L’extinction
de la guerre froide n’a pas représenté un
relâchement des antagonismes typiques et des
déséquilibres propres au capitalisme historique. Au
contraire, elle a supposé une impulsion décisive de
libéralisation progressive du commerce mondial et
d’une mondialisation économique qui était en cours
depuis plusieurs décennies.
Dans ce contexte, la mondialisation, sous couvert du
néolibéralisme, est un euphémisme actuellement
utilisé pour désigner cette phase avancée du
capitalisme mondial dont le but est d’augmenter à
tout prix ses taux de profit sur des territoires
toujours de plus en plus larges, en s’abritant
derrière la tendance généralisée à la libéralisation
du commerce et des marchés de capitaux, à
l’internationalisation croissante des stratégies des
entreprises de production et de distribution, au
développement technologique. Autrement dit de
nouvelles stratégies qui servent le vieil idéal
d’accumulation et de reproduction du capital. (Segrelles,
1999).
A ce sujet, I. Wallerstein (1988 ) indique que les
échanges inégaux et la transnationalisation des
marchandises sont des pratiques anciennes qui
caractérisent le capitalisme du XVIème
siècle comme celui du XXème siècle,
et très certainement aussi celui du siècle
présent . Seul changent l’intensité et l’amplitude
du phénomène, les stratégies et méthodes empruntées
ou les possibilités technologiques, mais pas
l’essence du processus et de la dynamique
capitaliste. Parfois, la modification relève
uniquement d’une simple question sémantique et si au
lieu de l’euphémisme utilisé -« la
mondialisation »- nous employons le terme
impérialisme et relisons les textes prophétiques
que V.I. Lénine a écrit au début du XXème
siècle, on peut constater que le vif du sujet,
c’est-à-dire, la polarisation économique, les
antagonismes et les déséquilibres sociaux et
territoriaux, est toujours d’actualité.
Le processus de mondialisation ne se produit pas
dans un espace abstrait et idéalisé, mais son
influence s’exerce sur des territoires concrets
grâce à ses bras exécuteurs : les grandes
corporations transnationales en totale connivence
avec les gouvernements des pays du Centre. C’est
précisément la dimension spatiale du phénomène qui
distingue l’interprétation que fait la Géographie
des autres sciences sociales et humaines.
La dimension spatiale
de la mondialisation
Au cours de la dernière décennie du XXème siècle, on
n’a pas seulement théorisé sur la fin de l’histoire
( Fukuyama, 1992 ) mais certains auteurs l’ont fait
aussi, bien que de manière un peu précipitée, sur
« la fin de la Géographie » ( O’Brien, 1992 ;
Virilio, 1997 ), en s’appuyant sur la supposée
déterritorialisation du monde comme conséquence du
développement global des nouvelles technologies
appliquées aux télécommunications. Dans ce sens,
comme l’indique l’Institut du Tiers monde ( 2001 ),
la supposée fin de la dimension géographique est
étroitement liée à la négation de l’Humanité en tant
que totalité des êtres humains présents sur Terre.
Pour percevoir l’Humanité, il faut prêter attention
à tous les points du globe et apprécier les
conditions de vie dans lesquelles vit le prochain à
tous les coins de la planète.
Dans ce sens, l’affirmation selon laquelle le
développement des communications a rétréci la
planète, faisant d’elle un « village global » (
McLuhan, 1998 ; McLuhan y Powers, 1996 ), est
inexacte, puisque l’inattention portée à la
localisation géographique et à l’existence de
millions d’êtres humains ouvre une brèche énorme de
méconnaissance et de marginalisation. En plus, ceux
qui ont accès aux technologies globales, mis à part
le fait qu’ils constituent une minorité dans le
monde actuel, sont les seuls qui peuvent se
permettre le luxe de décréter la fin de la
Géographie et d’oublier que l’Humanité est composée
d’une majorité d’habitants pour qui non seulement il
est impossible de disposer des technologies
d’avant-garde, mais qui de surcroît n’a même pas
accès à l’éducation qui lui permettrait d’avoir une
image du monde dans sa totalité.
Malgré la dématérialisation progressive de
l’économie, malgré le développement des transports
et l’avancée des télécommunications, la dimension
spatiale de la mondialisation et des activités des
ses bras exécuteurs, c’est-à-dire, les pays
dominants et leurs entreprises transnationales, est
certaine étant donné que les stratégies et
conséquences de la mondialisation se produisent, se
propagent et créent des exclusions territoriales. La
compartimentation territoriale et l’étude de
l’espace sous la forme de compartiments étanches,
caractéristique du possibilisme géographique de
l’école régionale française, s’approfondit
actuellement avec la fragmentation spatiale mise en
oeuvre par la Géographie pratique, car les pouvoirs
publics et l’initiative privée ont l’habitude de
renforcer, par un financement sélectif ou une offre
discriminatoire des contrats, les recherches
appliquées d’importance économique et politique, ou
ce qui est la même chose, les plus en accord avec
leurs intérêts.
Il est rare de considérer l’espace comme un TOUT en
relation et interdépendant. C’est pourquoi le
Laboratoire de Géographie Politique, Planification
Territoriale et Environnementale du département de
géographie de l’université de Sâo Paulo ( Laboplan,
2000 ), qui se nourrit des idées du géographe
brésilien Milton Santos, insiste sur la nécessité de
considérer et utiliser le concept de territoire
utilisé (ou territoire d’usage), c’est-à-dire
qui se constitue comme un tout complexe où se tisse
une trame de relations complémentaires,
conflictuelles, respectivement dépendantes et en
continuel mouvement, conforme en définitive aux lois
de la dialectique.
Cette dialectique montre que l’espace n’est pas un
conglomérat fortuit d’objets et de phénomènes, sans
liens et isolés les uns des autres et sans relation
de dépendance entre eux, mais un tout articulé dans
lequel ces dits objets et phénomènes se trouvent
organiquement et réciproquement liés les uns aux
autres, dépendent les uns des autres et se
conditionnent les uns les autres. La réalité ne peut
pas être fragmentée si elle ne veut pas être
dénaturée. De même, il ne s’agit pas non plus d’une
réalité calme et immobile, mais sujette à un
mouvement continu et à une transformation constante,
qui se renouvelle et développe sans arrêt, où
continuellement quelque chose naît et évolue et
quelque chose meurt et devient caduque ( Politzer,
1985 ).
L’étude sur la mondialisation actuelle et les
activités des entreprises transnationales ne doit
pas se passer du territoire, puisque celui-ci
apparaît comme un produit social et économique des
nouvelles tendances globales développées sur la
planète. L’espace géographique est le support d’une
société et d’une économie et en tant que tel est
objet d’appropriation et lieu où se développent les
stratégies et conflits d’intérêts des groupes
sociaux. C’est ainsi que l’être humain social crée
continuellement de l’espace ( Trinca, 2001 ),
puisque celui-ci est une part intégrale de la
construction matérielle et de la structuration de la
vie sociale. Pour toutes ces raisons, l’argument
visant à disqualifier le marxisme parce que Marx a
éliminé l’espace dans ses analyses ( Claval, 1977 )
ne tient pas étant donné que les relations sociales
et de production du capitalisme se développent sur
un substrat spatial.
A ce propos, J. Estébanez remarque que la diffusion
des communications n’efface pas les hiérarchies de
même que les nouvelles technologies n’impulsent pas,
par le simple fait d’exister, le changement social,
considération qui verserait dans le déterminisme
technologique. Ainsi, les facilités de communication
n’impliquent pas la disparition des déséquilibres
sociaux et territoriaux. En effet, les idées qui
défendent l’existence de l’actuelle organisation
socioéconomique dans laquelle l’espace compte à
peine, contredisent le degré de concentration des
investissements, des innovations et du commerce dans
les pays industrialisés et dominants, au détriment
des nations moins favorisées, alors que les premiers
ne représentent qu’un cinquième de la population
mondiale. Cette concentration de la richesse se
produit aussi dans des aires concrètes au sein de
chaque pays, de telle façon que se créent des
déséquilibres spatiaux qui impliquent de fait une
exclusion sociale et économique des plus
défavorisés.
D’un autre côté, il est évident que le capital, dans
ses aspects productif et financier, en plus du fait
qu’il crée et modifie les espaces, configure et
vertèbre son propre espace encouragé par sa
dynamique interne. Cet espace capitaliste peut se
montrer désorganisé, chaotique même et
contradictoire (grandes aires métropolitaines, zones
rurales moitié dépeuplées, abandon de l’agriculture
paysanne, poches de pauvreté urbaines, inégale
distribution sociale et territoriale de la richesse,
réseaux de transport denses, aires complètement
isolées des principaux flux de communication,
migrations actives domicile-travail de la
population, industrialisation hétérogène et
déséquilibrée, hypertrophie du secteur tertiaire),
mais derrière la simple apparence oculaire se cache
un territoire très bien organisé dans lequel chaque
élément, et ses relations avec les autres phénomènes
et processus, a une fonction spécifique au sein du
système avec pour but ultime de générer des
bénéfices, d’accumuler et reproduire le capital.
C’est précisément dans le désordre et la confusion
apparentes que le capital, fidèle à son essence
immanente, se sent à l’aise pour optimiser les
investissements qu’il a réalisés.
Ceci est encore plus évident si on considère que
l’espace géographique ne se réduit pas au paysage
observable ( terres, ressources naturelles, villes,
villages, usines, infrastructures, réseau de
transport, équipements), car les phénomènes et
relations moins visibles permettent aussi de
comprendre l’organisation du territoire, et
peut-être avec plus d’intensité et de précision.
C’est le cas des pouvoirs politiques, économiques et
financiers, des rapports et conflits de classe, de
la prise des décisions, du rôle des centres de
gestion, des flux de capitaux et des investissements
sélectifs, de la diffusion des innovations, des
économies externes, de l’avancée technologique, ou
des marchés, c’est-à-dire des facteurs qui ont une
influence décisive sur la création, la dynamique et
le contrôle des espaces et des activités qui s’y
développent, comme l’a étudié J.E. Sanchez (1981).
Toutes les formes d’expression de l’existence
humaine constituent un vecteur de communication
socio-spatial en tant que résultat et moyen de
l’action, et permet de comprendre et expliquer les
différentes unités territoriales, dans des visions
relatives du temps et de l’espace, selon
l’affirmation de I. Martinez de Erralde (2001). Les
rapports sociaux sont donc une abstraction concrète
et n’ont pas d’existence réelle si ce n’est dans
l’espace et à travers lui. C’est pourquoi on doit
valoriser les connexions existantes entre la
structure spatiale et les rapports sociaux, tout
comme les intérêts de la société et leur influence
sur la configuration de l’espace.
En suivant cette démonstration, A. López Gallero
(1999) affirme que de nos jours, la vie des groupes
humains devient de moins en moins explicable par la
relation que ces groupes entretiennent avec le
territoire où ils vivent car très souvent ils
s’inscrivent dans des flux décisifs qui ne sont pas
perceptibles, comme les mouvements financiers. Pour
M.Santos (1985), les éléments qui organisent
l’espace seraient les hommes, les firmes, les
institutions, le milieu écologique, et les
infrastructures. Dix ans plus tard, le même auteur
affirme que la Géographie pourrait être construite à
partir de la prise en considération de l’espace
comme ensemble composé d’éléments fixes et de flux.
De tous temps, il en fût ainsi, avec pour seule
différence qu’aujourd’hui les éléments fixes sont
chaque fois plus artificiels et plus fixés au sol,
alors que les flux sont chaque fois plus variés,
amples, nombreux et rapides (Santos, 1996).
En définitive, les rapports de production
socioéconomiques du mode de production capitaliste
tant du point de vue historique que du point de vue
de la mondialisation, sont déterminants pour la
création, l’articulation, et la transformation de
l’espace, comme pour la gestion et l’organisation du
territoire de la part des centres du pouvoir. Ou
bien la prépondérance du capital spéculatif, le
« rétrécissement » du monde à cause du développement
des télécommunications, l’exclusion de continents
entiers du nouvel ordre, la polarisation croissante
de la richesse, les millions de chômeurs et affamés,
les problèmes d’environnement à échelle planétaire,
la destruction de l‘ agriculture dans beaucoup
d’endroits du globe, l’augmentation de la
privatisation des entreprises publiques, la perte
progressive des fonctions de l’Etat-Nation,
l’augmentation du pouvoir et de la flexibilité des
entreprises transnationales, la divinisation du
marché ou de la libéralisation commerciale à
outrance n’auraient pas leur correspondant reflet
dans l’espace ?
Pour toutes ces raisons, et face au caractère inégal
des processus globaux, qui n’affectent pas tout le
monde avec la même intensité et de façon identique,
mais créent des déséquilibres socioéconomiques et
spatiaux généralement cachés, on a encore besoin
d’une Géographie globale et intégrale qui soit
capable de dévoiler ces processus qui accentuent la
diversité et l’inégalité socio-spatiales.
Le comportement spatial
des entreprises transnationales
L’expansion du capitalisme international dans sa
nouvelle facette mondialisée lui permet d’obtenir
des bénéfices de larges territoires. Les Etats
dominants dirigent cette expansion à travers
l’action des grandes corporations transnationales,
dont la participation dans le Produit Intérieur Brut
(PIB) mondial est passé de 17% à 30% entre la moitié
des années soixante et la fin des années quatre vint
dix du XXème siècle( Clairmont, 1997). Il
est évident que le rôle de ces entreprises
transnationales, même favorisé par le processus de
mondialisation progressif de l’économie, la
libéralisation croissante des mouvements des
marchandises et des capitaux, le développement des
transports et l’avancée des télécommunications,
concentre ses stratégies productives et de
distribution sur des territoires concrets dont il
obtient le plus grand bénéfice possible. Pour
illustrer, considérons le comportement spatial du
puissant conglomérat suisse Nestlé au Brésil qui,
depuis son siège de Sao Paulo, contrôle de vastes
espaces ruraux et urbains de l’Etat de Sao Paulo et
des autres états voisins, tout en maintenant des
relations productives, commerciales et financières
avec les principaux centres de gestion mondiaux qui
agissent de façon globale (Corrêa, 1997).
Le cordon ombilical qui unit les différentes zones
impliquées dans le processus de production et de
consommation, et à partir duquel se gère le
territoire, est le réseau d’institutions bancaires
dont la localisation et la distribution spatiale en
milieu rural n’est pas le fruit du hasard
puisqu’elle est si subtile qu’elle permet de capter
non seulement les bénéfices de l’activité
productive, mais aussi la petite épargne des
paysans. Quand ces institutions financières
atteignent certaines proportions, elles peuvent
assujettir les activités agricoles, industrielles et
tertiaires de toute la société capitaliste. En
renchérissant les conditions du crédit ou en
concédant au contraire, des prêts aux conditions
avantageuses, la banque peut priver les capitalistes
des moyens nécessaires ou leur donner la possibilité
d‘ accroître rapidement et dans des proportions
énormes la production, en augmentant leurs bénéfices
et, par conséquent, le capital. Dès lors, il est
logique de souligner le rôle que les grandes
institutions financières et leurs bras exécuteurs,
c’est-à-dire, les différentes entreprises liées aux
différents secteurs économiques, représentent dans
l’organisation de l’espace.
Le réseau bancaire, en incluant les espaces
agro-ruraux, industriels et urbains, canalise la
plus-value que génère tout l’ inextricable processus
productif pour, postérieurement, conclure ce cycle
de reproduction du capital avec son accumulation
dans les centres du pouvoir. C’est donc la dynamique
immanente du mode de production capitaliste, en
définitive, qui crée la nécessité de centres de
gestion du territoire capables d’organiser un espace
qui par définition est capitaliste dans notre
société.
M. Harnecker (1999)
affirme que le capital actuel se déplace vers les
lieux les plus éloignés du globe, comme il le fait
depuis le XVIème siècle, mais en plus
« il est capable de fonctionner comme une unité en
temps réel à l’échelle planétaire ». Il s’agit d’un
phénomène nouveau possible seulement depuis les
années quatre vingt du XXème siècle,
grâce aux avancées des nouvelles technologies de
l’information et de la communication et aux
nouvelles conditions institutionnelles qui, en
éliminant les obstacles mis en place après la
Seconde Guerre Mondiale lui ont permis de se
réaliser. C’est ainsi que s’accomplit l’analyse que
K. Marx a faite dans son œuvre Le Capital sur
la tendance du capitalisme à conquérir le monde
entier comme un marché, en réduisant les
déplacements d’un lieu à un autre à un temps
minimum.
Dans tous les cas, bien qu’il faille toujours tenir
compte de la dimension politique de la
mondialisation et du rôle décisif que détiennent les
Etats dominants dans son expansion, il n’en est pas
moins vrai qu’il serait erroné de distinguer les
objectifs gouvernementaux des stratégies des
entreprises transnationales, car par la proximité de
leurs cadres dirigeants, les principales
institutions de l’Etat sont imprégnées des intérêts
des conglomérats industriels et financiers les plus
puissants. Les gouvernants qui font jouer aux
pouvoirs publics le rôle de courroie de transmission
des intérêts des firmes les plus fortes ou des
confédérations de chefs d’entreprises n’ont jamais
manqué, soit car eux-mêmes ou leurs familles
participent de façon active à l’actionnariat de ces
consortiums, soit parce que les entreprises ont
subventionné les dépenses de leurs campagnes
électorales, les ont portés au pouvoir et ensuite
agissent comme groupes de pression (lobby), ou
encore parce que les hauts fonctionnaires de
l’Administration ont été recrutés dans l’entreprise
privée, où de nombreux hommes politiques ont
l’habitude d’atterrir quand ils abandonnent la
fonction publique.
A ce sujet, l’affirmation de J. Dewey, citée par N.
Chomsky, (1997) sur le fait que « la politique est
l’ombre des grands commerces sur la société »,
mérite bien une réflexion. Dans ce sens, les grands
conglomérats financiers, industriels de caractère
transnational apparaissent comme ceux qui forgent ce
monde inégal et interdépendant que génère la
mondialisation, elle-même impulsée par les Etats
dominants où résident ces entreprises. Ce que l’on
dénomme marché mondial n’est rien d’autre
qu’un système social dont l’évolution est déterminée
par les intérêts d’environ 5000 capitalistes et
politiques des pays centraux, qui tournent autour
des 500 principales corporations transnationales et,
de façon plus large, autour des 37000 entreprises
transnationales qui configurent les composantes
décisives du système. Les politiques néo-libérales,
qui défendent les ouvertures des commerces et la
pleine liberté de mouvement des capitaux, sont
élaborées par ces mêmes entreprises, avec la
connivence des gouvernements, qui font toujours
passer l’économique, c’est-à-dire leurs bénéfices
avant n’importe quelle considération sociale,
culturelle, politique, territoriale ou
environnementale.
Dès lors, il est logique de penser que les grandes
compagnies transnationales sont celles qui
bénéficient le plus de la mondialisation économique,
profitant de la profonde transformation de
l’organisation de la production et des autres
activités économiques, ce qui représente un
changement fondamental depuis le modèle de
production fordiste jusqu’à l’accumulation flexible
sous une forme organisationnelle décentralisée mais
compatible avec une forte concentration des
entreprises. Depuis le début des années
quatre-vingt, ces corporations transnationales ont
connu une expansion ininterrompue qui leur permet de
dominer y compris de nombreux Etats, tel que le
suggère D.C.Korten (1995).
Même en étant important, le plus remarquable n’est
déjà plus que les ventes de la General Motors
dépassent le PIB du Danemark ou que celles
Daimler-Benz-Chrysler la richesse totale de la
Norvège, mais que n’importe lequel des plus
puissants consortiums transnationaux dépasse de
manière écrasante le PIB conjoint de beaucoup de
pays développés, avec tout ce que cela représente,
là où ils s’installent, en capacité de domination ou
d’imposition des conditions de travail, sociales,
économiques, territoriales, environnementales et
même politiques.
D’un autre côté, si un seul conglomérat de ce type a
plus de pouvoir économique que beaucoup de pays
réunis, il est facile d’imaginer la capacité que
peuvent développer ensemble plusieurs de ces
entreprises pour la défense d’intérêts communs, la
soumission et le contrôle économique et financier de
blocs régionaux (comme le Mercosur, le CAN, le
Caricom, ou l’Asean), de grandes régions (comme
l’Amérique latine ou le Sud Est asiatique) ou de
continents (comme l’Afrique), surtout si l’on
considère que les vingt premières entreprises
transnationales se trouvent aux Etats-Unis, au Japon
et dans l’Union Européenne et que les participations
croisées de leurs actionnariats est fréquente.
Conclusion
Le cadre économique globale médiatisé par le
processus de mondialisation a des conséquences
néfastes d’ordre socio-économique, financier,
politique, culturel et environnemental sur la
majorité des pays. Ceux-ci perdent des parts de
souveraineté et la pauvreté y prolifère. Du point de
vue spatial et géostratégique des continents entiers
comme l’Afrique, sont tenus complètement à l’écart
du nouvel ordre mondial, tandis que d’autres zones
de la planète, comme l’Amérique latine, essayent ,
avec de grands sacrifices, d’arriver à une insertion
optimale dans l’économie et le commerce mondiaux,
même s’il est évident que leur rôle dans le
capitalisme historique comme dans l’actuelle
mondialisation les réduit à de simples spectateurs
dépendants. Le degré et la nature de l’intégration
entre les pays développés et sous-développés a
toujours été dépendante des intérêts suprêmes des
premiers, lesquels ont recours à de multiples
stratagèmes et pressions pour éviter que les seconds
altèrent de manière substantielle leur position dans
le système et le rôle qui leur a été assigné par les
puissances centrales.
Les pays sous-développés doivent rester à la place
qui leur a été assignée il y a des siècles dans la
division internationale du travail de la part des
centres de pouvoir et de décision capitalistes,
illustrant encore dans l’actualité la vieille
théorie de la dépendance ou de l’échange inégal
entre centre et périphérie. La mondialisation crée
un monde interdépendant et inégal dominé par les
pays qui voient croître continuellement leur
économie et s’élever le niveau de vie de leur
société.
La mondialisation porte en elle sa propre
contradiction interne, puisqu’elle interdit de fait
une insertion effective dans le commerce et
l’économie mondiales à beaucoup de zones de la
planète. En plus, l’histoire économique universelle
démontre que les lois du mode de production
capitaliste ne cherchent pas la pleine intégration
de toutes les nations au sein du système capitaliste
mondial, car le contraire serait agir contre sa
logique inhérente, contre sa nature essentielle. Le
capitalisme porte en lui-même le déséquilibre et
l’exclusion parce qu’en même temps qu’il crée de la
richesse, il la concentre excessivement en
personnes, en entreprises et territoires, et même
s’il garantit la croissance de la production au
moyen du progrès technologique, il tend à exclure du
marché du travail un nombre toujours plus important
d’êtres humains.
Traduction : Pascale BOURMAUD :
10, Rue
Louis Blanc 75010 Paris, Tél : 01 44 84 02 77
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