indien. La
menace existe, mais à moyen ou long terme. Le temps
pour réorienter les stratégies européennes et
américaines commence pourtant à être compté. Plus
les années passent et plus les capacités
d’innovation indiennes augmentent en terme de moyens
financiers, technologiques, humains et en terme de
valeur ajoutée dégagée. La R & D la plus complexe
commence à s’installer au pays de Gandhi dans des
clusters qui n’ont rien à envier à leurs concurrents
occidentaux. Il nous semble à présent intéressant
d’illustrer nos propos par la présentation de la
vitrine technopolitaine de l’Inde : Bangalore.
Bangalore, un cluster indien orienté TIC
Bangalore est aujourd’hui présentée comme la Silicon
Valley indienne. La capitale du Karnataka a pourtant
derrière elle une longue histoire. L’actuelle
sixième ville indienne fut fondée en 1537 autour
d’un fort. Elle fut, de 1831 à 1881, le siège de
l’administration britannique, qui apprécia son
climat agréable (premier point commun avec la
Silicon Valley) pendant cinquante ans avant de la
céder au Maharaja de Mysore. Cette période
correspond à une phase de développement importante
puisque la ville fut dotée des infrastructures
indispensables à son bon fonctionnement. Elle permit
également l’adoption de l’anglais par une partie de
la population, ce qui sera plus tard d'une grande
utilité.
Outre son climat apprécié par les Anglais puis par
les retraités indiens aisés, sa situation
géographique, loin de toute frontière, fut également
un élément décisif dans l’installation
d’infrastructures militaires, prémices de la
recherche en haute technologie (second point
commun). Clarisse Didelon11
explique de manière tout à fait
pertinente comment cette situation favorisa
l’implantation du Hindoustan Aeronotic Limited, du
Bharat Heavy Electrical Limited ou encore du Bharat
Electronics Limited. Ces entreprises posèrent les
fondations de la culture industrielle de Bangalore
(troisième point commun avec la Silicon Valley).
Celle-ci fut soutenue et entretenue par les pouvoirs
publics qui y favorisèrent l’installation du siège
du programme spatial indien et encouragèrent
l’essaimage et la création d’entreprises par
d’anciens employés du secteur industriel public. Ces
éléments participèrent au développement du tissu
industriel de la capitale du Karnataka, bien avant
que n’explose le secteur des technologies de
l’information et de la communication.
Et si Bangalore est perçue comme une ville consacrée
à la haute technologie, son activité industrielle
reste très importante. Elle fut d’ailleurs pendant
longtemps cantonnée à un rôle d’accueil d’unités de
production délocalisées. La situation a bien évolué
en l’espace de vingt ans. Actuellement, les deux
parcs technologiques les plus importants,
l'International Tech Park Limited et l'Electronics
City, accueillent de nombreuses entreprises de haute
technologie avec une forte dominance pour les TIC.
Google vient d’y créer son premier centre de R & D
en dehors des Etats-Unis. Des entreprises françaises
ont également sauté le pas. La SNECMA emploie, deux
ans après sa création, 126 personnes. Valtech, la
société de conseil en informatique a décidé, en
avril 2004, d’y implanter son premier centre de
développement off-shore.
On voit donc que si la situation géographique a joué
un rôle important dans la mise en place de
Bangalore, comme ce fut le cas pour la Silicon
Valley, des antécédents industriels rapprochent
également les deux clusters. On peut également
évoquer la situation des parcs d’activités dédiés à
la haute technologie situés en périphérie de la
ville, afin de fournir « un cadre de vie agréable à
la vie des cadres ». Mais les comparaisons, du moins
dans la mise en place et l’émergence des clusters
TIC, ne vont pas audelà. En effet, la Silicon
Valley s’est développée grâce à la politique
volontariste de l’Université de Stanford relayée par
les budgets de recherche de l’armée américaine et de
l’aérospatiale. Dans le cas indien, c’est le
gouvernement qui, avec sa politique d’ouverture
économique, favorisa l’installation à Bangalore
d’entreprises appartenant au secteur TIC.
Texas Instrument fut ainsi la première à s’implanter
dès 1985. C’est également le gouvernement indien qui
entreprit d’attirer un maximum d’entreprises avec
l’installation, en 1992 d’une communication
satellite particulière aux parcs technologiques.
Cela permit d’accélérer les associations entre
entreprises indiennes et étrangères, sous forme de
sous-traitances d’abord, puis d’échanges de
connaissances, de savoir-faire et de technologie
(joint-venture). Mais des entreprises autochtones
comme Infosys Technologies (première société
originaire de Bangalore à être cotée en Bourse aux
USA) démontrèrent les capacités de la main d’œuvre
indienne, en particulier des personnels très
qualifiés. Rappelons que Subrahmanyan Chandrasekar
reçut le prix Nobel d’astrophysique en 1983, preuve
s’il en fallait, du potentiel d’excellence des
chercheurs et ingénieurs indiens. Bangalore possède
sa propre université depuis 1964. Elle est le siège
de nombreux instituts scientifiques renommés comme
l’Institut indien des Sciences (fondé en 1909), une
école qui forme l’élite indienne aux sciences dures
comme les sciences des matériaux, l’aérospatiale et
l’électronique. C’est une ville qui est à la pointe
de la formation dans le secteur des TIC. De
nombreuses écoles d’ingénieurs fournissent et
alimentent un marché du travail qui est l’un des
atouts majeurs de Bangalore.
Car la ville compte désormais plus d’ingénieurs que
la Silicon Valley. Enfin, on ne peut occulter le
rôle essentiel de l’État du Karnataka qui fut le
premier État indien à voter et mettre en place dès
1997, une politique très volontariste en faveur des
technologies de l’information et des communications.
Les résultats sont là. Bangalore accueillait ainsi,
lors de la réalisation du Rapport « Digital India »12,
160 sièges d’entreprises spécialisées dans les
Softwares (Bangalore produit 35 % des logiciels
indiens), 55 000 professionnels spécialisés dans les
TIC, 103 établissements de R & D et 35 % des
investissements des capital-risqueurs en Inde. En
2004, lors de son bilan annuel, le Software
Technology Parks of India (STPI) y recensait 746
raisons sociales. Un chiffre faible par rapport à
Hyderabad ou Noida. Mais la quantité ne fait pas
tout. En l’occurrence, Bangalore se situe largement
au premier rang des clusters TIC indiens, en terme
de recettes dégagées par les exportations. Le bilan
est donc impressionnant.
Toutefois, il convient de relativiser le succès de
Bangalore. A la manière de clusters occidentaux
comme Sophia-Antipolis qui se trouvent confrontés
aux mêmes déséconomies que la Silicon Valley,
Bangalore connaît un certain nombre de problèmes qui
peuvent remettre en question son statut actuel.
Ses parcs technologiques ont été installés à un peu
plus de vingt kilomètres de la ville elle-même, et
la diffusion ne s’effectue pas forcément vers la
ville. Les ingénieurs, chercheurs et autres cadres
du cluster, grâce à leurs revenus, vivent dans des
quartiers résidentiels luxueux et surveillés qui
possèdent tous les équipements inhérents à cette
classe sociale. On ne parle pas encore de « gated
communities », mais l’idée y est. Cette richesse
dégagée par cette catégorie de la population ne se
retrouve pas dans Bangalore même, hormis dans son
centre-ville qui regroupe banques, fast-food,
enseignes de luxe. Cette vie en vase clos est
accentuée par le fait que les zones d’activités
dédiées à la haute technologie sont totalement
indépendantes en terme d’approvisionnement en
électricité et en eau et de communication par
satellite. Elles bénéficient de tous les avantages
et les éléments dont elles ont besoin. En ce sens,
être en dehors de ces parcs, qui n’ont pas une
capacité d’accueil infinie, peut être véritablement
problématique.
Dans les pays développés, la spécialisation d'un
territoire profite aux entreprises à proximité, qui
peuvent en général bénéficier de la qualité et du
niveau des infrastructures. La situation dans le
Karnataka n'est pas la même. L'autonomie en eau et
en électricité concerne uniquement les parcs
d'activités de Bangalore et non leur entourage. Cela
peut provoquer des situations difficiles si pour une
raison ou pour une autre (parc saturé, prix trop
élevé...), certaines entreprises, indiennes en
général, n'ont pu s'établir à l'intérieur du parc.
Les populations autochtones sont également
confrontées à la flambée des prix du m². La théorie
de la rente foncière et de la localisation des
activités et des populations en fonction de la
valeur ajoutée dégagée au m² n’a jamais été autant
d’actualité. De la même manière que les habitants et
les travailleurs les moins aisés ont dû quitter la
Silicon Valley pour pouvoir se loger dans des
conditions abordables, que Sophia-Antipolis ne peut
fournir assez de logements pour ses étudiants et une
partie importante de ses salariés, les prix de
l’immobilier, les grands chantiers publics
(autoroutes, équipements sportifs) ont repoussé
toute une partie de la population dans des
bidonvilles.
Mais ces grands travaux ont également attiré des
Indiens souhaitant trouver un travail, ce qui a
accentué la pauvreté et les conditions difficiles,
voire insoutenables, de vie (apparition de slums).
On assiste à une fracture sociale et spatiale dont
les ressorts sont en partie dus aux activités des
technologies de l’information et de la
communication. Mais cette fracture doit être nuancée
par le fait que d’une manière générale, le
développement économique de ces quinze dernières
années a permis par exemple au taux
d’alphabétisation du Karnataka d’être 20 % supérieur
au taux national. Il semble alors que le succès de
Bangalore profite peu à la population malgré une
pauvreté importante. La pollution est également un
autre élément à prendre en compte. Elle n’est
d’ailleurs pas le seul fait des entreprises de haute
technologie. Le voyageur reste marqué par les
désagréments dus à l’explosion des transports.
Clarisse Didelon rappelle ainsi que le parc
automobile est passé en quarante ans de 20 000
véhicules à 1,3 millions, là où « la capacité du
réseau viaire est de 350 000 ». Là encore les mots
sont bien faibles pour décrire les pollutions en
tous genres, et notamment sonores, de Bangalore
comme des autres villes indiennes.
Enfin, n’oublions pas que la concurrence
territoriale concernant la localisation des
entreprises, en particulier centrées autour des TIC,
est désormais internationale. Bangalore peut alors
dans un avenir proche subir la même concurrence que
celle qui fit son succès quelques années auparavant.
Un certain nombre de pays comme Taiwan ou la Chine
se positionnent de manière très agressive en terme
d’accueil des entreprises de haute technologie.
Bangalore peut également être victime de son succès
puisque la recherche, voire le débauchage des
meilleurs ingénieurs -qui devient courant au dire de
certains entrepreneurs locaux et étrangers
-participent à l’augmentation du salaire des dits
ingénieurs (ce qui est tout à fait normal, somme
toute). Mais la concurrence peut venir du pays
lui-même… Ainsi, en 1998, Microsoft s’est installé à
Hyderabad et y ouvrir son plus important centre de R
& D outre-Atlantique. Ajoutons que l’absence d’un
aéroport international, même si celui-ci est en
projet, est une carence lourde pour le développement
d’un cluster orienté TIC13.
Le succès de Bangalore pourrait donc lui être fatal
si les gestionnaires de la ville ne prennent pas
conscience que certaines déséconomies territoriales
sont très difficiles à inverser.
Nous venons de voir que la fracture qui existe en
Inde entre États qui sont concernés par les TIC et
la haute technologie, se retrouve au niveau d’une
ville comme Bangalore. La ville voit se reproduire
de manière exacerbée les mécanismes d’exclusion des
populations les moins aisées au profit
d’amélioration d’infrastructures, de projet
d’aménagement, que l’on avait pu observer dans les
clusters orientés TIC des pays du Nord. L’absence de
diffusion de ces technologies à des populations qui
les côtoient sans pouvoir les utiliser peut être
explosif d’un point de vue social, donc politique.
On sait que la stabilité politique est le postulat
incontournable d’une politique territoriale tournée
vers l’innovation. Le potentiel scientifique de
l’Inde laisse penser qu’il faudra compter sur elle
dans la course à l’innovation en particulier dans
les technologies de l’information et des
communications. Et si Bangalore se voit concurrencer
dans ce secteur, force est de constater que la ville
joue la carte de la diversité avec le lancement de
pôles orientés vers les biotechnologies et la
médecine. Intéressons-nous à présent à l’un de ses
concurrents directs : Hyderabad.
Hyderabad, la nouvelle High-tech city ?
Nous venons d’étudier le formidable essor de
Bangalore grâce aux TIC. Et s’il est incontestable
que la capitale du Karnataka fut une des pionnières
dans le genre, ce n’est pourtant pas la seule ville
indienne concernée par les hautes technologies.
Hyderabad s’est positionnée dans la compétition
territoriale indienne et internationale en terme de
localisation des activités de haute technologie et
des TIC en particulier. Capitale de l’Andhra Pradesh,
Hyderabad fut fondée en 1590. La présence de
l’empire britannique participa, comme à Bangalore, à
l’introduction de la langue anglaise dans la
population. Elle bénéficie également d’une histoire
industrielle qui vit de grandes entreprises
publiques, comme Bharat Heavy Electrics Limited ou
Electronics Corporation of India, participer à la
constitution d’un marché du travail qualifié et
hautement qualifié qui allait être l’un des socles
du développement du cluster TIC actuel.
Nous avons précédemment expliqué les efforts
réalisés par le gouvernement indien pour faire de
l’Inde une superpuissance des TIC. Le gouvernement
de l’Andhra Pradesh doit, lui aussi, être crédité
d’un rôle primordial dans l’avènement d’Hyderabad
comme l’une des concurrentes de Bangalore. C’est en
effet à l’initiative de Chandrababu Naidu, à
l’époque premier ministre de l’État, que la ville
s’est lancée dans la compétition de la localisation
des activités TIC. Pour ce faire, il n’a pas lésiné
sur les moyens. En quelques années, il a créé des
instituts et des écoles d’ingénieurs reconnus comme
l’Indian School of Business ou l’Indian Institute of
Information Technology. Il a mis en place un parc
technologique de 60 hectares, le Hitech14
City, qui a coûté plus de 375 millions
de dollars et qui est la véritable vitrine
d’Hyderabad. Il y a installé des unités de
production, mais surtout le plus important centre de
R & D de Microsoft en dehors des Etats-Unis et a
lancé les travaux pour la construction d’un aéroport
international…
Il a parfaitement joué son rôle de capitaine
territorial, le même que celui que Fred Terman joua
en son temps en participant grandement à la réussite
de la Silicon Valley ou que Pierre Laffitte, le père
de Sophia-Antipolis, assuma. C’est ainsi qu’il
rencontra Bill Gates plusieurs fois pour le
convaincre de s’installer à Hyderabad et qu’il
réussit à le convaincre. Ce choix fut déterminant.
Dans la foulée de Microsoft, un certain nombre
d’entreprises TIC de renom et d’importance (Oracle,
Motorola, IBM, Wipro Technologies…) s’installa dans
ce que les journalistes eurent vite fait d’appeler
Cyberabad. A cette volonté forte, se superpose la
saturation des parcs technologiques de Bangalore qui
fut un des arguments avancés pour la création d’un
second pôle fort d’innovation dans le secteur des
TIC.
Hyderabad réunit donc les acteurs nécessaires à la
mise en place et au développement d’un cluster TIC.
Les acteurs structurants ont joué leur rôle en
favorisant la création d’infrastructures nécessaires
aux entreprises TIC, à travers notamment la mise en
place d’un parc technologique dédié à ces activités.
Olivier Bomsel et Joel Ruet rappellent dans leur
rapport Digital India que 72 % du budget alloué par
l’État à Hyderabad vont au parc technologique Hitech
City et 8% du budget de l’Andhra Pradesh sont dédiés
à l’entretien et la mise à jour des infrastructures
(aéroport, lignes téléphoniques, chemins de fer).
Cela montre à quel point la volonté de rattraper
Bangalore est forte. L’État a également favorisé la
localisation des activités TIC avec des politiques
d’aides (exonération de charges et de taxes) et
d’accompagnements des entreprises. Un guichet unique
et une pépinière d’entreprises ont été lancés afin
de favoriser le développement des PME / PMI et de
favoriser au maximum l’attractivité du territoire.
Depuis deux ans, toutes les formalités
administratives s’effectuent directement sur
Internet. On peut également trouver sur la « toile »
les prix des terrains à acquérir. Les entreprises
TIC, acteurs déterminants puisque synonymes du
succès ou de l’échec de ces parcs, ont joué le jeu
en venant s’y installer. Les acteurs incontournables
que sont l’Université, les instituts, les
laboratoires sont présents et à un excellent niveau.
L’État de l’Andhra Pradesh prétend ainsi former près
de 23% des ingénieurs informaticiens indiens. Et si
une partie de ceux-ci part pour l’étranger, le brain
drain n’affole plus comme auparavant. En effet, la
diaspora indienne n’oublie pas d’où elle vient.
Hyderabad peut ainsi compter sur ses ingénieurs
partis acquérir de l’expérience dans la Silicon
Valley. Ils reviennent fort de leurs carnets
d’adresses et d’investissements leur permettant de
créer des entreprises.
Un autre élément indispensable à la réussite d’un
parc technologique tel que le Hitech city et de
l’ambition d’Hyderabad est le marché du travail. Il
est d’autant plus à la hauteur des exigences des
entreprises, qu’un technicien et un informaticien
travaillant à Hyderabad ont des salaires moins
élevés que leurs homologues de Bangalore. Cela
contribue encore à accroître la compétitivité de la
capitale de l’Andhra Pradesh. La ville comptait en
2001 près de 18 000 professionnels dans les TIC et
61 sièges d’entreprises de « Software ». Le STPI y
recensait, en 2003, 977 raisons sociales, dix fois
plus que cinq ans auparavant. Elle en compte
d’ailleurs plus qu’à Bangalore même si ces
entreprises exportent beaucoup moins.
Le succès en matière de localisation d’activités TIC
est indéniable. Il convient néanmoins, là encore, de
nuancer nos propos. D’abord parce que la
spécialisation territoriale peut être dangereuse. Si
Hyderabad profite des déséconomies de Bangalore, il
n’est pas dit qu’elle n’atteigne pas elle-même un
seuil au-delà duquel elle ne puisse se développer.
La spécialisation territoriale, tout high-tech
qu’elle soit, est risquée dans la mesure où des
bouleversements économiques, sociaux ou
technologiques peuvent remettre totalement en
question les politiques et les investissements
réalisés. Et si l’Andhra Pradesh a lourdement
investi dans les infrastructures orientées vers les
TIC, la santé, l’agriculture et l’éducation en ont
souffert. En effet, la diffusion de savoir-faire et
de la richesse sur le territoire n'a pas été et
n’est pas évidente. Chandrababu Naidu a eu beau
annoncer que l’éradication de la pauvreté était sa
priorité, il n’a pas atteint son objectif. Il a
d’ailleurs perdu les dernières élections sur ces
thèmes. L’Andhra Pradesh est un état pauvre où le
revenu par habitant est en dessous du dollar par
jour.
La population est principalement paysanne et le
premier ministre avait promis de connecter tous les
villages à Internet. Là encore il a échoué. Le
suicide des paysans ruinés est devenu courant. Il
aurait concerné plus de 2000 habitants de l'État en
2001. La communication du premier ministre a ravi
les investisseurs étrangers et les plus riches des
entrepreneurs locaux, mais n’a, de toute évidence,
pas satisfait les 77 millions d’habitants de l’Etat.
Rien n’a été fait pour lutter contre les maladies
issues des pesticides dangereux utilisés par les
paysans, le surendettement de ces derniers, ni les
problèmes récurrents d’irrigation. Les coûts de
l’électricité ont explosé et la population s’est
sentie complètement abandonnée, d’autant plus que
certains supporters de Chandrababu Naidu
n’hésitaient pas à proclamer : « Naidu doit
absolument rester au pouvoir : il prépare les
mentalités. Une fois que les investissements seront
arrivés, il pourra s'occuper des pauvres »15.
L’Organisation Mondiale du Travail pointait du doigt
l’Andhra Pradesh, à la même époque, en rapportant
que plus d’1,6 million d’enfants travaillaient au
lieu d’aller à l’école. Malgré cela, on doit
rappeler que le taux d’alphabétisation est là encore
au-dessus de la moyenne nationale (de plus de 10 %).
Cela tend à dire que le développement économique,
même s’il ne bénéficie pas directement à toute la
population, ou de manière légère, joue un rôle de
levier social.
L’innovation issue des TIC génère de l’argent, mais
ne bénéficie pas non plus forcément à l’ouverture
des mœurs et encore moins à l’attractivité du
territoire. Les mythes de la Californie et de la
Silicon Valley sont bien loin. Cela vaut du point de
vue des entreprises qui préfèrent encore aujourd’hui
s’installer à Bangalore, mais également d’un point
de vue social (installation des ingénieurs...). Là
encore, le voyageur non averti peut être surpris par
la rigueur religieuse et notamment l’interdiction de
consommer tout alcool dans l’État. Cela peut
paraître anecdotique, mais le cadre de vie idéal
pour les cadres n’est pas totalement mis en place.
Non que les cadres soient particulièrement portés
vers l’alcool, mais la mondialisation uniformise
quelque peu certains comportements sociaux,
notamment chez les classes les plus aisées. Un
certain nombre d’ingénieurs, principalement les plus
jeunes, ne sont pas attirés par Hyderabad, jugée
trop austère, quand certains peuvent l’être par la
Silicon Valley ou Bangalore. Plus de la moitié des
ingénieurs indiens en informatique qui quittent
l’Inde pour rejoindre les Etats-Unis sont
originaires de l’Andhra Pradesh. C’est donc d’un
véritable déficit d’image dont souffre Hyderabad.
Cela peut s’avérer décisif, d’autant plus que le
charismatique Chandrababu Naidu n’a plus en charge
la destinée de l’État et que ses apparitions
médiatiques aux sommets de Davos faisaient de lui un
VRP de luxe. La concurrence territoriale se gagne
aussi de cette manière, avec un carnet d’adresse
bien rempli et un plan de communication bien rôdé.
Hyderabad n’est pas encore Bangalore, mais les
efforts fournis pour son développement ont été et
sont encore conséquents. D’un point de vue
économique l’installation de grands groupes
américains, de laboratoires de R & D réputés et
l’augmentation continue du nombre de raisons
sociales sont les preuves d’un succès indéniable.
Pourtant, à l’image de Bangalore, les fractures à
l’intérieur de la population n’ont jamais été aussi
vives et la vitrine high-tech voulue par Chandrababu
Naidu a plus séduit les entrepreneurs étrangers que
les masses paysannes. La démocratie a ainsi tranché
en sa défaveur. Reste à savoir quelles seront les
orientations politiques de ses successeurs…
Conclusion
Depuis 2000, la Silicon Valley a connu une perte de
vitesse en matière d’emplois et de créations
d’entreprises. Le cluster californien n’est
cependant pas mort. Déjà, dans les années 80,
certains « spécialistes » avaient annoncé son déclin
avec la concurrence des entreprises originaires du
Japon. À l'époque, la concurrence portait plus sur
la technologie que sur les coûts de la main-d'œuvre
qualifiée. Cela peut nous permettre de relativiser
l'affolement, réfléchi ou non, de certains
journalistes. Il est d'ailleurs intéressant de noter
que là où Bangalore et l’Inde se spécialisent dans
les TIC, la Silicon Valley est en train de rebondir
en encourageant de manière importante l’implantation
d’entreprises issues de secteurs comme les
biotechnologies ou les nanotechnologies. En effet,
la généralisation des activités TIC avait ramené le
cluster californien dans des logiques industrielles
classiques de minimisation des coûts.
Conscientes de cela, les forces vives du territoire
ont rapidement cherché à se relancer dans de
nouvelles activités innovantes. Les capacités de
réflexion, d'adaptation et de réorientation qui ont
fait son succès sont donc toujours présentes.
Lorsqu’un territoire innovant se retrouve affaibli
par une concurrence très agressive dans les domaines
qui ont fait son succès, il doit être très réactif,
évaluer ses carences, ses atouts, tenter de les
améliorer, voire se réorganiser et imaginer de
nouvelles formes de développement. L’innovation
reste le contraire de la reproduction. De ce point
de vue là, la constitution de clusters TIC indiens
n'est pas révolutionnaire. Pourtant, l’Inde s’est
fait une place dans les technologies de
l’information et de la communication de manière
générale, et dans la production de logiciels en
particulier. Ses potentiels en terme de réservoir et
de formation de main-d'œuvre qualifiée sont très
importants.
Les budgets investis dans la R & D augmentent. Les
choix gouvernementaux, clairement tournés vers la
production d’innovations dans les TIC, se
matérialisent depuis plus de vingt ans par des
politiques volontaristes encourageant
l’implantation, la création et le développement
d’entreprises de haute technologie. Les entreprises
indiennes s’installent désormais en Amérique du
Nord, elles forment des ingénieurs informatiques
dans toute l’Asie, elles développent des stratégies
internationales en terme d’innovation et des
partenariats avec les plus grandes multinationales.
Certaines s’introduisent même en bourse. La
localisation des activités TIC en Inde se fait ainsi
depuis près de quinze ans sur le même principe que
celui de la Silicon Valley. On a assisté à la
formation de clusters TIC dont les caractéristiques
sont quasi identiques au grand frère californien :
liens très étroits entre instituts de formation et
de recherche publique et entreprises privées,
conditions de vie agréables pour les cadres, qualité
des infrastructures, marché du travail de haut
niveau, fiable et en quantité, soutien de la
recherche militaire et aérospatiale.
À ces qualités, s’ajoutent les coûts de la main
d’œuvre extrêmement avantageux et les efforts très
importants des États indiens pour développer leurs
clusters. Hyderabad voit ainsi plus des trois quarts
du budget de l’État qui lui sont alloués, être
investis dans son Hitech City. Et les résultats sont
là. Les entreprises occidentales hésitent de moins
en moins à y ouvrir des centres de R & D et à
confier des tâches toujours plus complexes et à
forte valeur ajoutée à des entreprises locales. Le
rôle de la diaspora a été très important dans la
confiance des premières vers ces dernières, les
ingénieurs indiens ayant souvent fait leurs armes
dans des clusters TIC occidentaux tels que la
Silicon Valley. Le portrait ainsi dressé est très
avantageux. Il pourrait être inquiétant pour des
territoires concernés par le même genre
d’entreprises, mais n’ayant pas les mêmes coûts de
main-d'œuvre. Il faut pourtant aller plus loin.
Cet état de fait ne suffit pas à gommer les
fractures qui existent entre la population concernée
par ces activités, ayant les moyens de les utiliser,
et la grande majorité de la population qui ne
bénéficie pas ou peu de la formidable croissance de
ces activités. Affirmer que les TIC sont, pour
l'Inde, la porte de sortie du tiers-monde apparaît
aujourd'hui peu vraisemblable. Christophe Jaffrelot
rappelle que « l’Inde reste un nain économique sur
le plan international, avec moins de 1 % du commerce
mondial et un taux d’ouverture très bas : le
commerce extérieur représente 9,8 % du produit
national brut (PNB) seulement »16.
Laurent Carroué rappelle, dans « Géographie de la
mondialisation » , que les grandes entreprises
transnationales conservent la grande majorité de
leur recherche dans leur pays d’origine.
De plus, on se doit de relativiser le poids des
industries de haute technologie qui ne représente
aujourd’hui que le quart des revenus que rapporte
l’industrie textile indienne. Cette dernière fait
travailler près de 50 millions de personnes quand
les hautes technologies concernent une part beaucoup
plus infime de la population indienne. Et déjà, des
pays comme la Chine ou la Malaisie se positionnent
comme de sérieux concurrents en matière de
localisation d’entreprises TIC (entre 1989 et 2001,
la part des publications scientifiques chinoises est
passée d’environ 1 % à un peu plus de 3 %. Pour
information, la France atteint les 5% des
publications scientifiques parues en 2001). Il n’est
pas invraisemblable d’imaginer des délocalisations
vers des pays qui assureront les mêmes services,
dans des contextes territoriaux identiques, pour des
coûts encore plus faibles.
Enfin, il ne faut pas confondre l'accès des
entreprises aux TIC et la diffusion de ces
technologies à la population. Les entreprises qui
ont les moyens se localisent dans des clusters TIC
qui sont fermés au reste de la population. Parfois
même, comme c’est le cas à Bangalore, ces
territoires vivent en quasi-autonomie avec leur
propre alimentation en eau et en électricité. La
fracture entre les populations qui ont accès, qui
savent se servir et qui travaillent avec ces hautes
technologies et celles qui n'y ont pas accès (une
très grande majorité) est très importante. Ce
rapport de force s’est d’ailleurs matérialisé lors
des dernières élections en Inde. Les couches de la
société les plus favorisées ont été convaincues par
la campagne électorale, intitulée « Shining India »,
du parti au pouvoir, le BJP, et celles des partis
régionalistes comme celui de Chandrababu Naidu, qui
vantaient ses réussites, en particulier le
développement des TIC. Mais ils ont subi un revers
électoral qui a rappelé que les idées de cette
branche de la population étaient minoritaires.
Et si bien sûr on ne peut critiquer ce désir de se
développer grâce aux TIC, il faut nuancer fortement
l’idée selon laquelle ces technologies seraient
l’unique solution de développement pour l’Inde. Une
spécialisation à outrance, au détriment d’autres
secteurs d’activités ne serait pas une bonne chose.
La société indienne semble l’avoir compris, puisque
depuis peu, on voit se développer dans ces mêmes
clusters TIC, des programmes de recherche sur les
biotechnologies et sur les nanotechnologies. Mais
cela ne suffira sans doute pas à aider la population
indienne qui vit dans les campagnes et qui ne sait
pas comment s’en sortir. C’est probablement ce
chantier là qui reste le plus ambitieux et le plus
difficile à réaliser : dépasser la simple
territorialisation de l’innovation et des richesses
pour faire accéder le maximum de la population
indienne à des conditions de vie et d’éducation
décentes. Pour que l’innovation ne soit pas
uniquement technologique et économique, mais
également sociale. C’est là un enjeu majeur pour la
plus grande démocratie du monde.
Alexandre Grondeau
06-84-79-32-70
barnabax@yahoo.fr
Notes :
1 -
MARTINEAU Y., POITRAS C., TREPANIER M., 1999, Les
agglomérations scientifiques et technologiques,
Synthèse de la littérature scientifique et
institutionnelle, Institut national de la recherche
scientifique – Urbanisation, Université du Québec,
62 pages.
2 - Communication faite aux troisièmes journées de
la proximité, 14-15 décembre à Paris. ZIMMERMAN
J.-B., 2001, Des « clusters » aux « small world » :
une approche en terme de proximité,
3 - LACAVE M., 1995, Parcs scientifiques et
technopoles dans le monde : guide méthodologique,
La documentation française, page 18.
4 -
and covenants not to compete, New York University
Law Review,Vol. 74, No. 3 (June 1999), pp. 575-629.
GRONDEAU A, 2004, Le modèle technopolitain en
question : l’exemple comparé de la Silicon Valley
et de Sophia-Antipolis, Les cahiers nantais de la
Géographie n°62-63, 2005.
5 GILSON Ronald, 1998, The legal
infrastructure of high technology industrial
districts : Silicon Valley, Route 128
6 - County, California, Berkeley, Université de
Californie, IURD, Working Paper n°345, 187 pages.
SAXENIAN Anna-Lee, 1981, Silicon Chip and spatial
structure : the industrial Basis of urbanization in
Santa Clara
7 - Repères sur l’innovation en Inde, Conférence
organisée par l’ANRT, le 3 juin 2004, Paris.
8 PNUD, Rapport mondial sur le
développement humain. 2003, Economica, Paris, 2003.
9 -
Tous ces chiffres sont issus du dossier Inde 2004 –
Les systèmes nationaux de recherche et d’innovation
du monde et leurs relations avec la France réalisée
par l’OST en collaboration avec le MAE (Direction
générale de la coopération internationale et du
développement).
10 - LECLERC E., Un nouveau géant des
technologies de l’information et des communications
: l’Inde, Les actes du FIG
2001, 2001.
11 -
DIDELON C., 2003, Bangalore, ville des nouvelles
technologies, Mappemonde n°70, page 35-40.
12 -
BOMSEL O., RUET J., sous la direction de, 2001,
Digital India : Report on the Indian IT industry,
CERNA, page
13 - GRONDEAU A., 2004, Entre crises et mutations
urbaines, quel avenir pour les technopôles ?, Villes
en Parallèle, Document 3 : De la Ville outil à la
ville ludique, page 47-56.
14 - Hyderabad Information Technology Engineering
Consultancy City
15 - CHOL E., Tout n’est pas rose à Cyberabad,
L'Express du 03/05/2001
16 JAFFRELOT C, L’Inde rétive au
libéralisme total , Le Monde Diplomatique, janvier
2004, Page 24.
17 - CARROUE L., 2004, Géographie de la
mondialisation, Colin, page 154. |