>Equipe Lestamp Fiches individuelle des Membres
Université de Nantes sociologie  Colloque Sociétés de la Mondialisation
 

Cliquer sur l'image...

 
Université de Nantes Sociologie
 
Prolétarisation des mondes ouvriers
Nantes L'excès-la-ville Histoire Sociologie
Le rire de Norma Jean Baker Marylin 2012
Hommage à C Leneveu.-Il n'est pas besoin..
A so small world : interdit sociologique
Traces et contrastes du décor populaire
Variations anthropologiques
Hommage C Leneveu-Le poids la perte des mots
Les ouvriers des chanson
L'envers du décor : les peuples de l'art
Les ouvriers Nazairiens ou la double vie
Parlers ouvriers, parlers populaires
Corps et imaginaire dans la chanson réaliste
Apocalypse à Manhattan
Du commun, Critique de sociologie politique
Des cultures populaires
Odyssée du sujet dans les sciences sociales
Espaces-Temps Territoires/réseaux
ebook Bilan réflexif Itinéraires Sces sociales
Rapport à l'écriture
Sciences sociales et humanités
Un "art" contre-culturel, la rave..
Le temps incertain du goût musical
 
 
Les peuples de l'art
French popular music
Libre prétexte
De Bretagne et d'ailleurs
Eros et société Lestamp-Edition 2012
Des identités aux cultures
The societies of globalisation
Changements sociaux/culturels ds l'Ouest
Saint-Nazaire et la construction navale
L'ouest bouge-t-il ?
Crises et Métamorphoses ouvrières
Usine et coopération ouvrière
Transformation des cultures techniques
E Piaf La voix le geste l'icône-Anthropologie
La CGT en Bretagne, un centenaire
Espaces Temps & Territoires Lestamp-Ed.

Edith Piaf La voix le geste l'icône
 
    __________________

Evenements Annonces Reportages

____________________
 
25, Boulevard Van Iseghem
44000 - NANTES
Tél. :
Fax :
02 40 74 63 35, 06 88 54 77 34
02 40 73 16 62
lestamp@lestamp.com

  > Newsletter lestamp  
 

www.sociologiecultures.com Découvrez des synthèses portant sur des thèmes de la sociologie et du développement des cultures populaires, de l'esthétique de la chanson, des connaissances appliquées. Des tribunes s'engageant sur le rapport de l'anthropologie fondamentale des sociétés et des politiques aux sciences sociales, des liens vers des sites web de référence. Si vous voulez les télécharger en vous abonnant, Lestamp-copyright. cliquez ici.

 
 

Galerie Delta Paris 7 09 2012 J A Deniot M Petit-Choubrac,J Réault  L Danchin, J L Giraudtous édités au  Lelivredart

 
Sociologie Nantes

 

Joëlle Deniot Professeur de sociologie à l'Université de Nantes - Habiter-Pips,  EA 4287 - Université de Picardie Jules Verne - Amiens Membre nommée du CNU Affiche de Joëlle Deniot copyright Lestamp-Edition 2009

 
Sciences sociales et humanités Joëlle Deniot et Jacky Réault : colloque l'Eté du Lestamp avec HABITER-PIPS Université de Picardie Jules Verne.

Université de Picardie Jules Verne- LESTAMP, Amiens H-P Itinétaires de recherche à l'initiative de Jacky Réault

Joëlle Deniot et Jacky Réault Etats d'arts Affiche de Joëlle Deniot copyright Lestamp--Edition 2008



 Joëlle Deniot Jacky Réault 2006 Invention de l'Eté du Lestamp devenu Colloque du Lieu commun des sciences sociales

 
 
Prise de parole en public
Gestion des connaissances KM
Gestion des conflits
Bilan professionnel
Ingénierie de formation
Certification des formateurs
Préparation au concours
Orientation professionnelle
Formation au management public
Conduite de réunions participatives
Gestion du stress au travail
Management de projet
Réussir la prise de poste
Formation coaching de progression
Conduite du changement
Université de Nantes Sociologi eJ Deniot J Réault  CDrom The societies of the globalization Paris LCA 2007

Nantes sociologie

Pour un écosystème réel et virtuel des social scientists  et des sites ouverts à un lieu commun des sciences sociales et à la multiréférentialité

Revues en lignes,

-Pour un lieu commun des sciences sociales

 www.sociologie-cultures.com  

-Mycelium (Jean-Luc Giraud, Laurent Danchin=, Cliquer pour découvrir les nouveautés de septembre 2012

-Interrogations

http://www.revue-interrogations.org/actualite.php?ID=95li

Cliquez sur l'image pour accéder au film sur Youtube Joëlle Deniot. Edith PIAF. La voix, le geste, l'icône. de ambrosiette (Jean Luc Giraud sur une prise de vue de Léonard Delmaire

 


 

 




 

Mondialisation, dynamiques territoriales et crises des identités : du local à l'Europe


 

Ali Aït ABDELMALEK
Maître de Conférences H.D.R. de sociologie - LADEC, Rennes II
Droits de reproduction et de diffusion réservés © LESTAMP - 2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France N°20050127-4889



Fondé sur une série d’enquêtes en Bretagne, et en particulier d’entretiens avec des élus régionaux et syndicaux (dirigeants agricoles), qui contribuent à donner du sens aux dispositifs institutionnels d’action publique et aux pratiques professionnelles (des travailleurs de la terre), cet article tente de rendre compte du “ fonctionnement ” de cette Europe dite “ communautaire ”, comme institution économique, politique et culturelle, qui a des effets multiples sur les agriculteurs situés et professionnellement organisés dans des micro-territoires. Ces nouveaux espaces de solidarités et de conflits apparaissent comme des mailles de plus en plus importantes du tissu social en interactions avec les régions et les États-nations. Nous avons fait l’hypothèse que la professionnalisation des agriculteurs a aussi instauré une rupture entre les chefs d’entreprise et leur environnement local. Ces agriculteurs s’organisent avec des acteurs situés en dehors de la profession pour qu’elle ne se désarticule pas.

La réflexion sur les professions et sur les territoires est, à la fois, ancienne et récente. Elle coïncide d’abord avec la naissance de la sociologie : l’intensification de la division du travail, le processus de spécialisation dans les usines et les structures bureaucratiques, les transformations des rapports sociaux et les principes sur lesquels s’appuie la nouvelle société (capitaliste, industrielle et moderne) sont au cœur des théorisations d’Emile Durkheim et de Max Weber, figures généralement reconnues comme fondatrices de la sociologie (Aron, 1967, Ferréol, 1992).

Leurs réflexions annonçaient la majorité des objets et champs d’étude couverts par la sociologie : Marx dénonce l’exploitation de la classe ouvrière et son aliénation, en analysant les relations entre le capital et le travail comme “ nouvelle forme de rapports sociaux ” ; Weber constate le “ désenchantement du monde ” lié au processus de rationalisation croissante qui débouche que le capitalisme et les organisations bureaucratiques ; enfin, s’inquiétant de la cohésion sociale, Durkheim voit dans les interdépendances dues à la spécialisation une nouvelle forme de division du travail substituant la solidarité “ organique ” à la solidarité “ mécanique ”. Ces réflexions ont porté également sur le développement de l’Etat qui se chargeait, de plus en plus, de réguler les rapports sociaux. Fer de lance - et talon d’Achille - de la construction européenne, la politique agricole commune (PAC), qui révèle les contradictions insurmontables des règles actuelles du jeu économiques, s’impose très fortement aux agriculteurs et aggrave les clivages entre différents groupes de producteurs. Faute d’être modernisées, de nombreuses exploitations ont été (et seront) éliminées rapidement.

L'Europe est, comme l'a appelée Edgar Morin, notre "communauté de destin" ; elle est, en tout cas, une identité qui reste à définir : "L'Europe n'émerge nullement d'un passé qui la contredit. Elle émerge à peine de notre présent parce que c'est notre futur qui l'impose"
[1]. Notre constat, à ce sujet, est le suivant : le passé se réfère aux identités construites et élaborées lors du processus de formation des Etats-nations (Schnapper, 1994). D'où d'innombrables débats et questions concernant, d'un côté, ce que nous avons appelé l'idéologie nationale et de l’autre, sur une identité européenne qui est fondée sur une utopie communautaire. Comment combiner cette idéologie nationale et l'identification d'une culture politique européenne ? En fait, s'interroger sur un nouvel espace politique revient à s'interroger sur la constitution d'un nouveau modèle de société. S'il existe une assez longue tradition d'étude des "médiations institutionnelles" dans les champs psychanalytique, psychologique ou psychosociologique[2], les analyses concernant les institutions et les organisations comme médiations sont plus récentes en sociologie. Longtemps, les organisations ont été réduites au rôle de relais ou d'exécution, et ont été étudiées séparément, de façon juxtaposée ou cloisonnée. Peu de travaux, à l'exception peut-être de ceux de J.-P. Darré (1985), ont essayé de comprendre l'interaction, d'ailleurs complexe, entre les différents acteurs que sont les agriculteurs, les hommes politiques, et les techniciens, et la complexité des stratégies territoriales.

Que signifie pour les producteurs agricoles - et pour les autorités politiques locales - l'émergence sous nos yeux d'une "société" européenne ? Quels enjeux et perspectives se dégagent pour l’aménagement du territoire, en notamment pour la régionalisation ? Ces sujets sont abordés au fil de notre communication, organisée en deux sections : on commencera par présenter la problématique, en précisant le sens du concept de “ médiation institutionnelle et organisationnelle ”, afin d’analyser, notamment, le rôle des organisations professionnelles agricoles ; à travers l’évocation des niveaux territoriaux, “ du local à l’Europe ” ; on présentera, dans la deuxième section, les représentations et les stratégies des agriculteurs, en particulier par rapport à l’Europe “ comme utopie communautaire ”.

– Formation de l’Europe et déconcentration administrative en France


La pertinence d'une approche par les "médiations institutionnelles et organisationnelles" (M.I.O.)


On peut dire que le territoire - régional, par exemple - est le lieu où se construit l'identité sociale des individus. A cet égard, il est important de rappeler que l'identité individuelle est toujours liée à des représentations collectives plus larges ou plus ou moins profondes[3] : appartenances “ ethno -territoriale ” (les Bretons du “ Pays de Redon ”, par exemple, étudiés ici), nationale (les Français) et supra - nationale (les Européens). On s’interroge, ici, sur les relations que les groupes entretiennent entre eux, et plus encore sur les interactions entre les individus. L’appartenance se vérifie par des pratiques collectives ou individuelles. Distinction, mais pas autonomie totale ; les individus agissent dans des contextes sociaux différents ; ils ont des expériences diversifiées du monde social. La culture des agriculteurs - qui contribue, en fait, à les définir - renvoie à un ensemble de croyances et de représentations propres à les situer et à leur permettre d'interpréter leur environnement. La notion de contexte social procède d'une approche qui part de l'individu, contrairement à une vision sociologique dans laquelle l'individu serait un "chien bien dressé qui tracerait son chemin dans un labyrinthe institutionnel"[4] et dont l'action ne serait qu'une réponse au milieu.. Particularité donc mais dépendance : l'individuel et le collectif sont inter-reliés entre eux par des médiations[5]. Dès lors, nous devons souligner l'apport de l'environnement social à l'interaction entre le groupe et l'individu. Nous rejoignons l’analyse d'A. Touraine dans "la conscience ouvrière"[6], où il est question d'une trilogie instituante comprenant "identité, opposition et totalité", en posant l'hypothèse que l'identification à un territoire, chez les exploitants agricoles, se conjugue parfois avec des types antinomiques de relations ou de situations.



Du local à l’Europe : des régulations croisées


Pour décrire le jeu de négociations conflictuelles - que l’on retrouve à tous les niveaux, et qui laisse une autonomie réelle, mais relative, aux acteurs sociaux - et pour délimiter de façon plus précise notre objet de recherche, on a distingué trois logiques différentes, quoiqu'interdépendantes : la logique
professionnelle[7] - dont il sera que très peu question ici -, la logique politique nationale et, enfin, la logique communautaire (des instances européennes). Il est clair que l'"Europe", dans sa réalité concrète, semble être, plutôt qu'une pyramide harmonieuse et régulière, un ensemble complexe de contrôles croisés[8] - aux résultats difficilement prévisibles à terme - qui assurent une stabilité et un équilibre relatifs, en limitant “l'explosion" d'un système, qui, malgré sa complexité, existe et fonctionne. Une méthode féconde pour étudier les organisations professionnelles agricoles (O.P.A.) et les institutions agraires puis leur évolution, consiste à effectuer des recherches sur la mise en oeuvre de la politique de décentralisation élaborée par le gouvernement français. Le choix de la réforme de 1982 comme objet d’analyse procède de plusieurs raisons. Elle intercale, entre le niveau départemental et le niveau national, un échelon intermédiaire. Or cette strate territoriale qu’est la région occupe une place stratégique dans les problèmes de décentralisation de la France et de mise en place d’une politique communautaire. Le lien “Profession-Etat” n’est-il pas, aujourd’hui, de plus en plus médiatisé par la région ?

On peut reconnaître en effet qu’il existe une coopération poussée entre les responsables des institutions politiques et ceux des organisations administratives qui interviennent dans la gestion publique locale et régionale. Il existe un “champ d’interaction”, un système stable, que l’on a appelé territorial, et qui, par hypothèse, obéit à deux logiques opposées. L’un des systèmes forme donc un réseau, formel et informel, de relations fondées sur une même logique qu’on nommera “nationale” : la commune, le département et l’Etat-nation français. Les enquêtes menées sur les institutions publiques et les O.P.A. ont montré aussi une autre filière, comme si deux rationalités étaient entrées en compétition : il s’agit de la logique “ethno-territoriale et européenne” dans laquelle on trouve le micro -territoire (le “pays”, par exemple), la région et l’”Europe” communautaire. Notre époque, qui couvre les phases pré et post 1968 qui ont institué l'Europe communautaire, peut être caractérisée par un paradoxe : on assiste, en fait, à une tension entre l'idéologie nationale, propre aux "Anti-Europe", et l'utopie communautaire ; les européanistes n'hésitent pas à se référer, en effet, à la force de l'utopie dans leur projet politique, économique et culturel[9]. Une analyse peut être tentée en distinguant successivement deux “ logiques territoriales ” différentes. Les institutions et les organisations s’inscrivent ainsi, par hypothèse, dans les régulations croisées[10] suivantes :

Figure 1. - “Niveaux territoriaux et entités hiérarchiques”

“LOCAL”    <----------------------------------------------------------------------------------------->   “GLOBAL”

famille-exploitation”    <------------------------------------------------------------------------>   “espace mondial

Commune  <-------------------------------------->  Département  <----------------------->    Etat-nation

 

“Pays”   <----------------------------------------------->  Région   <------------------------------>  U.E./PAC

Chaque échelon, y compris le niveau mondial[11] – l’Union européenne n’est, en effet, qu’une “ macro-région ” parmi d’autres -, est à la fois régulé et régulateur et se trouve, dans la réalité, simultanément engagé dans des relations avec des “partenaires”. Cette série de relations, symbolisées (fig. 1) par des flèches, s’emboîtent les unes aux autres et sont inégales[12].



Cultures de l’espace : mono-territorialité et pluri-territorialité


Talon d’Achille de la construction européenne, la PAC, qui révèle les contradictions insurmontables des règles du jeu économiques actuelles, s’impose très fortement aux travailleurs de la terre et aggrave les clivages entre différents groupes de producteurs. Faute d’être modernisées, de nombreuses exploitations seront éliminées rapidement. Concernant à présent comment, dans un tel contexte, se nouent les liens entre les travailleurs de la terre et le territoire, nous allons voir que, tout en présentant de larges homologies avec la ville, le village, vu la spécificité du travail de la terre, va donner à ces traits communs une signification différente : lieu de la transformation, qui modifie le lien avec la nature[13] et se place d’emblée dans la perspective d’une reproduction économique élargie (et donc d’un jeu à somme croissante) ; dans le village, ce sont, de moins en moins, les activités agricoles qui restent centrales. Par ailleurs, si la ville stimule la formation de réseaux relationnels et la pluralité des territoires à partir des échanges qu’elle suscite, la campagne reste dominée par une économie de prévoyance visant simplement à assurer, localement, une stabilité de consommation à travers le temps et constituant, à cette fin, un certain nombre de réserves pour parer aux aléas du lendemain.

Cette tension entre la ville (espace urbain et global) et le village (espace agricole et local) est ainsi permanente et nécessaire, semble-t-il, à la dynamique des territoires. Mettant ainsi l’accent sur une différence fonctionnelle distinguant les « paysans localistes » et les « entrepreneurs pluri-territoriaux », nous voudrions relativiser l’importance de la morphologie socio-démographique (volume, densité) : l’élargissement du rôle de la ville repose plus sur la multiplication des champs qu’il s’agit de coordonner et sur le développement des échanges que sur l’augmentation de sa population. Comme le disait Raymond Ledrut, il y a un mode de spatialisation spécifique de la vie sociale, qui est lié à la manière dont les déplacements sont intégrés dans la vie de tous les jours et dans les moments exceptionnels qui entrecoupent celle-ci[14]. Analysant les effets qu’entraînent la modernisation agricole et l’urbanisation des campagnes, nous allons voir comment ces effets se manifestent chez les travailleurs de la terre qui non seulement utilisent mais aussi valorisent, ou encore critiquent, le nouveau contexte territorial. Il semblerait, ainsi, que l’on puisse opposer au pôle rural où les relations d’interconnaissance sont prédominantes, un pôle urbain où les rapports entre les individus et les groupes sont limités et fragmentés. Si l’on retient l’idée d’une influence entre le type d’espace et le mode des relations dominantes, on peut construire le schéma suivant[15] :


Schéma n° 1 : « Territoires : du rural à l’urbain »

Espace du village

 

Espace des maisons adjacentes

 

Espace domestique

 

Espace du quartier

 

Espace de la ville

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Relations d’inter-connaissance

 

Relations de voisinage

 

Relations de parenté

 

Relations de proximité

 

Relations limitées (fragmentées)

 

  Pôle                                                                                                                              Pôle

« rural »                                                                                                                      « urbain »


En fait, même si l'Europe s'impose aux Etats, le supranational apparaît comme une projection de l'Etat-nation. Plus encore, tout en remettant en cause l'Etat-nation, l'Europe renforce le rôle de l'Etat : c'est un des paradoxes de la construction européenne. Ce qui conduit à considérer, encore aujourd'hui, les Etats comme la force structurante de l'Europe, et la nation comme l'espace de la citoyenneté.


2. – Division de la profession agricole et l’Europe : des stratégies contrastées

Il s’agit donc, ici, de prendre en compte et d’analyser les perceptions des travailleurs de la terre, à partir d’une typologie.


1) Eléments de la méthodologie : une typologie simplifiée


L’Europe communautaire - à l’instar de l’Etat et des collectivités locales - est vécue et pensée par les producteurs agricoles en référence à ses rapports avec la société. A travers la médiation de la profession et des pouvoirs publics, l’exploitant s’insère dans la société contraignante – c’est-à-dire, dans les différents territoires - ou en est exclu. Comment l’”Europe” est-elle perçue par ceux qui, précisément, sont plus ou moins mis à l’écart de l’organisation professionnelle ? En effet concrètement, on l’a vu, c’est à travers les O.P.A. et les institutions agraires que s’exprime la relation des travailleurs de la terre à la société, et à la Communauté européenne : participation ou exclusion, éventuellement conformité ou déviance. L’évolution générale de l’agriculture artisanale française, vers l’intégration agro-industrielle peut ainsi être caractérisée par deux mouvements principaux et combinés : la transformation de l’agriculture, d’une part, la décomposition voire l’élimination de la paysannerie, d’autre part, double mouvement qui conduit à une nouvelle stratification. Pour étudier le sens que prend l’activité agraire dans les exploitations familiales, on a différencié trois types de chefs d’exploitation ayant des conceptions différentes des organisations professionnelles et de l’”Europe”. L’analyse porte autant sur les conduites effectives de l’exploitant que sur les normes et l’interprétation qu’il en propose.

Parler des "paysans" ou de "paysannerie" c'est, comme le montre M. Weber à propos des "concepts collectifs", rester dans l'obscurité rhétorique (1965, pp. 209-210). On a voulu dissiper ce flou par l’affirmation de stratégies multiples et variées, et souvent conflictuelles, de plusieurs fractions de cette population, à travers l’élaboration d’une typologie constituée à partir de catégories moins grossières que celles de “petits”, de “moyens” et de “gros” agriculteurs. A travers les “paysans nationaux”, les “agriculteurs” et les “entrepreneurs de l’Europe"[16], on voudrait présenter trois stratégies, à la fois individuelles et collectives, qui sont aussi des façons d’exprimer un rapport à la profession et au territoire (européen, national et local). On a constitué une typologie des comportements des travailleurs de la terre vis-à-vis des OPA et des représentations de l’Europe communautaire, en particulier à travers la PAC. 

Figure 1. - “Les travailleurs de la terre, les médiations institutionnelles et organisationnelles et l’Europe”

 

Type 1 :

Paysans nationaux

Type 2 :

Agriculteurs

Type 3 :

Entrepreneurs de l’Europe

 

Comportements dans les (ou face aux) OPA

 

Soumission ou exclusion des OPA

 

Adhésion et utilisation des OPA

 

Responsabilité dans les OPA

(Syndicalisme)

____________

Majorité/Minorité

3A / 3B

 

Rapports à la U.E. (PAC)

 

 

Anti-Europe

 

Opportunisme

Européanisme

___________

Négocie/Critique

3A / 3B

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           




 


Les “paysans nationaux” (type 1), les “agriculteurs” (type 2) et les “entrepreneurs de l’Europe” (type 3)[17] n’existent pas tels quels, dans la réalité[18]. Il va de soi qu’elle est plus complexe, plus riche que la présente typologie, qui n’a de légitimité qu’au regard de l’effort d’intelligibilité qu’elle permet de mettre en acte. Avant d’analyser chaque type de façon plus détaillée et plus concrète, on peut dégager quelques caractères généraux. On a ainsi trois catégories de représentation sociale et de rapport à l’Europe communautaire - perçue à travers la PAC - et sur lesquelles on peut formuler l’hypothèse suivante : la modernisation des exploitations agricoles, si elle s’élabore au cours d’histoires individuelles des travailleurs de la terre, implique en outre une certaine logique collective ; la modernisation est, ainsi, à l’origine de la constitution de lignes de clivages entre les agriculteurs.



2) Caractères généraux


a) Les types de rapports à l’”Europe” et aux organisations professionnelles étudiés, dans cet article sont les suivants : famille et exploitation constituent, pour les “paysans nationaux”, une seule et même unité. Les revenus passent de l’exploitation au ménage et réciproquement. Le rôle dévolu au syndicalisme est d’améliorer le prix plus que de participer à l’élaboration d’une politique agricole. Celle-ci est, par ailleurs, jugée impossible, car la solidarité avec les autres agriculteurs est faible, hormis entre “petits”, dominés par les “gros”. Terre, travail et capital sont généralement des apports familiaux ; il y a là un modèle d’exploitation où le maître-mot est celui d’indépendance, qui définit une stratégie typique : le refus des normes, pourtant imposées, de Bruxelles. La politique française et communautaire, notamment depuis les années 1970, a tendance à l’isoler, à le condamner à un choix critique : changer ou disparaître. C’est bien ce groupe que l’abandon du travail agraire menace le plus fortement. C’est lui aussi qui dénonce avec le plus de violence l’agriculture d’entreprise et les entrepreneurs complices, ou co-auteurs de la PAC.

b) Chez les “agriculteurs” une autre conception du travail, et du rôle des OPA considérées comme “utiles”, se dessine, l’expression “s’en sortir” revient constamment dans la bouche des sujets. On retrouve ici, sous une forme spécifique, le problème de la participation de l’exploitant à la modernisation. La mécanisation et le mode de production agricole sont sans doute les éléments fondamentaux qui distinguent les “paysans nationaux” des “agriculteurs”. Les décisions agricoles, comme les autres sphères réglementées par l’Etat et/ou Bruxelles, ne peuvent qu’être subies par ces derniers. C’est donc, face à l’administration - donc à l’Etat - et plus encore face à l’Europe, un sentiment d’impuissance qui domine. Beaucoup de ces “agriculteurs” se sont modernisés, mais grâce à l’endettement. Et cette stratégie s’est durcie en un état inquiétant et contraignant : à leurs yeux, ils sont des “paysans modernisés endettés”.

c) Luc Boltanski a montré comment la constitution du groupe social des cadres ne résultait pas seulement des transformations économiques. Celles-ci ont joué un rôle de condition nécessaire mais pas suffisante. Pour qu’émerge progressivement de la société cette catégorie de “cadres”, il a fallu aussi que soit effectué, par les intéressés eux-mêmes, tout un travail de définition du groupe. Ce type d’analyse peut sans doute être utilisé pour rendre compte de la constitution du groupe des “entrepreneurs de l’Europe”. En effet, ils ont, eux aussi, effectué un travail, se dotant de porte-parole, véhiculant non seulement des normes techniques mais aussi une image du “paysan modèle”, et constituant une élite reconnue. Ces exploitants considèrent leur exploitation comme une entreprise et se disent volontiers entrepreneurs. Or, ces deux termes sont le symbole de la société industrielle avec sa rationalité, sa fonction de compétitivité, son souci d’utiliser toutes les possibilités offertes par la technique, elle-même appuyée sur la science. Ces “entrepreneurs de l’Europe” possèdent une qualification professionnelle acquise souvent à l’école, mais aussi sociale et cette dernière n’est pas moins importante que la première. En effet, ils sont actifs dans les O.P.A. et exercent souvent des responsabilités dans les institutions économiques. Ils s’efforcent par là de garder la maîtrise de leurs produits et de la valeur ajoutée le plus loin possible dans la chaîne de transformation de commercialisation. Ils sont hantés par la modernisation incessante de leur exploitation, modernisation technique, mais aussi organisationnelle. L’entreprise est constituée d’abord par un réseau très dense de relations professionnelles ou politiques. Les techniciens ou ingénieurs extérieurs font partie intégrante de la structure d’entreprise. Ils apportent information, innovation et formation continuée.

En résumé, la modernisation agricole intègre les “familles-exploitations” à une société d’échanges. Quand sont évoqués les conflits, les différences de classes et les antagonismes de culture interviennent-ils ? Il ne semble pas. Dans le modèle proposé par Bruxelles subsistent néanmoins des doutes et de nombreuses interrogations. Dès lors, la représentation de l’”Europe” signifie-t-elle une acculturation réussie, donnant naissance à une nouvelle culture ? La description des types d’expériences vécues par les “paysans nationaux” (point “ 3 ”), par les “agriculteurs” (point “ 4 ”) et par les “entrepreneurs de l’Europe” (point “ 5 ”), va permettre de répondre, en partie, à cette question.



3) Les “ Paysans nationaux ” : la voix des petits producteurs


Marginalisés par la PAC et les OPA, qui renforcent leur exclusion, les “paysans nationaux” sont résignés face au progrès et tiennent volontiers des discours “anti-Europe”, s’identifiant spontanément à leur village – et, en Bretagne, au “ pays ” - et à la Nation, bien plus qu’à Bruxelles. Le sentiment général des chefs de petite exploitation est d’appartenir à un monde en déclin, condamné par l’”Europe”. Ils la perçoivent d’ailleurs comme destructrice de la culture locale. Non engagés dans les O.P.A., ils se considèrent, en outre, comme abandonnés par la nation. Pour eux, la cause principale de la crise économique et de leurs problèmes financiers, mais aussi des valeurs de la société, c’est Bruxelles : inefficacité, inhumanité, ingérence dans les décisions nationales, voilà quelques accusations portées contre l’”Europe” et ses divers fonctionnaires. Ils jugent qu’on accorde trop d’importance au profit, à l’efficacité de la production, au revenu des “gros” agriculteurs, et pas assez au “petit”, au consommateur, à l’environnement et aux catégories sociales les plus défavorisées. On peut considérer, en effet, que la PAC est, au moins en partie, responsable de cette désocialisation de nombreux travailleurs de la terre qui ont subi la violence d’une modernisation imposée. Cette déstructuration apparaît marquée par deux caractères principaux : l’ingratitude de la société à l’égard des petits exploitants et la perte des liens avec les autres.



La production d’un discours stéréotypé “anti-Europe”, conséquence de la marginalisation


Huit agriculteurs sur dix pensent que la baisse du nombre d’exploitations a été provoquée par les fonctionnaires de Bruxelles, qui ont créé les “quotas” pour “accroître les profits des grosses exploitations agricoles et liquider les producteurs non-rentables” (Marcel G., 54 ans). Telle est l’opinion qui caractérise la plupart des agriculteurs de ce groupe sur la façon dont les grandes organisations, et les instances étatiques ou supra-étatiques, prennent leurs décisions. A ces organisations, on accorde volontiers une rationalité omnisciente : elles sont capables, croit-on, de prévoir le futur, l’évolution de leur environnement politique et économique et de s’y ajuster. Mieux, elles sont assez calculatrices et machiavéliques pour dicter à cet environnement leurs quatre volontés. Dans le secret des cabinets ministériels ou des conseils de direction, elles tissent une stratégie, qui “arrange les exploitants modernisés” (Marcel G.), l’”élite”, qu’elles imposent, tel le démon, aux innocents sans défense.



4) Les “ Agriculteurs : usagers des O.P.A. et opposants à l’“ Europe ”


Généralement, les “agriculteurs” sont considérés comme de “très bons producteurs” (Michel D., 52 ans, directeur commercial) qui délèguent aux coopératives et aux intermédiaires tout ce qui concerne la transformation et la commercialisation. De ce fait, ce type d’exploitants se caractérise, à la fois, par un très faible taux de relations sociales et par une ambivalence de comportements. D’une part, ils ont un certain mimétisme, face au marché, par rapport aux entrepreneurs, et d’autre part, ils possèdent des schémas mentaux et des situations économiques qui leur interdisent d’être de véritables chefs d’entreprise. On peut donc dire que les “agriculteurs” ont un point commun : l’utilisation, sans participation active, des O.P.A. et de l’Etat. Ils sont, en effet, des usagers du Centre de gestion, du Crédit agricole, du syndicalisme ou de la Chambre d’agriculture, etc., mais ils n’y prennent pas de responsabilités. Comment conçoivent-ils l’Europe ? Moins qu’une communauté dans laquelle ils agissent, l’”Europe” est avant tout utilitaire, instrumentale ; au mieux, elle peut protéger contre les Américains, les Australiens et les Canadiens.

Certains “agriculteurs” n’adhèrent à aucune organisation ; les uns n’ont pu, ou pas voulu le justifier, d’autres, rebutés par les responsabilités et les soucis, affirment leur conviction : “J’ai envie d’être tranquille, je sais que je rate des trucs mais tant pis” (Marc L., 48 ans). Pour eux, les O.P.A. sont dirigées par des “hommes qui ne peuvent plus penser en dehors des appareils”. La profession, et en particulier le syndicalisme, ne leur paraît que d’une faible utilité : “Après des manifestations, qui ne changent rien, je me retrouve seul, avec mes problèmes”. On notera que les “agriculteurs”, traditionnellement très syndiqués, en Bretagne, ont eu tendance, depuis le milieu des années 1980, à ne pas renouveler leur adhésion à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles(F.N.S.E.A.) ; a priori, sans que nos chiffres puissent être considérés comme vraiment significatifs, on peut dire que les trois F.D.S.E.A. ont perdu de 20 à 30 % de leurs adhérents. Certains ont l’impression d’avoir été “roulés” par le syndicat. Il est fréquent que le syndicalisme n’ait guère d’importance en dehors de quelques communes où les exploitations sont plus grandes, plus modernes, et surtout, plus rentables (celles qui dégagent, selon le principaux intéressés, “un ou deux revenus corrects”). Mais le dirigeant local du syndicat reste une autorité que l’on doit voir et non une autorité abstraite et anonyme. Plus qu’un collègue ou un leader, c’est un “copain” qui partage les mêmes conditions de vie, qui comprend les difficultés, mais aussi les avantages du métier d’agriculteur. Il n’en reste pas moins qu’on peut lui reprocher, dans le même temps, d’être plus proche des patrons que des ouvriers (agricoles) ou des petits producteurs.

Les agriculteurs, face à l’administration mais aussi face à l’organisation agricole, se sentent, généralement, “perdus” ; car, pour eux, ce sont des maquis des règlements impersonnels, des lois complexes. Ils ont du mal, individuellement ou en groupe, à trouver les instances d’arbitrage et de décisions.



5) Les “ Entrepreneurs de l’Europe : la conquête du marché européen par les élites agricoles


Le système de production tend à être le plus possible subordonné à la fonction commerciale. Produire pour vendre, et, plus encore, ne produire que ce qui se vend. Il y a donc une mutation culturelle, un changement de structures mentales d’importance : le marché est considéré comme le seul régulateur du travail avec ses lois, ses chances et ses risques acceptés, voulus comme tels. Dès lors, la spécialisation s’impose, des ateliers fabriquent un seul produit, ou même assurent un seul stade de la production. C’est, pourrait-on dire, l’accentuation de la division du travail qui place chaque entreprise dans un réseau d’échanges et de complémentarités. Le syndicalisme par produits organise la défense des intérêts catégoriels. Les “entrepreneurs de l’Europe” entendent participer aux décisions de toutes les sphères de l’entreprise. Parce que les coopératives constituent une sorte de concentration décentralisée entre l’amont et l’aval des exploitations, celles-ci sont perçues comme l’institution la plus capable de fournir à chacun le pouvoir économique et de bénéficier de la valeur ajoutée par l’industrie et le commerce. La coopérative instaure une “solidarité organique” qui crée une originalité dans la société industrielle, prolongement de l’exploitation familiale.

Les “entrepreneurs de l’Europe” ont la conscience et la capacité d’agir sur la politique agricole, et savent que celle-ci est désormais non plus nationale, mais transnationale. C’est pourquoi ce type d’exploitants est considéré ici comme “européen”. Dans le grand marché sans frontières intérieures en cours de préparation, ils trouvent un champ à la dimension de leurs perspectives. Pour les “entrepreneurs de l’Europe”, si la coopérative prend modèle sur l’industrie privée, c’est une mutation nécessaire ; les producteurs agricoles doivent donc mieux travailler, plus rapidement et plus “rationnellement”. A l’ancienne paysannerie, les “entrepreneurs de l’Europe” opposent les prestiges d’un vrai métier, la modernisation devant être acceptée y compris dans son ultime conséquence : l’exode agricole. Il est remarquable, en outre, de voir combien les lois actuelles sont faites pour ces agriculteurs qui possèdent les capacités de production requises par les coopératives et par les industries agro-alimentaires (I.A.A.) ! La “ferme” devient un lieu axé (presque) exclusivement sur la demande des industries et du secteur commercial : la spécialisation est imposée par le marché.

Dans les O.P.A., on s’inquiète du manque de responsables professionnels disponibles et formés, du fait “de la baisse du nombre d’agriculteurs” et “de la montée de l’individualisme”. On peut, d’ores et déjà, prévoir des responsables plus jeunes, beaucoup plus sélectifs dans leur engagement professionnel, et toujours très accaparés. En fait, il y a eu une substitution graduelle de couches dominantes au sein de la paysannerie : les “jeunes” leaders des années 1960 sont devenus des dirigeants actifs du système. On peut difficilement contester que les actions syndicales menées antérieurement continuent à rapporter des dividendes (économiques et symboliques) aux actuels dirigeants agricoles. Ces derniers transmettent d’ailleurs à leurs enfants les fruits de leur “position dominante”. Pour eux, la régression de l’agriculture dans certaines zones est une conséquence, regrettable pour certains mais inéluctable, du progrès qui permet un accroissement de la productivité du travail agricole dans les zones plus favorisées et, par suite, un abaissement du coût relatif des aliments. Ainsi, l’esprit d’”entreprise” n’habite pas les seuls industriels, artisans, commerçants et élus locaux, mais aussi les agriculteurs. Cette valeur n’est pas, ainsi que l’ont déjà montré Placide Rambaud (ouvrage posthume, 1995) et Henri Mendras (1995), typiquement urbaine, loin s’en faut. A travers nos enquêtes, nous avons découvert une véritable modernité agricole.

On remarque ainsi que cette population lit plus souvent et plus régulièrement un autre quotidien hormis Ouest-France (Le Monde, Libération, Le Figaro, etc.), mais s’ils n’apparaissent pas comme de gros lecteurs (“j’aimerais bien lire plus”), ils sont les seuls à déclarer fréquenter les bibliothèques où peu de travailleurs de la terre sont inscrits. Les sorties et les visites (concerts, expositions, musées, cinéma, monuments) ne concernent pas, pour l’essentiel, les “entrepreneurs de l’Europe”, à l’exception du cinéma qui touche aussi quelques “agriculteurs” ; la télévision est regardée par l’ensemble des travailleurs de la terre. Quelques dirigeants agricoles disent néanmoins la regarder moins d’une fois par semaine, le week-end, puisqu’ils ont des réunions pratiquement un soir sur deux. L’engagement syndical a favorisé l’accumulation d’un capital culturel qui se substitue au capital scolaire relativement faible et a aussi constitué un lieu de rencontres avec d’autres responsables agricoles (coopération, mutualisme, banques, etc.).

En outre, pour la plupart des dirigeants bretons, l’éducation religieuse initiale du cadre familial, et poursuivie dans le scoutisme ou à la Jeunesse agricole catholique (JAC), a joué un rôle important dans l’activisme syndical et/ou politique. Les “entrepreneurs de l’Europe” forment, comme on vient de le voir, un ensemble d’agents particulièrement actifs dans le fonctionnement de l’agriculture, surtout dans son changement. Leur contribution à la politique agricole peut revêtir différentes formes ; rappelons les deux principales : prise de décisions et exemplarité.

a) Parmi les modalités d’action de ces chefs d’entreprise et dirigeants de la profession, il y a, tout d’abord, leur poids dans l’ensemble du processus de prise de décisions à l’intérieur de la Communauté européenne. C’est peut-être d’ailleurs sous cet aspect que leur influence apparaît le plus directement. On peut en effet, considérer le changement social - ou la résistance au changement - comme la résultante d’un ensemble de décisions prises par divers acteurs occupant des postes stratégiques. Il faudrait cependant compléter ce tableau en soulignant que, dans l’agriculture, la prise de décision implique bien d’autres personnes que les dirigeants de la profession. En effet, ces derniers doivent tenir compte de nombreuses contraintes ou limitations qui leur sont imposées par le gouvernement français, par Bruxelles.

b) En second lieu, les “entrepreneurs de l’Europe” font sentir d’une autre façon leur influence sur l’ensemble de la paysannerie par la valeur d’exemplarité qu’ils représentent. A l’évidence, ces exploitants exercent un attrait sur les autres travailleurs de la terre et provoquent un certain mouvement d’imitation (choix du matériel et des races animales par exemple). Les “agriculteurs” en particulier, qui aspirent à s’élever dans la hiérarchie sociale, à accéder à la richesse et au poste de commande, doivent assimiler l’idéologie de cette “élite” du pouvoir agricole ; ils doivent s’identifier à ses intérêts, voire tenter de copier ses manières de faire. De ce fait, ils introduisent dans la société locale des modèles de type européen : les “entrepreneurs de l’Europe”, qui se font les porte-parole du secteur agricole, participent de ce que Guy Rocher a appelé “la multiplication des élites des sociétés industrielles modernes” (1968, p. 145). Les “entrepreneurs de l’Europe”, au statut élevé, ont un cadre de référence et un schéma de pensée, très proches de ceux des “cadres” de l’industrie, c’est-à-dire un horizon qui dépasse largement celui de la nation. Ils s’intègrent donc facilement à l’”Europe des régions” et participent donc, activement, à la mise en place de cette “ utopie communautaire ”.



6) L’identité individuelle et collective : entre le territoire et la profession


On a tenté de montrer que des réglementations apparemment déconnectées forment un système cohérent d’une volonté de rationalisation et de modernisation de l’agriculture qui a ses revers : la marginalisation et l’exclusion de certains agriculteurs pourtant modernisés. D’une manière générale, notre analyse veut rendre compte de la complexité croissante des processus d’élaboration et de gestion de la politique agricole au quadruple niveau, local, départemental et régional, national, européen. On a illustré la double logique identitaire à l’œuvre entre la gestion professionnelle des filières d’une part, et la gestion plus horizontale et territoriale d’autre part. Le Pays de Redon (Bretagne) est traité, ici, comme lieu de reconstruction d’une identité locale, traversée par l’internationalisation des échanges, l’européanisation des mesures politiques et administratives. Les organisations professionnelles et syndicales ainsi que les administrations ne peuvent pas être dans ce contexte, les simples successeurs des notables, médiateurs entre la société locale et la société “ englobante ”. L’emboîtement pyramidal et la régulation croisée ne permettent plus de comprendre la dynamique de changement et de recomposition identitaire. En effet, nous assistons non seulement à la recomposition d’un métier, non seulement à la recomposition d’un territoire mais aussi à la recomposition des médiations et de leurs rôles. C’est l’objectif principal de notre travail que de mettre en relation ce triple déplacement.

On notera que les médiations ne sont pas que des relais : elles sont une pièce dans un jeu de complexité croissante. Pour aborder directement le paradoxe identitaire - c’est-à-dire la place que tiennent les élites politiques et professionnelles dans les métamorphoses identitaires, qui lient profession et territoires - on rappellera que les activités salariées, professionnelles et reconnues, participent explicitement à la production des identités individuelles et collectives ; en effet, le travail peut être défini comme l’ensemble des activités professionnelles participant à la socialisation des individus. Mais, ne faisons-nous pas semblant de (re)découvrir la division du travail et son éventuelle contradiction avec les territoires ruraux légués par l’histoire ? Il y a vingt ans, Placide Rambaud, Henri Mendras et Marcel Jollivet, mais aussi d’autres responsables du Groupe de sociologie rurale et du Centre de sociologie rurale, demandaient aux chercheurs de faire le point sur l’urbanisation ; la “ mobilité des ruraux ” n’était pas alors un thème de prédilection pour les politiques publiques. En 1980, nous n’étions sans doute pas prêts à admettre l’immense portée d’analyses qui reliaient les mutations des territoires aux mobilités liées à la modernisation et à la professionnalisation. Etait-on prêt aussi, il y a vingt ans, à imaginer une ville sans limites, en réseau et très urbanisée ?

En même temps, le monde a continué sa course : la tendance “ urbanisante ”, mais aussi “ rurbanisante ”, ne s’est pas démentie, la tertiarisation de l’économie s’est poursuivie, le chômage a pris une place importante dans la société française, les styles de vie ont changé sur fond de vieillissement de la population. Aujourd’hui, malgré tous ces changements, les travaux des chercheurs n’ont pas été démentis, au contraire. Depuis vingt ans, les recherches sur les villes et les territoires ruraux, des transformations des institutions qui les gouvernent aux mouvements qui les animent répondent à quelques interrogations majeures.

L’identité, par exemple, instamment quêtée par notre époque, voit se banaliser les lieux, se diluer les territoires, se dissoudre le “ local ” dans une déconcertante “ mondialisation ”. Le mouvement, les mobilités, la professionnalisation participent-ils uniquement de cette dilution générale (c’est-à-dire à la “ déterritorialisation ”) ou contribuent-ils, à leur manière, à reconstruire une identité nouvelle des pays, des lieux et des divers territoires ? A ce sujet, nos recherches contiennent des éléments, dessinent quelques pistes, qu’il faudra, sans doute, prolonger. Cette réflexion est guidée, en fait, par la volonté de lier une sociologie du travail agraire et une sociologie de la socialisation, par le désir de comprendre comment notre société fabrique des individus et des sujets “ territorialisés ”, dans le cadre d’une activité professionnelle organisée. Il ne s’agit donc pas de décrire le “ vécu ” en situation des individus concernés (élus et dirigeants agricoles), mais de comprendre comment ils construisent leur expérience, comment ils hiérarchisent leurs orientations et leurs choix.

Pour Durkheim, à ce propos, au fur et à mesure que se déploie “ la logique propre à la société complexe ”, pour reprendre une formule de Dominique Schnapper, et que s’accroît la division du travail social, le rôle du territoire et de la tradition (le territoire rural, en particulier, est l’indicateur de la tradition) ne cesse de diminuer. Ainsi, la professionnalisation rendrait la société de moins en moins dépendante du territoire. Dans cette perspective, le passage à la société moderne est un processus d’émancipation de l’individu par rapport aux solidarités particulières, aux enracinements dans un territoire, ainsi qu’aux contraintes de la nature. Les “ causes sociales ” se substituent désormais aux “ causes organiques ” : le progrès aurait donc pour effet de détacher de plus en plus, sans l’en séparer toutefois, les individus de leur territoire (local). Mais Emile Durkheim (et, plus encore, Talcott Parsons) n’échappe pas à une forme d’évolutionnisme lorsqu’il évoque le remplacement progressif de la solidarité mécanique (traditionnelle et territoriale) par la solidarité organique (professionnelle) et le déploiement de la société moderne, dont il voit s’étendre les effets. Cela nous a conduit à envisager, bien plus, le rapport entre les deux formes de “ construction identitaire ” en termes de dialectique ou de tension, et envisager le retour possible des solidarités et des identités territoriales ; on peut prévoir, par hypothèse, que l’identité territoriale se développe, à nouveau, avec la profession, le marché et le travail.

C’est cette conception de la modernité que nous tenterons d’analyser, sachant que tout ce qui pouvait aller de soi pour E. Durkheim, mais aussi pour T. Parsons, est devenu pour nous incertain et problématique. Il faudra donc renoncer à chercher, dans ce mémoire, des réponses à propos de la “ fin des territoires ” ; ce travail est, en effet, conduit par une hypothèse centrale : la montée en puissance des flux transnationaux, l’essor des réseaux professionnels tout comme la mise en échec de la relation citoyenne un peu partout, affaiblissent inévitablement – y compris en Europe – le territoire de l’Etat-nation qui peut de moins en moins prétendre bénéficier de l’allégeance prioritaire des individus. Bertrand Badie souligne, à cet égard, qu’“ il se forme des tendances où le multiple (concernant les allégeances) semble triompher de l’un ”. On devine de nouvelles divisions du travail, des façons inédites de penser la multiplicité des fonctions à travers la pluralité des espaces et des allégeances.

Succédant à l’engouement des années 1970 pour le “ local ”, la notion de “ territoire ” s’est ainsi, progressivement, installée dans le vocabulaire scientifique et technique des années 1990, à tel point qu’on le retrouve aujourd’hui en bonne place dans la plupart des lexiques de “ management public ” sur la modernité. A l’instar de mots magiques comme la gouvernance, le développement durable ou le citoyen, l’envoûtement provient d’abord d’une confluence de significations : le territoire est mobilisé dans les débats sur l’action collective pour évoquer tout à la fois des questions de frontières, de pouvoirs, de valeurs, d’usages. Les ouvrages récents illustrent d’ailleurs cette ambivalence sémantique : les analyses adoptent des angles de lecture qui vont de la démocratie de proximité aux déplacements automobiles, en passant par les réseaux familiaux, amicaux ou professionnels, la fiscalisation des prestations sociales et l’évolution du droit. Chaque auteur dévoile une des facettes du problème et les diagnostics qualifient des faits et des évolutions singulièrement hétéroclites. Pourtant, ces analyses ont peut-être en commun un même projet : celui de chercher à énoncer le “ retour au territoire ”, une série de problématiques liées aux rouages contemporains de l’action publique. C’est dans cette optique de “ reterritorialisation ” que nous abordons la présente réflexion, en testant l’idée que la combinaison de nos différents travaux permet précisément de poser une question territoriale relativement inédite. Cela paraît, de ce point de vue, assez loin de la “ fin des territoires ” évoquée par Bertrand Badie ; en effet, selon le politiste, la banalisation des relations internationales, malmène les territoires, maltraite leur souveraineté et dévalorise leur rôle politique, économique et social. A en croire l’auteur, “ le territoire tend à devenir proprement aporique ” (Badie, 1995). Sans aller jusqu’à cet extrême, notre thèse révèle, aussi, que l’essor des réseaux affaiblit inévitablement le territoire de l’Etat-nation : ce ne serait pas la première fois que l’Etat s’appuie sur son échelon local – les collectivités locales – pour moderniser l’ensemble du territoire ! Ce fut déjà le cas pour l’électrification des campagnes, l’adductions d’eau, etc.


Réflexions pour conclure

Dans l'Union européenne, on peut éprouver – à l‘instar Max Weber - de la rancoeur contre le système bureaucratique. Ce que M. Weber peut cependant nous apprendre, c'est que tout rêve de retour communautaire, en lieu et place de la "sociation", est ambigu. L'oscillation du concept de Gemeinschaft entre les deux pôles, que sont l’ordre et le désordre, est à cet égard caractéristique et exige, à tout le moins, la plus grande vigilance, en particulier face à l'idéologie dominante, à l'ère du capitalisme : le marché et le fétichisme de la marchandise... Le capitalisme libéral avait fait faire des rêves de communisme, mais les régimes communistes ont donné des cauchemars. L'effondrement de ces régimes, leur échec quasi-total changent le cours de l'histoire ; le monde n'est pas paisible pour autant, mais ceci est une autre question. Sur le plan de l'idéologie, la conclusion provisoire est la suivante : le libéralisme triomphe. Les théories monétaristes de Milton Friedman et celles du "capital humain" de Gary Becker ont été vulgarisées dans les années soixante-dix, sous la bannière d'un "néo-libéralisme". Cette école de pensée n'avait, il nous semble, que restauré une conception de l'économie vieille de deux siècles fondée sur le principe utilitariste. Mais ce libéralisme n'est pas qu'un produit d'école ; il a été érigé en doctrine officielle par certains gouvernements. Le résultat majeur de cette politique libérale est de revenir sur ce qui semblait un acquis solide du XIXe siècle : la prise en compte simultanée de la production et des producteurs, de l'économique et du social. Pour l'école libérale, l'économique prime le politique et le social ; les impératifs de gestion, de productivité et de compétitivité l'emporte sur toute autre considération ; dès lors le chômage est considéré comme un fait naturel !

Cette "restauration" libérale ne se limite cependant pas à l'économie. Elle tend à envahir l'ensemble de la pensée dans le domaine politique et social, et elle est appliquée avec dogmatisme à toutes les institutions macro ou micro-sociales, dans des termes parfois franchement ridicules : par exemple, le ménage est analysé comme une unité de production, une firme, avec des coûts de transactions, des inpouts des conjoints, des outpouts de ménage... On peut ne pas apprécier un tel langage qui se répand en tous sens et en tous lieux, dans les médias comme, malheureusement, dans les sciences sociales. Parler de "déficit démocratique", de "gestion des ressources humaines" et utiliser en tous domaines un langage de comptable n'est pas innocent. Considérer des personnes comme des ressources parmi d'autres, qu'il faut "gérer" n'apporte rigoureusement rien dans l'ordre de la connaissance et ne présente certainement pas un progrès de la pensée. Ce triomphe de l'utilitarisme ne constitue pas une réussite pour l'Europe, pour l'humanité considérée dans son ensemble. L'unification du monde en un vaste marché livré à une impitoyable concurrence des puissants ne cesse d'aggraver les inégalités à leur profit. L'Europe a participé, et même exacerbé ce goût de la conquête, de la compétition, de l'appropriation, tentation que d'autres cultures ont plutôt cherché à contenir[19]

Pour les Grecs, le barbare était celui qui ne parlait pas la langue de la communauté ; dans nos sociétés modernes, le barbare est peut-être celui qui, emporté par le calcul égoïste, a perdu jusqu'au sens même de la communauté, avec ce qu'elle implique en termes de solidarité et de partage. Tocqueville avait prévenu : L'individualisme est la "rouille des sociétés" ; après avoir participé à la destruction d'autres civilisations, l'Europe (la civilisation occidentale) pourrait devenir une menace pour elle-même, si l'individualisme corrosif prenait le pas sur toutes les autres valeurs dont l'utopie communautaire est également porteuse. Ce n'est donc pas l'humanisme, à proprement parler, qui est en question, mais l'identification de l'humanisme avec l'individualisme entendu comme la sacralisation de la recherche exclusive du profit individuel, envers et contre les autres, perçus d'abord comme concurrents, et non comme partenaires !



REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Aït Abdelmalek A., 1996. - L’Europe communautaire, l’Etat-nation et la société rurale. Essai de sociologie des médiations institutionnelles et organisationnelles (l’exemple du Pays de Redon), Paris, Ed. L’Harmattan.
Aron R., 1967. - Les étapes de la pensée sociologique, Paris, Ed. Gallimard, 1967.
Badie B., 1995. - La fin des territoires, Paris, Ed. Fayard.
Bourdieu P., 1980. - Le sens pratique, Paris, Ed. de Minuit,
Darré J.-P., 1985. - La parole et la technique : l'univers de pensée des éleveurs du Ternois (avant-propos d'I. Chiva), Paris, L'Harmattan.
Deniot J., 1995. – Ethnologie du décor en milieu ouvrier. Le Bel Ordinaire (préface de Michel Verret), Paris, L’Harmattan.
Dubar C., 1991. - La Socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Ed. A. Colin.
Dubar C., Tripier P., 1998. - Sociologie des professions, Paris, Ed. A. Colin.
Dubar C., 2000. - La crise des identités : l’interprétation d’une mutation, Paris, Ed. Ed. PUF.
Ferréol G., 1992. – Analyse sociologique, Paris, Ed. A. Colin.
Grémion P., 1976. - Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Ed. du Seuil.
Hess R., 1978. - Centre et périphérie : introduction à l'analyse institutionnelle, Paris, Ed. Privat.
Hess R., 1989. - Le lycée au jour le jour : ethnographie d'un établissement d'éducation, Paris, Ed. Méridiens klincksieck.
Jollivet M., Mendras H. (dir), 1971-1974. - Les Collectivités rurales françaises, Paris, Ed. A. Colin & C.N.R.S.
Lévi-Strauss Cl., 1955. - Tristes tropiques, Paris, Ed. Plon.
Martin D., Metzger J.-L., Pierre P., 2003. - Les métamorphoses du monde. Sociologie de la mondialisation, Paris, Ed. du Seuil.
Mendras H., 1984. - La fin des paysans, suivi d’une réflexion sur «la fin des paysans», vingt ans après (postface), Arles (Le Paradou), Ed. Actes-Sud, 1984.
Mendras H., 1995. – Les sociétés paysannes. Eléments pour une théorie de la paysannerie, Paris, Ed. Gallimard.
Morin E., 1987. - Penser l'Europe, Paris, Ed.
Gallimard.
Piotet Fr.
(dir.), 2002. - La révolution des métiers, Paris, Ed. PUF.
Prémel G., Huet A. (dir.), 1991. - Bretagne : contribution au débat sur l’Europe des régions, Rennes : Ed. Ubacs.
Rambaud P., 1995. – Les fondements de l’Europe agraire (ouvrage posthume : textes réunis par R.-M. Lagrave et M. Vincienne) , Paris, Ed. L’Harmattan.
Reynaud J.-D., 1989. - Les règles du jeu, l'action collective et la régulation sociale, Paris, Ed. A. Colin.
Rocher G., 1968. - Introduction à la sociologie générale (t. 3 : le changement social), Paris, Ed. HMH.
Schnapper D., 1994. - La Communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation, Paris, Ed. Gallimard.
Touraine A., 1978. - La voix et le regard, Paris, Ed. du Seuil.
Weber M., 1965. - Essais sur la théorie de la science, Paris, Ed.
Plon.




[1] Cf. Morin, 1987, pp. 168-169. Je tiens à remercier Jean-Marc Boussard et Claude Dubar.
[2]On pense ici aux ouvrages et articles de R. Hess, 1978 et 1989.
[3]Cf., à ce sujet, P. Bourdieu, 1980, pp. 80-81 (les “ habitus ”, définis comme "systèmes de dispositions durables et transposables" et "principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations"). Cette formulation renvoie, notamment, au vocabulaire de M. Weber (l'"habitus religieux"), repris, on l'a vu, par P. Bourdieu. Mais la notion d'habitus avait déjà une longue histoire : présente chez Pascal, pour qui l'habitude est une seconde nature, et chez Thomas d'Aquin, on la trouve auparavant chez Aristote, et même dans l'oeuvre de Platon (Lois, VII ; République, VII), les dispositions de caractère et les vertus morales, étant pour ces derniers "filles des bonnes habitudes". Les termes grecs signifient "coutume", "usage", ou "habitude" (ethos), ou "caractère", "manière d'être", ou "moeurs" (êthos).
[4]Cultur Bias, London, Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, in : A. Aït Abdelmalek (thèse de l’E.H.E.S.S., 1993 et H.D.R., Rennes 2 – Haute-Bretazgne, 14 novembre 2003).
[5]Dans un texte intitulé "La catégorie de l'intermédiaire dans la pensée de Freud", R. Kaës écrit : "dans cette articulation de l'individu et du collectif, nous trouvons la figure biface du groupe (...) Il n'est de condition de la pensée que groupale" (texte non publié issu du Centre de recherches cliniques sur les formations intermédiaires, Université Lyon III, 1980, p. 8).
[6]A. Touraine, 1978, p. 109.
[7] Nous avons distingué, parmi les stratégies des travailleurs de la terre, celles des “ paysans nationaux ” (type 1, exclus des O.P.A. et Anti-Europe), des “ agriculteurs ” (type 2, consommateurs des services des O.P.A. et opportunistes par rapport à l’Europe) et, enfin, des “ entrepreneurs de l’Europe ” (type 3, responsables dans les O.P.A. et européanistes). Cf. à ce propos, notre H.D.R. (tome 2 : mémoire) déjà citée et nos articles dans Ruralia (ARF) et Economie rurale (SFER). En fait, nous n’abordons ici, pour l’essentiel, que la dimension “ territoriale ” de l’identité ! Sur la dimension « professionnelle » de l’identité, voir : Dubar, 2000 et Piotet, 2002.
[8]Nous empruntons la formulation à J.-D. Reynaud, 1989, pp. 5-56.
[9] Cf. notamment, les travaux et les réflexions de Joëlle Deniot et de Jacky Réault (LESTAMP, Université de Nantes, supra).
[10]On aurait pu être plus précis, compliquer encore le système, en faisant la distinction, entre d’une part les collectivités locales, et d’autre part les administrations publiques. Entre ces deux filières, les jeux d’évitement et les rivalités d’influence sont quotidiens.
[11] Cf. la mondialisation telle que l’évoque D. Martin et alii (2003). L’ouvrage est, à la fois, une étude scientifique, un essai engagé et une excellente synthèse pédagogique des débats en cours.
[12]On notera que le canton et l’arrondissement sont des entités rarement évoquées et mal identifiées. Pour L. Laurent, directeur régional de l’INSEE (Rennes), “Pays/région/Europe” sont des “espaces de convivialité” (L. Laurent, “Polarisation et homogénéité des territoires”, in : G. Prémel et A. Huet, 1991 p. 25).
[13] Envisagé de façon descriptive, le concept de « ville » s’organise autour de divers éléments : il évoque tout d’abord une certaine densité d’habitat et une prédominance du bâti sur le non-bâti ; c’est un espace dans lequel la nature peut, certes, plus ou moins s’inscrire, mais qu’en tout cas elle ne structure pas.
[14] Cf. R. Ledrut, La Révolution cachée, Paris : Ed. Castermann, 1979, cité par : J. Rémy et L. Voye, La ville : vers une définition nouvelle ?, Paris : L’Harmattan (coll. « Villes et Entreprises »), 1992, p. 46 (174 p.).
[15] Cf, à ce sujet, Y. Grafmeyer et I. Joseph, L’Ecole de Chicago, Naissance de l’écologie urbaine, Paris : Ed. Aubier, 1979 ; L. Wylie, Un village dans le Vaucluse, Paris : Ed. Gallimard, 1979 et P. Champagne, “ La restructuration de l’espace villageois, A.R.S.S. n° 3, 1975 ; H. Mendras, Eléments de sociologie, Paris : A. Colin, 1975 et P. Rambaud, Société rurale et urbanisation, Paris : Ed. du Seuil, 1974.

[16]L’usage des guillemets indique seulement qu’il s’agit là de notre désignation, de nos types construits pour les besoins de l’analyse, et non de désignations indigènes ; on notera que le mot “paysan” renvoie à un enjeu important : faire exister un collectif “unitaire” dans l’espace politique, économique et culturel.
[17]Le “type 3” se compose, ainsi, des deux sous-types suivants : le type 3A : “entrepreneurs de l’Europe”, responsabilités dans les OPA, et notamment le syndicalisme dit “majoritaire” (FNSEA/CNJA), “européanisme et négociation” ; et le type 3B : “entrepreneurs” mais, “européanisme critique” et utilisant notamment la révolte comme moyen d’expression et d’action (Confédération paysanne).
[18]En fait la typologie ne peut être ni totalement empirique, à la manière de Georges Gurvitch, ni complètement rationnelle, comme le voudrait M. Weber. On a été conduit à adopter, comme la plupart des chercheurs, un moyen terme et à prendre appui sur l’observation empirique pour bâtir un schéma d’interprétation. De plus, la typologie permet l’étude des exploitants agricoles, “individualités historiques” ; ce recours au “vécu” des travailleurs de la terre, à leurs types d’expériences, est, dans cette perspective, davantage qu’un complément biographique à l’analyse institutionnelle et organisationnelle. Ce n’est qu’après l’analyse de ce “vécu subjectif” que la connaissance des M.I.O. pourra véritablement se constituer, s’incarner. Enfin, on tentera, dans les pages suivantes, de se dégager de l’illusion, largement ancrée dans les représentations sociales courantes, du “continuum linéaire”, allant du plus traditionnel au plus moderne.
[19] Cf., à ce sujet, Lévi-Strauss, 1955, p. 479.



 
_____________________________________




 
 
 


LIENS D'INFORMATION
 

Formation de formateur   I   Formation communication   I   Formation management   I   Formation consultants   I  Gestion du temps   I   Bilan des compétences    I  Art   I   Ressources humaines
Formation gestion stress  I  Formation coaching   I  Conduite de réunion   I   Gestion des conflits   I  Ingénierie de formation  I  Gestion de projets   I  Maîtrise des changements  I   Outplacement
Formation Ressources Humaines    I    Prise de parole en public    I    Certification formateurs    I   Orientation professionnelle    I   Devenir consultant    I  Sociologie de culture   I  Master culture
Formation management    I  Info culture   I   Lca consultants    I  
Formation de formateur   I   Formation gestion conflit    I   Formation communication   I   Formation coaching    I  Gestion stress
Ressources humaines   I   Formation management   I   Conduite réunion  I   Formation consultants   I  Gestion du temps  I  Devenir formateur   I   Certification formateurs   I  Formation coaching
Consultant indépendant  I  Ingénierie de formation  I  Bilan de personnalité  I  Bilan de compétence  I  Évaluation manager 360°  I  Coaching de progression  I  Stratégies internet E-commerce
Management internet marketing    I    Création site internet     I    Référencement internet    I    Rédiger une offre internet    I   Gestion de projets e-business    I   Droit des nouvelles technologies
Intelligence stratégique    I   Négocier en position de force    I    Conduite des changements    I    Management de la qualité     I    Orientation professionnelle    I    Gestion ressources humaines 
Ingénierie de formation     I     Gestion des conflits      I     Management et performances      I     Communiquer pour convaincre     I    Développement personnel     I     Intelligence émotionnelle
Prise de parole en public  I 
Gestion stress Conduite de réunion  I  Gestion du temps  I  Conduite des entretiens  I  Réussir sa gestion carrière  I  Formation leadership  I  Recrutement consultants
Communiquer pour convaincre  I  Prospection commerciale   I  
Coaching commercial  I  Formation vente   I  Management commercial   I  Négociation commerciale   I   Responsable formation
Knowledge management    I    Gestion de projet internet   I Toutes les formations LCA  
I   Formation consultant  I   Formation formateur   I   Colloque odyssée du sujet dans le sciences sociales
Statuts lestamp   I   Publications lestamp   I   Art, cultures et sociétés  I  Partenariat lestamp  I  Newsletter lestamp  I  Livre libre prétexte  I  Livre les peuples de l'art  I  Livre french popular music
Livre éros et société   I   Livre des identités aux cultures  I  Livre de Bretagne et d'ailleurs  I  Libre opinion  I  Page d'accueil index  I  Formation continue  I  Equipe lestamp  I  Décors populaires
Contact lestamp   I   Conférences lestamp   I   Conditions générales lestamp  I  Sciences sociales et humanités  I  Charte confidentialité lestamp  I  Articles  I  Article variations anthropologiques
Article traces et contrastes  I  Article rapport à l'écriture  I  Article parler ouvriers  I  Article ouvriers des chansons  I  Article ouvriers de Saint-Nazaire  I Article odyssée du sujet  I  Le rire de Norma
Article le poids la perte des mots   I   Article la prolétarisation du monde ouvrier   I  Article Nantes ville  I  Article interdit sociologique  I  Article envers du décor  I  Article des cultures populaires
Article critique de la sociologie politique   I   Article la chanson réaliste   I   Article chanson comme écriture   I   Article apocalypse à Manhattan   I   Appel à contribution   I  Adhésion à lestamp
Décor populaire   I  Publications les sociétés de la mondialisation   I   Intervenants au colloque les sociétés de la mondialisation   I  Colloque acculturations populaires  I  Colloque bilan réflexif
Colloque chanson réaliste   I   Colloque états d'art   I   Colloque chemins de traverse   I   Colloque des identités aux cultures   I  Colloque éros et société  I  Colloque espaces, temps et territoires
Colloque science fiction, sciences sociales   I   Colloque les peuples de l'art   I   Colloque nommer l'amour   I   Colloque odyssée du sujet dans le sciences sociales  I  Colloque sciences sociales
Colloque les sociétés de la mondialisation Colloque une vie, une ville, un monde  I  Article hommage à Claude Leneveu  I  Article Nantes identification  I  Article prolétarisation Jacky Réault
 
 

© Lca Performances Ltd