Gérard Dehier
Docteur en Sociologie
Université d'Angers
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reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
« Ainsi pour habiter votre monde, le premier homme
laissa celui-ci désert ; mais le Tout-Sage ne voulut
pas qu’une demeure si heureuse restât sans
habitants » Cyrano de Bergerac, Les États et
Empires de la Lune. »
Au-delà du dôme qui recouvrait le pont le vaisseau
déroulait au-dessus de nos têtes à une vitesse de
croisière la vue panoramique d’un espace noir entre
Terre et Lune et piquetait nos regards d’étoiles. Je
me rappelle encore de cette relation scolaire d’un
premier voyage dans la Lune. Je m’étais appliqué à
partir d’un astroport et c’était un voyage de noce,
je crois bien. Ce voyage imprégné de la Science
Fiction des années cinquante à l’aube d’une
« 0dyssée de l’espace », il aurait fallu en
rester là ne pas aller plus loin, Outland… loin de
la terre[1]
en des lieux où parfois on se met à la regretter.
Le docteur Mariam Lazarus en savait quelque chose,
« Au cours de son premier voyage, elle s’était
aperçue que le fait de dormir loin de la Terre
diminuait la fréquence de ses cauchemars (…) de
toute façon une autre raison l’obligeait à rester
dans l’espace : elle n’avait pas de foyer, nulle
part où aller, ni famille, ni racine, plus rien (…)
Elle considérait Io comme son terminus, son bout du
monde à elle[2]. »
alors que, « En ces temps-là, l’humanité avait repoussé les
frontières de son empire au-delà d’un monde unique,
au-delà de sa bulle d’air originelle. L’homme avait
envoyé des sondes à la recherche des lunes de
Neptune et creusé profondément la surface de la
Lune et de Mars.
Il avait exploité des étoiles
suspendues dans l’abîme entre la planète rouge et
Jupiter la géante. Tous ces astéroïdes étaient
durs, désolés et dangereux. Mais aucun n’était pire
que Io. Il y avait très peu d’horizon et le peu
qu’il y eût était aussi noir que la face cachée de
Pluton. À la place du ciel, il y avait une présence.
Des touristes auraient pu la trouver magnifique,
imposante, mais les touristes ne venaient pas sur
Io. Io était juste un lieu de travail où l’on
faisait de son mieux pour survivre ; La présence se
manifestait sous la forme d’un globe monstrueux et
boursouflé, strié de bandes fuligineuses et orange
comme l’enfer ; jadis l’homme l’avait baptisé
Jupiter, d’après le nom du dieu des dieux auxquels
ils croyaient alors ; les dieux des hommes étaient
transitoires ; pas Jupiter[3]. »
et, « Hommes et femmes peinant sur Io avaient trouvé
d’autres noms pour la planète géante tous colorés,
souvent scabreux, parfois scatologiques. A leurs
yeux cette planète n’avait rien d’admirable.
Elle venait inexorablement leur rappeler la
fragilité de leur position et l’énorme distance qui
les séparait de leur foyer, sur la Lune, sur Mars ou
sur la Terre[4]. »
Il s’agissait de travailler sur un gisement
d’ilménite, l’élément principal d’un métal appelait
titanium et indispensable à la construction des
coques des vaisseaux spatiaux. La mine était :
« une grande mine dont l’importance correspondait au
vaste conglomérat international qui l’exploitait[5]. »
Aujourd’hui l’humanité commence-t-elle une activité
que déjà pour la continuer sans en subir les
inconvénients il faut qu’elle s’enfuie ailleurs.
Ainsi allons-nous d’une ressource énergétique à une
autre de plus en plus dans l’urgence car dans la
concurrence à la recherche de ressources
énergétiques de plateforme en plateforme. Aussi la
terre manque d’espace, le monde est-il pas assez
grand aussi faut-il l’étendre en faisant circuler
les lieux d’un point à un autre, faire circuler le
monde autour de lui, prendre les hommes dans son
sillage, ce qui ne va pas sans « accélération »
c’est-à-dire une incapacité « à suivre » dans une
course à la performance, dont l’enjeu est la
maîtrise d’une vitesse d’exécution.
Le monde ne s’accélère pas pour tous. Certains ont
le temps de « faire leur bagage ». Il y a des îles
et des îlots, des circuits, des réseaux, des
« Républiques bananières ». Si le monde s’accélère
ce n’est pas de manière uniforme, dans un mouvement
continue, mais dans une prolifération de connexions,
un raccourcissement du temps de l’autochtonie.
Le concept d’accélération en physique et en
mécanique passe par une définition préalable d’un
cadre dans lequel on assiste à des déplacements et
des dépassements : reste que la conscience d’un
mouvement est là qui s’établit dans l’horreur et la
dénégation, le pathos de l’urgence et l’image du
chaos.
Dans le règne du flux tendu, terme de gestion qui
signifie la fin du stockage et des frais inhérents à
celui-ci, c’est les sociétés à stock (historique)
qui deviennent un obstacle. La dévalorisation du
capital (destruction du capital) le déstockage
s’accompagne d’une souffrance, celle de
l’arrachement et la délocalisation en est un des
symptômes majeurs.
Cette modalité « actuelle » de la perte du travail,
vue à l’échelle de la planète et non pas à l’échelle
du quartier, de la ville ou de la région, ou du
pays, des années 1950 aux années 1970 nous en
avons eu un avant-goût. Ce que la métropole perd en
colonie, elle le gagne en aménageant le territoire,
c’est-à-dire le territoire d’une entité nationale,
définissant le berceau : la France - d’une
population : les Français dont les contours n’ont
jamais été si faciles que ça à apprécier et dont
l’évidence n’a jamais été vraiment garantie.
Un endroit où vivre
Le local comme utopie
En 1977 sur le terrain, à la recherche de l’utopie,
celle-ci, comme spéculum d’un autre monde, me
pousse d’un bord à l’autre du manifeste, de ce qui
se donne à voir dans l’urgence : c’est là que « ça
se passe » et pas ailleurs et aussi s’exerce-t-on
ainsi à placer cet ailleurs ici et maintenant pour
qu’il existât demain. À l’époque la définition
légère, l’utopie m’était indiquée comme la chose à
vivre, le lieu où aller, l’événement qui compte. Il
fallait la voir à l’œuvre, « en être », bien
entendu ; il fallait aussi la dénoncer au besoin
dans ses effets délétères, dénoncer le lieu d’un
égarement.
Aujourd’hui je crois savoir ce que le concept
d’utopie doit non seulement à l’enthousiasme mais
aussi à ce qui le provoque : la machine à
enthousiasme, des repositionnements historiques, une
machine à explorer le présent. L’utopie nous offre
un monde vraisemblable qui s’offre dans la
transparence de ses valeurs à l’œuvre.
Mais les utopies vieillissent et nous aussi. Elles
n’échappent ni à leur temps ni à leur époque ni à
l’histoire.
Cependant si l’on oublie le temps et que l’on prenne
en compte notre aptitude à construire une mémoire,
aussi paradoxale que cela puisse être, nous avons
gardé en réserve la philosophie et l’organisation de
la cité chez Platon, le rapport au travail chez More
chez Campanella, la science, et chez Fourrier
l’attraction passionnée. Toutes questions qui
gardent toute leur actualité dans le débat d’idées
aujourd’hui, ce moment ou le « social » converse,
« babille » ou « chat ». Mais l’utopie plus encore
entend livrer les clés de l’échange social en même
temps que les conditions de celui-ci, le monde et
son mode d’emploi, la forme et le fond, la croyance
en un savoir.
L’utopie comme incitation au changement social
donnait le ton d’une effervescence intellectuelle ;
pour aller plus loin encore fallait-il mettre en
place la décomposition procédurale d’un système
d’idées pour le transformer en système de forces,
au risque de virer à l’étriqué, au mesquin et à
l’ancillaire[6].
Que devenait alors la fameuse force des idées
l’efficacité symbolique de l’univers structural? Il
y a bien au cœur de l’utopie une sensibilité à
cette vision des idées de celles qui peuvent donner
naissance à la réalité d’une machinerie conceptuelle[7].
Donc de l’idée au réel ou ce que je prends pour tel
il n’y a même pas de pas à franchir, et l’utopie
profite de cette confusion pour construire la
vraisemblance c’est-à-dire un pari sur l’instant
proche.
Mais ipso facto elle n’a pas lieu d’être si elle
veut penser l’écart, le tout autre, le radicalement
autre. Lénine ne pouvait trouver ni dans la Critique
du programme de Gotha ni dans l’Etat et la
révolution, une critique de l’Etat comme monstre
froid : peut-on penser aux extrêmes ? penser à la
fin, à la limite et à la transgression ? maintenir
le dehors dedans quand on se situait au
commencement ? La froideur bolchevique semblait
s’imposer comme l’objectivité à la subjectivité, la
règle à la fantaisie irresponsable.
L’esthétique du XX° siècle évacue-t-elle de l’utopie
le télos ? nous livre-elle celle-ci comme
inachèvement ? objet à conquérir qui offre une
place en son sein pour le jeu ? un jeu qui consiste
à modifier la destination privilégiée[8].
C’est pour cela, bien sûr, que rien n’est plus
urgent parfois de rêver d’une bibliothèque
constituée à partir des « meilleurs ouvrages de
Fourier, Owen, des Saint-Simoniens[9]
». » et de bien d’autres.
Il s’agit de trouver des idées, non seulement des
définitions et des mots clé mais surtout l’espace de
l’instant[10],
une relation de position d’existence qui met fin à
la question de « l’origine du monde[11] »,
sans que cela empêche Charles Fourier de
s’interroger :
« Qu’est-ce que l’utopie ? c’est le rêve du bien
sans moyen d’exécution, sans méthode efficace,
toutes les sciences philosophiques sont des utopies,
car elles ont toujours conduit les peuples à
l’opposé des biens qu’elles promettaient.»
Interrogation qui nous révèle peut-être bien ainsi
que l’utopie se manifeste d’abord avant même qu’on
nous ayons eu le temps de nous en apercevoir. .Anne
Cauquelin à la recherche d’une utopiologie nous la
donne dans la figure fluide du déni, du « je sais
bien mais quand même », figure désarmée du
sociologue devant l’utopiste[12].
Être de quelque part ?
La question du local se pose en France dans les
années 1970 avec entre autres un municipalisme
gramscien, c’est-à-dire l’idée d’une conquête du
pouvoir national à partir des villes, des villages
et des hameaux. Le village dans les années 1980
devient dans l’affichage électorale le fond
paradoxal d’une revendication de civilisation
urbaine où « peut-être » sera-t-il bon que « nous
gardions quelques songes vers une maison que nous
habiterons plus tard, toujours plus tard , toujours
plus tard, si tard que n’aurons pas le temps de la
réaliser¼Il
faut toujours laisser ouverte une rêverie de
l’ailleurs[13]. »
À travers la question urbaine c’est le problème de
l’intégration qui devient central.
En 1977 Lucien SFEZ rend compte d’un colloque
universitaire sur « L’objet local » qui s’est tenu
à Paris-Dauphine en 1975 ; dans sa préface il fait
état d’abord d’une crise de la « représentation »
politique, d’une disposition technique qui est censé
rendre compte d’un rapport entre un centre et une
périphérie. La décentralisation dès lors n’est
qu ‘une ruse pour accélérer (pardon : raccourcir)
les temps de décision.
« Le système national aisé par quelques sociologues
croit avoir trouvé sa réponse : elle s’appelle
« décentralisation ». par là il entend ressusciter
le local défaillant, le réanimer pour créer à
nouveau un jeu à deux, qui fonderait à nouveau la
légitimité du centre. Ruse de la décentralisation,
prise de conscience généreuse des élites
gouvernantes qui font mea culpa, qui dénoncent les
excès du centre, son autoritarisme et ses abus ; Le
central cherche alors à reporter une partie de ses
pouvoirs sur la périphérie (…) il veut simplifier et
raccourcir, transporter le centre sur la localité,
augmenter les autonomies locales (…) En apparence,
le pouvoir central se démocratise, ouverture timide
qui ne va pas jusqu’à l’autogestion (…)En réalité il
ne délègue rien d’important. Par un tout de
passe-passe renouvelé, il entend perpétuer un
système. Il ne fait plus que se représenter lui-même[14] ».
Certes il y a un local qui n’est pas codable qui
peut se lier à des grandes organisations mais aussi
s’en délier. Il travaille les multi-possibles peut
favoriser la naissance d’une société de
« composition » ou chaque unité autogérée pourrait
innover à sa guise. Il peut servir aussi :
« une société molle dans laquelle nous vivons où
toutes les justifications sont permises (…) Il ne
faut donc pas réifier le local. Il n’a pas
d’existence en tant qu’objet[15]. »
Dans les années 1980 nous avons rencontré des rêves
d’ « habité » chez les habitants de Marne-la-Vallée
dans un retour vers une terre chargée de promesse,
celle de l’enfance – ces rêves quand ils
s’exprimaient nous rappelaient que rien de sérieux
ne semblait pouvoir se faire sans une installation
dans une stratégie patrimoniale d’idéalisation du
lieu, dans un « impossible habité[16] ».
L’aménagement des villes et la recherche de
compromis sociaux, politiques et économiques donne,
nous dit Anne Cauquelin des temps à l’équilibre où :
« toutes les décisions quelles qu’elles soient
s’équivalent, toutes choses étant égales, sans jeu
de mots : quand il y a crise d’énergie que ça
piétine, qu’on n’en sort pas. Que les oppositions de
partis s’annulent, à force de se connaître et
reviennent au zéro : point d’équilibre enlisé dans
le presque bien, ou l’à peu près[17] ».
La perte du lieu :
La mondialisation ou l’arrachement au local
L’accélération du monde ou des délocalisations,
l’extension d’un point, d’un lieu à l’infini :
l’absence d’un coin dans l’univers dans un monde
entrechoqué qui arriverait déjà de loin pour laisser
sur les plages du présent « les carcasses de l’ère
industrielle, les ébauches de l’avenir[18] ».
Déjà dans le bouleversement apporté par temps des
villes à un monde du quotidien surgissent des
craquelures, des désorganisations, celle d’un
refroidissement et d’une perte d’un paysage. Mais le
monde pour apparaître ne peut se passer de témoins.
À quel type d’homme, à quel héros exemplaire et
infatigable déléguer ce rôle de témoins nous
demande Pierre Sansot[19] ?
La mondialisation comme traumatisme social
accentuerait les traits d’un paysage de guerre
économique avec les écarts accrus entre les gens,
les enrichissements plus rapides, les salaires
mirobolants et l’endettement inexorable. Les
nouvelles entreprises sur Internet ou « start-up »
ont donné le spectacle flagrant de ceux qui tiennent
les rennes, gardent le contrôle face à ceux qui
tombent et sont sacrifiés dans la compétition pour
la conquête d’un marché, tout cela en direct à
T.V ! Cela ne fait qu’accroître le désarroi des
spectateurs impuissants car les choses se font et se
défont avant même que nous ayons pu faire quoique ce
soit. Tout cela se passe trop vite et ailleurs. Le
sentiment d’un moment où « tout va trop vite », le
sentiment d’être débordé, écrasé, le sentiment d’
« en pouvoir mais ».
L’univers froid de l’entreprise qui vient
bouleverser un paysage familier à mi-chemin entre
l’espace intime et l’univers familier. Le local se
débat dans la quête d’un emploi plus que dans une
amélioration du lieu de vie : un monde de
l’entre-deux surgit. Les tenants du pour vivre
heureux vivons cachés ou du carpe diem s’animent
comme subitement obligés de courir ou de faire
courir pour vivre et au besoin pour aller ailleurs
pour survivre . « Pauvres » ou « riches » se
rejouent le jeu de la nécessité sociale dans un
monopoly mondial où s’achète et se vend force de
travail et moyen de travail, où se redéfinit même la
nature des activités. Dans une division
concurrentielle et mondiale du travail.
L’accélération du monde comme expression d’un monde
vécu social se donne tant dans le langage de
l’efficacité, du « il faut aller plus vite » que
dans celui du désespoir, du « non, nous y
n’arriverons jamais ». L’« entre-deux » est celui du
zen et contradictoirement ou simultanément
l’extrémité dans l’expression nihiliste, le refus
d’une alternative, le refus de courir. Quelle que
soit l’explication, la raison, le fait est que les
hommes et les femmes souffrent d’un monde dans
lequel l’incertitude les tyrannise et le « tsunami »
dans un sens calme le jeu un moment en le remettant
à sa place : celle d’une interrogation.
Il s’agit bien aussi de passer alliance avec un
monde éclairé, d’une nouvelle militance pour un
autre monde assumer les angoisses de la génération
du baby boum qui, de choc en choc économique, se
cherche en vain un débouché historique. Ce qui les
intéresse somme toute c’est ce monde dans lequel
elle a grandi : un vécu générationnel qui implose
inexorablement, celui d’une après-guerre mondiale et
du welfare state.
L’explication économique et les statistiques ne sont
pas en reste : par les cycles et crises économiques
nous pouvons accéder à l’importance d’un sentiment
de l’urgence, à l’examen d’une conscience souffrant
d’une perte de vitesse. Désindustrialisation,
surenchérissement énergétique, surendettement[20],
autant de problématiques qui animent le débat savant
et politique de ces dernières années. De la question
du pétrole à l’aménagement du territoire et nous
nous retrouvons sur le terrain économique et
écologique.
Partir mais où et pour quoi :
Deux mythes s’affrontent dans une conjoncture
« économique dite de la mondialisation. L’un
pérennise le lieu dans le rêve d’un « chez soi » ;
il nous installe dans les appentis d’un rêve
dynastique. Mais il nous confronte à un espoir
d’ubiquité, à un opérateur d’invisibilité :
l’argent. Entre la demeure des anciens dieux, et le
rêve d’un être partout, où le verbe avoir se
co-fonderait dans un devoir être et où la propriété
deviendrait l’essence, c’est ce rêve que nos
anciennes colonies et pays de comptoir viendraient
chez nous aujourd’hui réaliser après l’avoir
longtemps subi dans la reproduction d’une domination
Ce monde en mutation[21]
s’ouvre dans l’espace laissé en friche par l’échec
d’une sécularisation du bonheur et, nous
assisterions à la renaissance d’un monde de
« riche » face à un monde de « pauvres ». Se
rejouerait une forme déplacée du XIX° siècle et
inversée d’un type de « sous-développement » comme
une réponse du berger à la bergère. Le quotidien
serait la trace d’une France balnéaire et
touristique pour pays riches d’Europe et d’ailleurs,
d’une société française qui se serait vidée de ses
passions de deux siècles, d’un antagonisme droite
-gauche désacralisé et surtout reflet d’une comédie
du pouvoir dans un univers culturel réduit aux
acquêts :
« La culture française, avec Malraux, Camus ou
Sartre, ou encore Foucault, Barthes et Aron,
racontait les déchirements, les tragédies du siècle.
Dans une société de consommation, une démocratie
apaisée, l’Histoire laisse la place à des exigences
plus communes. Les problèmes –chômage, inégalités…-
demeurent, mais ils ne sont plus transcendés par
l’idéologie[22]. »
Loin d’une conception programmatique de la
politique, la question est moins celle de l’action
que de résister à une mise en demeure d’oublier
l’expérience historique pour la conjuguer
définitivement au passé. Sans feu ni lieu
l’imagination nous abandonne sur un chemin où nous
découvrons que nous avons été « autres » dans un
monde ancien. Nous le découvrons au moment où nous
les perdons les valeurs héritières d’une histoire
gardienne de mémoire. Ainsi nous comprenons les
refus d’une alternative entre avant et après,
l’errance, le refus de ceux qui ont rêvé un monde
autre que celui qui est en train de se construire,
qui va d’où à où ? Que faire de notre mémoire et
notre histoire ? Devons-nous inertes assister au sac
de nos rêves? partir ? peut-être, mais où ? Nous
contenter des discours de l’avenir et du
soliloque assis sur les bords du désenchantement ?
au lieu d’envisager sérieusement le monde qui se
construit dans le point de vue de l’antagonisme dans
l’interaction d’une relation ou le gagnant ne peut
exister sans son perdant. Dans la rupture il s’agit
de retrouver les fils du destin, d’échapper à
l’anonymat du « on », à une déstructuration du
social. Les humains dégagés de la facticité peuvent
regarder comme Janus soit vers le passé, soit vers
le futur dans l’attente qui tisse les fils de la
mémoire[23]et
favorise l’anamnèse des formes de l’évidence.
Pour quelle appartenance ?
Il s’agit bien de rendre compte d’une représentation
d’un rapport que nous avons aux autres dans le
spectacle que ceux-ci nous donnent d’un monde auquel
ils semblaient appartenir alors que celui-ci
maintenant les lâche. La construction de
l’appartenance ne relève pas simplement d’une
automaticité mais d’une représentation préalable
dans laquelle nous nous investissons, et où je joue
avec les autres mon existence et celle des autres,
il y va du hasard, de l’incertitude, du bonheur et
du malheur.
On peut considérer que le monde est toujours l’effet
d’une accélération dans la mesure où il demeure sous
la pression de périphérie prédatrice ; de limite.
Le stress est l’effet d’un impératif de mouvement,
donc d’un différentiel de vitesse. C’est ce
différentiel, l’écart entre l’arrière et le front,
cette projection d’une stratification sociale sur le
chemin de l’urgence, quand mon esclave court j’ai
encore le temps de marcher dans la guerre
économique. Si l’on prend en compte que le marché
n’a des prix fixes qu’à travers un ensemble de
normes ou procédure, l’intensité des affrontements
pour la fixation de ceux-ci donne la dimension
métaphysique de l’opération, une certaine vision de
la vie sociale.
Si le rapport de l’individu à la société, et
réciproquement, varie pour donner plus ou moins de
causalité à l’un des deux termes sinon à
l’interrelation elle-même, il semble qu’avec la
mondialisation impériale, coloniale ou libérale l’Un
se joue de l’Autre dans la violence de l’intrusion
marchande et politique. La structure sociale, ce
tertium gaudens[24]
rentre en crise dans la mise à mal d’une constante
anthropologique, d’un bloc problématique, l’idée
d’un tout social d’abord et d’un monde ensuite, une
prétention à la totalité. Les interrelations de
l’individu au social n’obéissent plus aux règles qui
s’expriment à travers des imaginaires spécifiques à
des ensembles symboliques[25].
Ces « imaginaires » décalés porteurs ainsi de
l’illusion vont à l’encontre de ce qui advient. Ils
soulignent alors, à travers les formes de la joie
et la souffrance, les espoirs et nostalgies à
l’œuvre, l’esprit du temps et la passion du monde.
Écartèlement
Les philosophies de l’argent et les techniques
financières nous expliquent comment piéger le monde
à travers la dette, le prêt et l’emprunt. Elles ne
règleraient pas les problèmes de la société civile
autrement qu’en la malmenant. Cette
fonctionnalisation de l’argent et son
conditionnement sociologique n’aurait plus à se
donner sous la figure de l’utilitariste et du
moraliste. La diffusion de la « valeur » à travers
le superadditum se jouerait dans une pure
potentialité et apparaîtrait démasquée. La fortune
se situerait plus que jamais par-delà le bien et le
mal dans une confusion de la question métaphysique
et financière qui nous replacerait d’une certaine
manière dans un retour à la source d’un capitalisme
naissant[26]
L’économique dès lors jouerait contre le lien social
dans une mise à nu d’un chantage à la survie
(délocalisation, externalisation, dépeçage
d’entreprises, terrorisme). Les choses trouveraient
le moyen d’échapper à la dialectique du sens « dans
une obscénité qui leur tient lieu désormais de
finalité immanente, et de raison insensée »[27].
La réduction de l’expression symbolique à une
rationalité administrative et financière disloque
un univers pour le rendre épars et confus, ainsi que
le rapport 2248 de la délégation à l’aménagement
durable du territoire.
Les seules lignes nettes seraient-elles celle du
visage de Largo Winch et de l’épopée financière[28].
Le paroxysme ostentatoire de la consommation ? Ainsi
peut-on imaginer l’individu trop vieux et le voir
surgir dépressif ou empathique : le savoir mourir
devient la philosophie de l’heure. Faire son deuil
devient un rituel à mettre en œuvre durant la vie.
C’est la société du licenciement ou du « plan
social ». La difficulté d’être, poussée au
paroxysme, nous donnerait l’extase et l’inertie d’un
individu écartelé entre ce qu’il est et ce qui le
constitue : la mondialisation dans cette perspective
est une désocialisation où l’identification du lien
social n’arrive pas à se faire et où Rome n’est plus
dans Rome.
Le mouvement:
La fatigue d’être soi ainsi devient l’effet d’une
double dépossession, de soi et d’un monde[29]
en voie d’épuisement et non seulement l’effet d’un
sujet incertain, d’un dépressif irresponsable. Pour
Alain Erhenberg les héros sont fatigués par le poids
du possible. Il nous dessine un individu
insuffisant perdu dans un monde non identifiable où
l’affirmation de soi est obligatoire. Cette
inflexion vers cet impératif que Erhenberg situe
dans les années 1980. trouve sa preuve dans le
succès des émissions télévisées où la ménagère de
moins de cinquante ans peut « livrer les moindres
détails de sa vie privée ». La télévision serait le
lieu où chacun se rassure sur sa conformité au monde
en l’absence de rôles sociaux clairement définis,
tout au moins semble-t-il serait-ce ce que l’on
voudrait nous faire croire et c’est déjà beaucoup en
direction d’une mise en réseau accentuée.
Mais pour
cela il faut que l’individu sans territoire soit
accompagné et modifié plus ou moins constamment tant
par la pharmacologie, le « thérapeutique », que le
socio -politique[30].
Il ne s’agit pas simplement de devenir soi, « de
partir béatement à la recherche de son
« authenticité. » Il faut encore agir par soi-même,
s’appuyer sur ses propres ressorts internes, dans
une action individuelle[31].
L’homme en mouvement efface les frontières entre le
citoyen public et l’individu privé ; il trouve
l’émancipation et l’action démesurément étendue de
la responsabilité individuelle qui lui donne
l’impression d’une « désinstitutionalisation »
massive. Mais ce n’est qu’une impression nous dit Erhenberg car plus que jamais l’individu se trouve
sous la pression de l’étatique, du professionnel, du
scolaire et du privé et qu’il s’agit pour ces
acteurs multiples, nous dit-il, de « produire une
individualité susceptible d’agir par elle-même[32] ».
L’individu se trouverait au pied du mur et sommé en
sorte d’être à lui tout seul l’ensemble des
institutions ce qu’il a d’ailleurs d’une autre façon
toujours été dans un rapport aux autres bien sûr
que certains voudraient modifié dans une
renégociation féroce du contrat social dans une
confusion du « social » et du sociétal.
George Balandier nous rappelle que toutes les
sociétés sont confrontées au désordre, leur ordre en
est indissociable. Celles que la tradition gouverne
encore se définissent elles-mêmes en terme
d’équilibre, de conformité, de stabilité relative ;
elles se voient comme un monde à l’endroit où le
désordre peut avoir des effets négatifs et mettre
toute chose à l’envers.
On tente de faire de l’ordre avec du désordre, de
même que le sacrifice fait de la vie avec la mort,
de la loi avec de la violence domestiquée par
l’opération symbolique. Puisqu’il est irréductible,
inévitable et nécessaire, la seule issue est
d’utiliser à sa propre et partielle neutralisation
et de le convertir en facteur d’ordre. Il devient
ainsi l’instrument d’un travail positif.
La modernité, c’est le mouvement plus
l’incertitude ; elle avive la conscience de
désordre. Le recours à l’explication par le désordre
manifeste la réalité présente en certains de ses
états : il révèle la quasi impossibilité de la
comprendre autrement, il révèle de la logique
constitutive des mythes contemporains. Une
exploration interprétative, sociologique et
anthropologique permet d’identifier des figures
actuelles de désordre l’événement brutal, l’épidémie
et le mal, la violence et le terrorisme et des
formes de réaction à l’irruption du désordre la
réponse totale ou totalitaire, la réponse de la
personne par le sacré, la réponse des pragmatiques
par le mouvement.
Georges Balandier présente le couple ordre -désordre
dans ses rapports au mythe, à la science et au
savoir social. Au terme, un éloge du mouvement, afin
de dissiper les craintes et mettre en garde contre
les tentatives d’exploiter la peur confuse qu’il
nourrit. La pensée de ce temps, située en ce temps,
conduit inévitablement à penser le mouvement et
une politique de la mondialisation :
« Mais des questions harcelantes n’en demeurent pas
moins posées et notamment celle-ci : comment une
certaine organisation peut-elle naître du chaos ,
comment du nouveau parvient-il à surgir de l’ordre
et à échapper au contrainte que celui-ci définit[33] ? »
De même pouvons -nous nous interroger sur la
question de savoir comment nous pourrions instaurer
ou restaurer un ordre quand celui-ci semble
s’absenter ?
L’institué absent et l’individu en panne
Quel rôle jouer ?
Dans un monde qui s’étend trop vite où les rapports
se rétrécissent et l'institutionnalisation étend la
portée des actions sociales à l'ensemble de la
collectivité, la réduction du nombre des rôles à
apprendre appauvrit la médiation entre univers
macroscopiques et univers subjectivement réels. Les
individus s’effacent et les rôles n’apparaissent
plus comme des représentations institutionnelles,
l’accès à un ensemble de connaissances jusqu’alors
institutionnellement objectivé.
Deux perspectives ainsi deviennent exclusives l’une
de l’autre. L’une peut se résumer dans la
proposition suivante : la société peut exister sans
que les individus soient conscients d'elle, l’autre,
dans l'affirmation d'une détermination sociale de la
conscience individuelle en dehors de tout lien
social. Ainsi peut-on penser une société
schizophrène où l’individu et l’Autre ne se
retrouvent plus dans l’idée d’une appartenance
commune à un monde.
Les individus en quête d’auteur retrouvent la
« geste » fondatrice du refus. La « société », en
l'occurrence les institutions se retirant de
l'expérience individuelle, se réactivent des rôles
fondateurs, (révoltés, libertaires, sauvageons) et
c’est à travers ceux-ci que l’individu cherche à
nouveau à se définir dans la double perspective de
l'ordre institutionnel et du rôle en redécouvrant
les mouvements et les collectifs, ces formes de
sociabilité de transition qui vont d’un point à un
autre de la socialité.
Pour quel ordre partagé ?
L'ordre institutionnel a dès lors une perspective
sur le rôle qui réduit celui-ci à un élément
subordonné. Le sens objectif de l'ordre
institutionnel ne se présente plus à chaque individu
comme donné et généralement connu, et socialement
pré-donné en tant que tel. S'il y a le moindre
problème, l’individu ne sait plus les résoudre car
il ne sait plus intérioriser des significations
socialement acceptées[34]
L'ordre institutionnel cependant n'a pas tout
pouvoir car il doit trouver des explications à la
légitimité de son intervention. Habituellement il se
fonde sur des univers symboliques et des machineries
conceptuelles. Les univers symboliques se
désintègrent et les différents domaines de
significations qui englobent l'ordre institutionnel
dans une totalité symbolique reprennent leur
indépendance respective. Sauver son âme ou devenir
riche un jour, l’un n’est plus le signe de l’autre.
Les machineries conceptuelles n’assurent plus la
maintenance du symbolique pour se contenter de la
gestion sémiotique des produits de l'activité
sociale. Elles entraînent une systématisation
normative des légitimations cognitives sans recours
aux univers symboliques, refoulent mythologie,
théologie, philosophie et science ; il n’est plus
nécessaire de savoir qui est Gérard de Nerval, Biron
ou Lusignan, le Prince d’Aquitaine à la tour abolie[35].
Les « moments utopiques[36]
»
Un monde à construire
Quand les conflits deviennent graves et portent
atteinte à l’univers symbolique car les
« habitants » d’un univers défient le statut de
réalité de celui-ci, l’univers « officiel » en
danger, remet en mouvement différentes machineries
conceptuelles destinées à maintenir l’idée du monde
dans lequel nous sommes, du monde vers lequel nous
nous déplaçons, ou encore des mondes dont nous
venons. aussi peut-on repérer des machineries
conceptuelles alternatives, qui permettent de
traiter la question de la réponse à donner à des
situations où l’absence de solutions immédiates
permet d’imaginer le changement.
La République de Platon et le savant Louis Pasteur,
les images dont nous tirons simultanément une vision
de la complexité et de la résolution des problèmes,
la vie des hommes illustres, les œuvres et destins,
de Thomas More ou de Tomaso Campanella, sont autant
d’expressions de ce souci de faire écho à des
univers symboliques et en préparent la venue. Ces
univers toujours susceptibles d’être interprétés
d’une nouvelle manière en fonction d’un contexte
historique et qui se présentent avant tout comme un
ensemble de critiques pré-organisatrices et
programmatrices.
Utopie et héros
L’utopie propose ainsi un univers symbolique
alternatif dans la perspective institutionnelle,
celle d’un monde à créer, avec le héros dans la
perspective du rôle, l’habitant de ce monde et son
promoteur. Rebelles à leur époque ou exemplaires de
celle-ci, les utopies ( et hélas ! les
contre-utopies) posent la question de l’ordre et du
désordre, et par là même, la question du changement.
Les successeurs contemporains de Machiavel rêvent
encore d’un Prince moderne et d’une bonne
gouvernance, alimentent les rouages des machineries
actuelles. Si l’utopie met fin à la tentation
héroïque, et nous place dans l’attente de solutions
collectives, « les utopiens attendent sans perdre
l’espoir »[37]
et le héros dans l’action met fin à l’hésitation.
Ce héros Merleau-Ponty en reconnaissait la figure
dans un monde en perdition où il maintenait la
continuité d’un monde éclaté. Il n’est ni « un
sceptique un dilettante ni un décadent. ». Homme de
la situation, il a fait l’expérience « simplement
du hasard, du désordre et de l’échec », de la
Guerre d’Espagne, de juin 40[38] ;
enfant de la déréliction saura-t-il « dire oui tout
de même à la vie »[39]
,
Le héros de Michel Maffesoli, voisin du précédent,
semble accepter son destin, la determinatio comme
expérience inéluctable de vie. S’il dit oui ce n’est
pas dans un optimisme béat mais dans le tragique de
la limite car « il est vain de nourrir un optimisme
béat[40]»
dans un univers qui toujours fait resurgir l’ordre
de la différence et sa cruelle harmonie. Cet être
tragique et mélancolique rentre dans l’acre jeu du
monde, entre théâtralisation et vie concrète il
accomplit les rites qui lui éviteront de se perdre
tout en avançant masqué, de participer au théâtre
du monde social pour affronter le monde :
« le rituel est cela même qui peut permettre à cet
individu organique qu’est le social d’exister en
tant que tel[41] »
Si le style fait l’homme, il fait aussi le monde et
il est celui par qui l’homme maintient le monde. Le
héros est, par là même, celui qui, se maintenant,
maintient le monde dans lequel il se trouve. Campé à
la verticale du lieu comme dans le « Romancero de la
résistance espagnole[42] »
où ce héros est porté par les vents du peuple. Dès
lors l’attention au style n’est pas de l’ordre du
frivole à partir du moment où celui-ci donne la
forme ultime d’une détermination extrême.
Ainsi somme nous reportés à un temps des
commencements où les hommes et les femmes dans la
tension transforment l’espérance en rupture avec
l’ordre établi, le temps de l’attente d’une nouvelle
société, d’une rencontre avec les turbulences de
l’histoire qui masquent un temps le retour des
figures de la singularité qui viendront délimiter de
nouveaux patterns et donner les contours des « divers éléments qui font sociétés, montrer leur
interaction et repérer le fil rouge qui les unit[43]. »
Retrouver un monde :
Aujourd’hui de Nouveaux Mondes s’ouvrent à
l’exploration. Les sciences de la vie, les automates
et systèmes intelligents, les techniques de la
communication et l’imagination accèdent aux univers
du virtuel et du rituel. Une même logique, celle
d’un Grand Système planétaire, donnera-t-elle le
vrai visage de la mondialisation ?
De ces mondes nous sommes à la fois les indigènes et
les étrangers. Ils nous dépaysent par ce qu’ils
introduisent d’inédit, par la puissance qui s’y
déploie, et nous effraie par la perspective de
l’errance obligatoire, de la fin du droit de cité
et de toutes finalités terrestres[44] ?
d’une mise sur orbite anticipée de nouveaux migrants
pour un navire-étoile en direction de Pollux[45],
une zone d’activité économique intergalactique.
Aussi Edgar Morin nous propose-t-il pour échapper à
l’enfer, d’ores et déjà de renoncer au salut non pas
dans la mise en tension d’un rapport à la limite
mais dans une restauration de la pensée. L’homme
voué de toute façon à se perdre quand il navigue
dans l’espace loin de la terre dans l’amas de la
Vierge il ignore la très marginale Voie lactée et
passe loin du petit soleil périphérique :
« Comme Robinson dans son île, nous nous sommes mis
à envoyer des signes vers les étoiles, jusqu’à
présent en vain, et peut-être en vain à jamais. Nous
sommes perdus dans le cosmos[46]. »
En conséquence de quoi reste à prendre conscience
que la vie fait l’espérance, L’inconcevable ne se
conçoit jamais avant qu’il ne soit conçu, l’histoire
heureuse est toujours le fruit de l’improbable, le
sous-sol est transformé avant que la surface ne soit
atteinte, là ou croît le péril croît aussi ce qui
sauve et nous ne sommes pas à la fin des
possibilités anthropologiques, cérébrales et
spirituelles, l’hominisation n’est pas terminé et il
reste des possibilités historiques. L’homme
co-pilote de la terre ne doit pas mettre l’avenir en
cage[47]
à l’instar de la contre-utopie, ne pas douter tous
ces mondes possibles dont il est le rescapé, et
s’armer d’une ardente patience dans une lutte
initiale[48]
et initiatique.
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Foster, Outland …loin de la Terre,
Ed. illustrée « J’ai lu », 1981
Alan Dean Foster, op.cit,, p. 91.
Ibid., p. 7.
Op. cit., p. 7
Op. cit., p. 11
Jacques Rancière,
« Utopistes, Bourgeois et prolétaires », in
Le discours utopique : Colloque de Cerisy,
sous la dir. de Maurice de Gandillac, 1978,
IV, p. 69.
Ce qui vaut à
l’épistémologie platonicienne de tenir
encore la route et de se voir encore
qualifier réalisme des essences ; cf. Paul
Ricœur, Être, essence et substance chez
Platon et Aristote, Cours professé à
l’Université de Strasbourg en 1953-1954.
Catherine Piron,
« Lettres et esprit de l’utopie » in
Le
discours utopique : Colloque de Cerisy,
sous la dir. de Maurice de Gandillac, 1978,
IV, p. 21.
Lettre d’Engels à
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Correspondance, Ed. Sociales, paris 1971,
p. 366, cité par George Labica, in « Sur la
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de Cerisy, Le discours utopique,
sous la direction de Maurice de Gandillac,
1978, 10/18, p. 53.
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La poétique de l’espace, p. 68-69 cité
par P. Sansot, Les gens de peu,
P.U.F., coll. « Sociologie d’aujourd’hui »
Paris, 1991, p. 47.
L’objet local,
Colloque dirigé par Lucien Sfez, 10/18,
1977, p. 11.
Op. Cit.,
p.14.
Gérard Dehier,
« l’habitant est-il moderne ? », in « Art
de Vivre », sous la direction d’Hélène
Houdayer, cahiers de l’Imaginaire, n° 18,
1999, p. 23.
« L’utopie ou le
passage des eaux », op. cit., p. 93
et sq.
Pierre Sansot,
Variations paysagères, kliensiek, paris,
1983, p. 145.
Op. cit., p.
151.
Le monde, du
27/04/05, La manchette du jour : Forte
augmentation des cas de surendettement : Les
organismes de crédit et les établissements
bancaires sont pointés du doigt. Alors que
le nombre de dossiers déposés en commission
de surendettement a augmenté de 13,7 % en
2004, ces professions sont accusées d'avoir
favorisé le phénomène. Des créanciers ont
fourni 40 crédits à Julien, et ont hurlé
lorsqu'il n'a plus payé. La Belgique a créé
un fichier recensant tous les crédits en
cours.
Sur ce point cf.
Sortie de siècle, sous la dir. de
Jean-Pierre Durand et François-Xavier
Merrien, Vigot, paris, 1991, chap. 15, :
« la France dans le monde : l’interrogation
identitaire »
Op. cit., 423.
Michel Maffesoli,
Logique de la domination, PUF, p. 153
et p. 41 à 43.
G.Gurvitch, sous la
direction. de, Traité de sociologie,
1967, p. 207.
G. Durand,
L’imagination symbolique, P.U.F., Paris,
1968.
Georg Simmel,
Philosophie de l’argent, P.U.F., 1987,
p. 254 et 333.
J. Baudrillard,
Stratégies fatales, 1983, p.7.
J.
Baudrillard, op. cit ., 1983, p.7.
J. Baudrillard, op. cit.,1983, p.7.
La fatigue d’être soi : dépression et
société,
Poches Odile Jacob, 1998, 2000, p. 207 et
sq.
Op. cit., p.
209.
Op. cit., p.
288.
Le désordre :
éloge du mouvement, Paris, fayard, 1988,
p. 9-10
P. Berger et T.
Luckmann, La construction sociale
de la réalité, Paris,
Méridiens- Kincksieck 1986, p. 115.
Tzvetan Todorov,
Symbolisme et interprétation, Seuil,
coll. Poétique, 1978, p. 78.
Sur le concept de
« moments utopiques » voir notre thèse :
Représentations sociales et « moments
utopiques » : enfance, habitance et
militance, Université de Nantes, 21 juin
1999.
Rudolf Rezsohazi,
La nouvelle utopie, de optimo
republicae statu, Editions Racine, La
libre Belgique, Bruxelles, 2002, p. 256
Maurice
Merleau-Ponty, Sens et non-sens,
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Michel Maffesoli,
La contemplation du monde, Paris,
Grasset, 1993, p. 93.
Michel Maffesoli,
La conquête du présent, PUF,
« Sociologie aujourd’hui », 1979, p. 109 et
sq.
Op. cit., p.
193.
Dario Puccini, Petite
collection Maspero, 1960, p. 79.
Michel Maffesoli,
La contemplation du monde. Figures du style
communautaire, Grasset, paris 1993, p.
33.
E . Morin, B. Kern,
Terre-Patrie, Seuil, 1993.
E.C. Tubb,
Objectif Pollux, Editions Ditis, ;
Paris, 1960.
[46] E . Morin, B. Kern, op.
cit., p. 194
Il faut lire sur
cette question David Morin- Ulmann « les
cages de l’avenir. »
E . Morin, B. Kern, op. cit., p. 217.
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